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Mardi 6 Mai 2014
Finyear, quotidien Finance d'Affaires

Alstom et l'Etat français : encore une (Monte)bourde…

C'est le psychodrame économico-politique qui se joue sous nos yeux depuis une dizaine de jours : Alstom, un fleuron technologique français est en train d'être dépecé et de vendre sa branche « énergie » aux « méchants » Américains de General Electric. Et ce, sous les yeux impuissants du gouvernement français et de son ministre de l'économie qui n'a cessé de défendre le fameux « patriotisme économique à la française ». Certes, les gouvernants hexagonaux ont essayé pendant deux jours de trouver une solution franco-française. En vain. Et pour cause, personne ne veut rééditer la même erreur que celle de Bouygues qui, en entrant dans le capital d'Alstom en 2006, pensait faire une belle affaire, mais souhaite aujourd'hui plus que jamais reprendre ses billes, faute de rentabilité. Peut-être s'agit-il également d'une réponse de Bouygues à son échec dans le rachat de SFR, qu'il impute notamment au manque de soutien et d'engagement actif du gouvernement français dans ce dossier.


Marc Touati
Marc Touati
Toujours est-il qu'en dépit du savoir-faire technologique d'Alstom, aucune solution industrielle franco-française n'a réussi à émerger. Il faut dire qu'avec un ministre de l'économie altermondialiste et eurosceptique, la force de persuasion de ce dernier est, par construction, limitée. Après ses dérapages à répétition, par exemple à propos d'Angela Merkel, dans les « affaires » Mittal ou encore Goodyear et, enfin, le camouflet de SFR-Numéricable, la nouvelle claque adressée par Alstom à Arnaud Montebourg, désormais surnommé « Montebourde », commence vraiment à faire désordre.

Mais ce n'est pas tout, car, devant une telle débâcle, certains n'ont pas hésité à évoquer la possibilité d'une entrée de l'Etat au capital d'Alstom. Vu le surendettement public et la recherche désespérée de quelques milliards d'économies pour essayer de réduire les déficits, il est clair que la solution n'a pas fait long feu. C'est d'ailleurs dans ce type de situation que le dérapage incontrôlée de la dette publique prend toute son ampleur. En effet, la plupart des grandes innovations technologiques et des grandes réussites industrielles françaises (Airbus, Ariane, le nucléaire, le TGV…) ont été en grande partie financées par l'Etat dans les années 1960-1970. Ce dernier jouait alors son rôle d'accélérateur d'investissements, les dépenses publiques en la matière générant une multiplicité d'investissements privés. A l'époque, la dette publique était inférieure à 20 % du PIB et permettait donc à l'Etat de favoriser la croissance sans trop de difficultés. Seulement voilà, à force de vouloir dépenser sans compter, notamment dans le domaine de son fonctionnement, la puissance publique s'est livrée à un gaspillage dramatique, qui a aggravé sa dette, sans générer de croissance économique suffisamment forte, ne serait-ce que pour rembourser chaque année la charge d'intérêts de cette dette.

Voilà pourquoi, n'en déplaise à certains, la flambée de la dette et des dépenses publiques qui représentent désormais respectivement 95 % et 57,1 % du PIB, a des conséquences dramatiques sur la compétitivité de l'économie et des entreprises hexagonales. Compte tenu d'une pression fiscale prohibitive, d'un coût du travail exorbitant et d'un marché de l'emploi extrêmement rigide, celles-ci ont été fragilisées. Le cas d'Alstom est de ce fait symptomatique. Et pour cause : en dépit d'une technologie haut de gamme et des nombreuses aides de l'Etat, cette entreprise n'a pas réussi à restaurer une rentabilité appréciable et a perdu d'importantes parts de marchés. Conséquences logiques de ces ratés stratégiques, son cours boursier est passé de 320 euros en 2000 à 6 euros avant le sauvetage de 2004 et à environ 20 euros depuis quelques mois. De par cette dévalorisation boursière, Alstom est alors devenue mécaniquement une proie. Et ce dans un marché très concurrentiel, dans lequel certains compétiteurs ont multiplié les réussites, à l'exemple de General Electric. Forte d'un chiffre d'affaires d'environ 150 milliards de dollars (contre 20 milliards pour Alstom), d'une valorisation boursière solide et d'une belle profitabilité, le fleuron énergétique américain s'est alors imposé comme le repreneur idéal de la branche «énergie » d'Alstom. C'est triste à dire, mais en période de soldes, ceux qui ont du cash ont tendance à profiter des promotions…

Face à cette réalité économique imparable, le gouvernement français a pourtant voulu monter au créneau. Pour être clair, il ne disposait d'aucune marge de manœuvre, tant d'un point de vue économique que financier. Cependant, après avoir fait du patriotisme économique son cheval de bataille, il se devait de sauver la face. Faute de soutien franco-français, il a donc dû se retourner, une fois n'est pas coutume, vers nos amis allemands. Alors qu'on lui avait refusé Alstom en 2004, Siemens est alors devenu une sorte de chevalier blanc. Un rapide projet griffonné sur un coin de table devait donc permettre de contrer le projet GE. Le paradoxe est que, d'un point de vue social, comme l'ont d'ailleurs souligné les syndicats, le projet de rachat d'Alstom par Siemens engendrerait beaucoup plus de doublons que dans le cas GE et serait donc beaucoup plus coûteux en emplois. De quoi rappeler que la politique politicienne et l'économie des entreprises ne font jamais bon ménage…

Fort heureusement, en dépit des acrobaties et des pressions gouvernementales, Alstom a choisi General Electric. Et là aussi, attention, ne tombons pas dans la démagogie : GE n'est pas un fonds d'investissement qatari ou russe. Il s'agit d'une entreprise sérieuse qui a les moyens de sauver Alstom. Car, ne nous leurrons pas : si ce sauvetage est encore possible aujourd'hui, il ne le sera peut-être plus dans quelques trimestres. Pour autant, si Alstom est sauvé à court terme, un danger majeur persiste à plus longue échéance, en l'occurrence la non-modernisation de l'économie française. En effet, si les dirigeants du pays persistent à refuser de baisser significativement la pression fiscale et le coût de l'emploi, tout en maintenant les rigidités du marché du travail, la fragilisation de nos entreprises et la désindustrialisation du pays continueront. De plus en plus de nos fleurons deviendront des proies face à des prédateurs internationaux qui auront certainement beaucoup moins de compassion que les investisseurs américains.

Alors, réveillons-nous enfin et cessons de penser que la gesticulation médiatique et le marketing autour du patriotisme économique suffiront pour sauver notre économie. Il en va de la stabilité économique, financière et surtout sociale de la France et par là même de l'ensemble de la zone euro.


Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).

www.acdefi.com





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