Désordres géopolitiques, menaces d'attentats, ralentissement économique mondial, récession dans certains pays émergents, marchés financiers sens dessus dessous… L'année 2016 n'a pas encore commencé qu'elle se présente déjà comme celle de tous les dangers. Pire, plutôt que d'intégrer tous ces risques dans leurs prévisions économiques, la grande majorité des gouvernements (notamment aux Etats-Unis, au Japon et en Europe, avec une mention spéciale pour la France), mais aussi des instituts de conjoncture ou encore des institutions économico-financières internationales préfèrent se voiler la face et annoncer que 2016 sera meilleure que 2015 en matières de croissance et d'emplois.
Aussi, à côté des dangers évoqués plus haut, l'un des grands risques de l'année à venir réside dans la déception que ces prévisions fantaisistes vont forcément susciter. Nous nous retrouvons dans une situation analogue à celle de la fin 2007 et du début 2008. A l'époque, en dépit d'une croissance mondiale exceptionnellement forte de 5,7 % en 2007, la plupart des prévisionnistes institutionnels et privés anticipaient que la performance de 2008 serait au moins aussi soutenue que celle de l'année précédente. Et pourtant ! En 2008, la croissance mondiale est tombée à 3 %, pour s'effondrer à 0 % l'année suivante.
Aujourd'hui, bis repetita. Sans vraiment savoir pourquoi, sinon la sempiternelle et vaine méthode Coué, les consensus des conjoncturistes et des marchés prévoient que la croissance mondiale sera d'au moins 3,4 % en 2016, après 2,8 % en 2015. Le problème est que la déception est souvent bien plus difficile à digérer que la mauvaise conjoncture économique lorsque cette dernière est bien anticipée. Et ce d'autant que les dirigeants mondiaux, et en particulier en Europe et en France, n'ont cessé d'annoncer depuis cinq ans que la crise était finie, que la reprise était là…
Or, s'il est vrai que la marche des affaires internationales a bien redémarrée en 2010 (avec une progression du PIB mondial de 5,4 %), elle n'a cessé de ralentir par la suite, malgré une débauche de soutiens budgétaires et monétaires. De quoi confirmer que, depuis la crise de 2008-2009, l'efficacité du « policy mix » (c'est-à-dire la combinaison de la relance budgétaire et de la politique monétaire accommodante) s'est émoussée.
Encore plus troublant, la baisse des cours des matières premières et notamment du pétrole, qui aurait dû booster la croissance mondiale, n'a non seulement pas eu l'effet escompté, mais a même plutôt joué en sens inverse. En effet, si le repli mesuré des cours pétroliers et des « commodities » dans leur ensemble est favorable en termes de réductions des coûts de production et de limitation de l'inflation, leur effondrement engendre d'importants effets pervers chez les pays producteurs, qui sont aussi de forts consommateurs internationaux et des contributeurs majeurs à la croissance mondiale. Tel est par exemple le cas du Brésil, du Canada, de la Russie, de nombreux pays africains et plus dernièrement de l'Arabie Saoudite, qui connaît une crise économique sans précédent.
L'impact négatif de la récession de l'ensemble de ces pays sur l'activité internationale commence ainsi à dépasser les conséquences positives de la baisse des cours des matières premières dans les autres pays. D'autant que ces derniers sont souvent en déflation, ce qui limite de facto l'impact positif du repli des cours des matières premières sur la consommation des ménages et l'investissement des entreprises. Autrement dit, si ce repli est favorable lorsque l'inflation est élevée, il ne sert plus à grand-chose lorsque la déflation domine. D'autant que cette dernière réduit l'optimisme des ménages et des entreprises, limitant par là même la croissance et l'emploi.
