Avec le Brexit, les Britanniques ont donc décidé de nous faire le même coup, mais cette fois-ci dans la vie réelle et avec des conséquences qui risquent d'être bien plus dramatiques qu'au cinéma. Le Brexit consacre effectivement quatre divorces et un enterrement.
Le premier coule de source ou plutôt des urnes, puisqu'il s'agit du divorce entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Après quarante-trois ans de vie commune et très mouvementée, cette séparation paraît presque logique. En effet, depuis son entrée dans la CEE en 1973, les négociations entre la perfide Albion et l'Union européenne ont toujours été âpres et souvent à sens unique. La non-participation du Royaume-Uni à la zone euro en 1999, tout comme son opposition au pacte budgétaire de décembre 2011 constituaient d'ailleurs des manifestations fortes du refus britannique d'aller trop loin dans la construction européenne.
Deuxième divorce, celui qui s'observe au sein même du Royaume-Uni. Car si l'Angleterre et le Pays de Galles ont massivement voté pour le « Leave » (avec même un taux de 60 % dans les Midlands), l'Ecosse et l'Irlande du Nord se sont largement exprimées pour le Remain (respectivement 58 % et 56 % des voix). De quoi rappeler que le Royaume de Sa Majesté est tout sauf Uni. Dans ce cadre, de nouvelles velléités d'indépendance de l'Ecosse, voire de l'Irlande du Nord, sont à craindre, avec toutes les tensions sociétales que cela suppose.
Troisième divorce, celui qui s'observe entre les « jeunes » et leurs ainés. Même si les études sur la question doivent être prises avec des pincettes (dans la mesure où elles portent sur des échantillons restreints), il ressort qu'environ 65 % des Britanniques de moins de 25 ans auraient voté pour le Bremain, alors que 55 % des plus de 60 ans auraient voté pour le Brexit. Cette dichotomie reflète notamment le malaise intergénérationnel qui prévaut outre-Manche (comme d'ailleurs dans beaucoup de pays occidentaux), entre des jeunes qui veulent encore croire en l'Europe et des moins jeunes qui ont vécu tant de déceptions à l'égard de l'Europe. Car, ne l'oublions pas, les générations du baby-boom et celles des années 1970 ont grandi avec la construction européenne. Elles y ont mis beaucoup d'espoirs mais n'ont récolté que de piètres résultats en termes de croissance et d'emploi. Un tel décalage entre les attentes et les réalisations peut en partie expliquer l'ampleur de l'euroscepticisme pour les générations qui étaient pourtant les fers de lance de la construction européenne.
Quatrième divorce, qui s'observe lui aussi dans la plupart des pays européens, celui entre les « élites » et le « peuple ». En effet, à force de répéter que tous nos maux sont dus à l'Europe, il ne faut pas s'étonner que les populations se liguent contre l'Europe. Nous avions d'ailleurs observé le même phénomène en France en 2005, lors du « Non » au référendum sur la constitution européenne. Face à cette montée de l'euroscepticisme, voire de l'europhobie, les dirigeants politiques et les technocrates européens ont une forte part de responsabilité. Par manque de pédagogie et à cause de décisions bien peu efficaces, ceux-ci ont effectivement terni l'image de l'Union européenne et dévoyé son but. Celle-ci devait être un havre de croissance forte et de chômage faible, elle est devenue l'une des lanternes rouges de la croissance mondiale et un « havre » de réglementations et de rigidités en tous genres.
Dès lors, en l'absence d'un vrai projet européen pour la croissance et l'emploi, les populations sont évidemment tentées de revenir en arrière, de se replier sur elles-mêmes et de dire « non » à l'Europe.
D'où le triste épilogue très probable de cette comédie dramatique à l'anglaise, en l'occurrence l'enterrement de l'Union européenne. Car, ne nous leurrons pas, si les dirigeants européens ne lancent pas rapidement un électrochoc en faveur d'une Europe moins rigide, plus pragmatique et plus féconde en emplois, le Brexit fera des émules. Et ce, a fortiori si le Royaume-Uni réussit à se redresser après sa séparation de l'Union européenne.
Or, si, pour le moment, la pensée unique veut que l'économie britannique s'effondre dans les prochaines années, elle risque, une fois encore, de déjouer tous les pronostics. En effet, elle dispose d'une croissance structurelle d'environ 2,5 % et son taux de chômage n'est que de 5 %. Le socle de départ est donc solide. Mais surtout le Royaume-Uni va forcément renégocier au mieux ses relations commerciales avec l'Europe. Il n'y aura donc pas d'effondrement des exportations, ni de fuite massive des capitaux. De plus, grâce à la dépréciation de la livre sterling et la possibilité de réduire la pression fiscale, le Royaume-Uni pourrait au contraire retrouver assez rapidement le chemin de la croissance forte.
