En effet, au-delà de l'information brute, le détail des chiffres de l'INSEE montre combien il faut la relativiser. Ainsi, sur ces 0,6 %, 0,5 point vient de la formation de stocks, variable d'ajustement particulièrement volatile et qui ne reflète pas la réalité intrinsèque de l'activité économique. D'ailleurs, le sur-stockage du premier trimestre sera forcément corrigé à la baisse au cours des trimestres suivants. Autrement dit, il paraît plus opportun de souligner que, hors stocks, la vraie croissance du premier trimestre n'a été que de 0,1 %.
Une opération qui a d'ailleurs été renouvelée sur l'ensemble de l'année 2014, qui a consacré une croissance de 0,2 % (contre 0,4 % annoncé jusqu'alors par l'INSEE), mais de 0 % hors stocks. De plus, le jeu des ajustements statistiques de l'INSEE fait état de deux trimestres consécutifs de baisse du PIB l'an passé (précisément au premier et au deuxième trimestre). Ce qui signifie que la France est bien retombée en récession en 2014. En outre, la variation du PIB du quatrième trimestre 2014 a été révisée à la baisse à 0 %.
Deux principaux enseignements peuvent être tirés de ces « incidents statistiques ». Primo, les premières estimations de l'INSEE doivent être prises avec des pincettes. Elles sont effectivement constamment révisées. Secundo, l'augmentation du PIB du premier trimestre 2015 est avant tout une correction de la faiblesse passée et n'est absolument pas extrapolable pour l'avenir.
Et ce d'autant que les autres évolutions des comptes nationaux du premier trimestre sont loin d'être euphoriques. Certes, la consommation des ménages a progressé de 0,8 %. Mais il s'agit là d'une correction modeste de l'atonie des trimestres précédents. De plus, l'essentiel de cette hausse a été absorbée par la flambée des importations (+ 2,3 % sur le premier trimestre). En d'autres termes, si les Français consomment des produits importés, l'impact sur l'activité intérieure reste mécaniquement modéré.
Encore plus grave, l'investissement total a reculé pour le cinquième trimestre consécutif. Il s'est même effondré de 1,4 % dans le secteur du logement et n'a progressé que de 0,2 % dans le domaine de l'investissement des entreprises. Or, l'investissement est le principal indicateur avancé de l'emploi. Cela signifie donc que ce dernier n'est toujours pas près de redémarrer et que le chômage est toujours loin de pouvoir baisser.
Au premier trimestre 2015, l'emploi dans les secteurs marchands a d'ailleurs encore reculé de 0,1 %, soit 13 500 destructions d'emplois nettes sur un trimestre. On en recense 284 600 depuis le deuxième trimestre 2011 et 634 100 depuis le premier trimestre 2008. En fait, le niveau actuel de l'emploi marchand (en l'occurrence 15,799 millions de personnes) est à un plus bas depuis le premier trimestre 2004 ! De quoi rappeler que la France reste engluée dans une faible croissance sans emploi depuis plus de dix ans, un phénomène qui s'est aggravé depuis 2008.
Et cela ne devrait malheureusement pas s'arranger, puisque les dernières données d'enquêtes (notamment celles des directeurs d'achat et de l'INSEE) montrent que la croissance va ralentir nettement dès le deuxième trimestre. De plus, à présent que les prix des matières premières et que l'euro repartent à la hausse, le soutien conjoncturel des derniers mois va rapidement s'estomper. Dans ce cadre, nous maintenons notre prévision d'une croissance française d'environ 1 % sur l'ensemble de l'année 2015, soit toujours trop peu pour permettre de faire baisser le chômage.
Compte tenu de ces éléments de relativisation de la « performance » du premier trimestre, on peut commencer à comprendre pourquoi le gouvernement a « grillé » l'embargo sur le chiffre de la croissance, fait rarissime (de mémoire d'un économiste qui commente ce type de chiffre depuis près de vingt ans, il s'agit en fait de la deuxième fois).
En effet, lorsque l'information a été lancée (mardi soir au lieu de mercredi matin), nous ne disposions pas du détail des comptes nationaux de l'INSEE, et notamment de la « supercherie » de la formation de stocks et des révisions opérées sur l'année 2015, ou encore de la baisse de l'investissement. Cela a donc permis au gouvernement de fanfaronner sur le chiffre de 0,6 % sans plus de détail.
La question est désormais de savoir si la vérité des comptes va être rétablie rapidement ou si le marketing gouvernemental va encore l'emporter… Pour l'instant, en dépit des efforts de votre serviteur pour prêcher le vrai, la seconde possibilité semble s'imposer.
Dans le même ordre idée, deux informations déterminantes sont presque passées inaperçues. En l'occurrence, la nouvelle augmentation du poids des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques dans le PIB français. Dans les deux cas, de nouveaux sommets historiques ont été atteints : respectivement 44,9 % et 57,5 %.
Cela rappelle d'ailleurs pourquoi la croissance structurelle de l'économie française demeure si faible, à savoir 0,7 %. En effet, compte tenu d'une pression fiscale de plus en plus prohibitive, de lourdeurs réglementaires et administratives de plus en plus importantes et d'un marché du travail de plus en plus rigide, l'économie hexagonale demeure structurellement atone. Et tant que des réformes structurelles de fonds (que nous appelons « thérapie de choc ») ne seront pas engagées, rien ne changera : la croissance restera molle, l'emploi moribond et le chômage élevé.
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Une opération qui a d'ailleurs été renouvelée sur l'ensemble de l'année 2014, qui a consacré une croissance de 0,2 % (contre 0,4 % annoncé jusqu'alors par l'INSEE), mais de 0 % hors stocks. De plus, le jeu des ajustements statistiques de l'INSEE fait état de deux trimestres consécutifs de baisse du PIB l'an passé (précisément au premier et au deuxième trimestre). Ce qui signifie que la France est bien retombée en récession en 2014. En outre, la variation du PIB du quatrième trimestre 2014 a été révisée à la baisse à 0 %.
Deux principaux enseignements peuvent être tirés de ces « incidents statistiques ». Primo, les premières estimations de l'INSEE doivent être prises avec des pincettes. Elles sont effectivement constamment révisées. Secundo, l'augmentation du PIB du premier trimestre 2015 est avant tout une correction de la faiblesse passée et n'est absolument pas extrapolable pour l'avenir.
Et ce d'autant que les autres évolutions des comptes nationaux du premier trimestre sont loin d'être euphoriques. Certes, la consommation des ménages a progressé de 0,8 %. Mais il s'agit là d'une correction modeste de l'atonie des trimestres précédents. De plus, l'essentiel de cette hausse a été absorbée par la flambée des importations (+ 2,3 % sur le premier trimestre). En d'autres termes, si les Français consomment des produits importés, l'impact sur l'activité intérieure reste mécaniquement modéré.
Encore plus grave, l'investissement total a reculé pour le cinquième trimestre consécutif. Il s'est même effondré de 1,4 % dans le secteur du logement et n'a progressé que de 0,2 % dans le domaine de l'investissement des entreprises. Or, l'investissement est le principal indicateur avancé de l'emploi. Cela signifie donc que ce dernier n'est toujours pas près de redémarrer et que le chômage est toujours loin de pouvoir baisser.
Au premier trimestre 2015, l'emploi dans les secteurs marchands a d'ailleurs encore reculé de 0,1 %, soit 13 500 destructions d'emplois nettes sur un trimestre. On en recense 284 600 depuis le deuxième trimestre 2011 et 634 100 depuis le premier trimestre 2008. En fait, le niveau actuel de l'emploi marchand (en l'occurrence 15,799 millions de personnes) est à un plus bas depuis le premier trimestre 2004 ! De quoi rappeler que la France reste engluée dans une faible croissance sans emploi depuis plus de dix ans, un phénomène qui s'est aggravé depuis 2008.
Et cela ne devrait malheureusement pas s'arranger, puisque les dernières données d'enquêtes (notamment celles des directeurs d'achat et de l'INSEE) montrent que la croissance va ralentir nettement dès le deuxième trimestre. De plus, à présent que les prix des matières premières et que l'euro repartent à la hausse, le soutien conjoncturel des derniers mois va rapidement s'estomper. Dans ce cadre, nous maintenons notre prévision d'une croissance française d'environ 1 % sur l'ensemble de l'année 2015, soit toujours trop peu pour permettre de faire baisser le chômage.
Compte tenu de ces éléments de relativisation de la « performance » du premier trimestre, on peut commencer à comprendre pourquoi le gouvernement a « grillé » l'embargo sur le chiffre de la croissance, fait rarissime (de mémoire d'un économiste qui commente ce type de chiffre depuis près de vingt ans, il s'agit en fait de la deuxième fois).
En effet, lorsque l'information a été lancée (mardi soir au lieu de mercredi matin), nous ne disposions pas du détail des comptes nationaux de l'INSEE, et notamment de la « supercherie » de la formation de stocks et des révisions opérées sur l'année 2015, ou encore de la baisse de l'investissement. Cela a donc permis au gouvernement de fanfaronner sur le chiffre de 0,6 % sans plus de détail.
La question est désormais de savoir si la vérité des comptes va être rétablie rapidement ou si le marketing gouvernemental va encore l'emporter… Pour l'instant, en dépit des efforts de votre serviteur pour prêcher le vrai, la seconde possibilité semble s'imposer.
Dans le même ordre idée, deux informations déterminantes sont presque passées inaperçues. En l'occurrence, la nouvelle augmentation du poids des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques dans le PIB français. Dans les deux cas, de nouveaux sommets historiques ont été atteints : respectivement 44,9 % et 57,5 %.
Cela rappelle d'ailleurs pourquoi la croissance structurelle de l'économie française demeure si faible, à savoir 0,7 %. En effet, compte tenu d'une pression fiscale de plus en plus prohibitive, de lourdeurs réglementaires et administratives de plus en plus importantes et d'un marché du travail de plus en plus rigide, l'économie hexagonale demeure structurellement atone. Et tant que des réformes structurelles de fonds (que nous appelons « thérapie de choc ») ne seront pas engagées, rien ne changera : la croissance restera molle, l'emploi moribond et le chômage élevé.
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