Si tel est le cas, il ouvrira malheureusement la voie à d'autres pays qui pourront arguer du précédent britannique pour sortir de l'Union européenne, qui finira alors par définitivement exploser. Mais attention, ce qui est possible outre-Manche, ne l'est pas forcément sur le continent, en particulier dans l'Hexagone. Ainsi, si la France devait sortir de la zone euro et a fortiori de l'Union européenne, il est clair qu'avec une croissance structurelle de 0,8 %, un taux de chômage de 10 %, une pression fiscale prohibitive et des rigidités maladives, elle souffrirait beaucoup plus que le Royaume-Uni.
Espérons donc que, pour une fois, les dirigeants européens seront à la hauteur de la situation, sinon la comédie à l'anglaise sera certainement remplacée par un drame à la française du type « La haine »…
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Le premier coule de source ou plutôt des urnes, puisqu'il s'agit du divorce entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Après quarante-trois ans de vie commune et très mouvementée, cette séparation paraît presque logique. En effet, depuis son entrée dans la CEE en 1973, les négociations entre la perfide Albion et l'Union européenne ont toujours été âpres et souvent à sens unique. La non-participation du Royaume-Uni à la zone euro en 1999, tout comme son opposition au pacte budgétaire de décembre 2011 constituaient d'ailleurs des manifestations fortes du refus britannique d'aller trop loin dans la construction européenne.
Deuxième divorce, celui qui s'observe au sein même du Royaume-Uni. Car si l'Angleterre et le Pays de Galles ont massivement voté pour le « Leave » (avec même un taux de 60 % dans les Midlands), l'Ecosse et l'Irlande du Nord se sont largement exprimées pour le Remain (respectivement 58 % et 56 % des voix). De quoi rappeler que le Royaume de Sa Majesté est tout sauf Uni. Dans ce cadre, de nouvelles velléités d'indépendance de l'Ecosse, voire de l'Irlande du Nord, sont à craindre, avec toutes les tensions sociétales que cela suppose.
Troisième divorce, celui qui s'observe entre les « jeunes » et leurs ainés. Même si les études sur la question doivent être prises avec des pincettes (dans la mesure où elles portent sur des échantillons restreints), il ressort qu'environ 65 % des Britanniques de moins de 25 ans auraient voté pour le Bremain, alors que 55 % des plus de 60 ans auraient voté pour le Brexit. Cette dichotomie reflète notamment le malaise intergénérationnel qui prévaut outre-Manche (comme d'ailleurs dans beaucoup de pays occidentaux), entre des jeunes qui veulent encore croire en l'Europe et des moins jeunes qui ont vécu tant de déceptions à l'égard de l'Europe. Car, ne l'oublions pas, les générations du baby-boom et celles des années 1970 ont grandi avec la construction européenne. Elles y ont mis beaucoup d'espoirs mais n'ont récolté que de piètres résultats en termes de croissance et d'emploi. Un tel décalage entre les attentes et les réalisations peut en partie expliquer l'ampleur de l'euroscepticisme pour les générations qui étaient pourtant les fers de lance de la construction européenne.
Quatrième divorce, qui s'observe lui aussi dans la plupart des pays européens, celui entre les « élites » et le « peuple ». En effet, à force de répéter que tous nos maux sont dus à l'Europe, il ne faut pas s'étonner que les populations se liguent contre l'Europe. Nous avions d'ailleurs observé le même phénomène en France en 2005, lors du « Non » au référendum sur la constitution européenne. Face à cette montée de l'euroscepticisme, voire de l'europhobie, les dirigeants politiques et les technocrates européens ont une forte part de responsabilité. Par manque de pédagogie et à cause de décisions bien peu efficaces, ceux-ci ont effectivement terni l'image de l'Union européenne et dévoyé son but. Celle-ci devait être un havre de croissance forte et de chômage faible, elle est devenue l'une des lanternes rouges de la croissance mondiale et un « havre » de réglementations et de rigidités en tous genres.
Dès lors, en l'absence d'un vrai projet européen pour la croissance et l'emploi, les populations sont évidemment tentées de revenir en arrière, de se replier sur elles-mêmes et de dire « non » à l'Europe.
D'où le triste épilogue très probable de cette comédie dramatique à l'anglaise, en l'occurrence l'enterrement de l'Union européenne. Car, ne nous leurrons pas, si les dirigeants européens ne lancent pas rapidement un électrochoc en faveur d'une Europe moins rigide, plus pragmatique et plus féconde en emplois, le Brexit fera des émules. Et ce, a fortiori si le Royaume-Uni réussit à se redresser après sa séparation de l'Union européenne.
Or, si, pour le moment, la pensée unique veut que l'économie britannique s'effondre dans les prochaines années, elle risque, une fois encore, de déjouer tous les pronostics. En effet, elle dispose d'une croissance structurelle d'environ 2,5 % et son taux de chômage n'est que de 5 %. Le socle de départ est donc solide. Mais surtout le Royaume-Uni va forcément renégocier au mieux ses relations commerciales avec l'Europe. Il n'y aura donc pas d'effondrement des exportations, ni de fuite massive des capitaux. De plus, grâce à la dépréciation de la livre sterling et la possibilité de réduire la pression fiscale, le Royaume-Uni pourrait au contraire retrouver assez rapidement le chemin de la croissance forte.
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