Pour ne rien arranger, la locomotive du monde développé, en l'occurrence les Etats-Unis, a dépensé sans compter dans l'exploitation du gaz de schiste. Or, cette dernière n'est rentable qu'avec un cours du baril d'environ 70 dollars. Avec les niveaux actuels, elle devient donc trop chère et surtout économiquement dangereuse pour ses promoteurs qui se sont endettés fortement pour la mettre en place. Dans ce cadre et si le pétrole reste si peu cher (cas très probable pour 2016), des situations de défaut de paiement, voire de faillites, de certaines entreprises américaines de gaz de schiste pourraient s'imposer, relançant mécaniquement la crise de la dette privée et publique, puisque l'Etat américain s'est souvent porté garant de ces investissements. D'ores et déjà, les derniers indicateurs avancés de l'industrie des Etats-Unis indiquent que cette dernière est au bord de la récession. Dès lors, il est clair que la croissance américaine ralentira nettement, passant de 2,4 % en 2015 à 1,6 % cette année.
Dans ce contexte de récession dans les pays producteurs de matières premières et de ralentissement aux Etats-Unis, il est clair que la Chine, l'Inde et la zone euro connaîtront également une nette décélération économique en 2016, avec des croissances de respectivement 5,7 %, 6,2 % et 0,9 %, contre 6,8 %, 7 % et 1,4 % en 2015. Et ce n'est évidemment pas le Japon, avec une croissance stabilisée à 0,7 %, qui permettra d'inverser la tendance.
C'est alors qu'intervient un autre grand risque de l'année à venir. En l'occurrence, l'absence de marge de manœuvre en matières de politiques budgétaires et monétaires. Ainsi, à la différence de la crise de 2008-2009 qui a pu être circonscrite en partie grâce à une relance mondiale pharaonique, celle qui a commencé en 2015 et se poursuivra en 2016 ne pourra pas être contrecarrée par une telle débauche de moyens. Et pour cause : les taux monétaires sont déjà à zéro, la « planche à billets » a déjà été utilisée, avec le peu de résultats que l'on sait, notamment dans la zone euro, et les dettes publiques sont stratosphériques. Dans ce contexte difficile, seuls les pays disposant de réserves de changes conséquentes et de fonds d'investissement puissants (en fait, principalement la Chine) pourront tirer leur épingle du jeu.
Pour toutes ces raisons, nous sommes donc contraints d'annoncer que l'année 2016 sera plus difficile que 2015. Et si la récession mondiale sera vraisemblablement évitée, certains pays continueront de pâtir d'une croissance molle et d'un chômage élevé, à commencer par la France. Les marchés boursiers resteront donc affectés par une forte volatilité, avec néanmoins, comme en 2015, une tendance légèrement baissière. Good luck !
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Aussi, à côté des dangers évoqués plus haut, l'un des grands risques de l'année à venir réside dans la déception que ces prévisions fantaisistes vont forcément susciter. Nous nous retrouvons dans une situation analogue à celle de la fin 2007 et du début 2008. A l'époque, en dépit d'une croissance mondiale exceptionnellement forte de 5,7 % en 2007, la plupart des prévisionnistes institutionnels et privés anticipaient que la performance de 2008 serait au moins aussi soutenue que celle de l'année précédente. Et pourtant ! En 2008, la croissance mondiale est tombée à 3 %, pour s'effondrer à 0 % l'année suivante.
Aujourd'hui, bis repetita. Sans vraiment savoir pourquoi, sinon la sempiternelle et vaine méthode Coué, les consensus des conjoncturistes et des marchés prévoient que la croissance mondiale sera d'au moins 3,4 % en 2016, après 2,8 % en 2015. Le problème est que la déception est souvent bien plus difficile à digérer que la mauvaise conjoncture économique lorsque cette dernière est bien anticipée. Et ce d'autant que les dirigeants mondiaux, et en particulier en Europe et en France, n'ont cessé d'annoncer depuis cinq ans que la crise était finie, que la reprise était là…
Or, s'il est vrai que la marche des affaires internationales a bien redémarrée en 2010 (avec une progression du PIB mondial de 5,4 %), elle n'a cessé de ralentir par la suite, malgré une débauche de soutiens budgétaires et monétaires. De quoi confirmer que, depuis la crise de 2008-2009, l'efficacité du « policy mix » (c'est-à-dire la combinaison de la relance budgétaire et de la politique monétaire accommodante) s'est émoussée.
Encore plus troublant, la baisse des cours des matières premières et notamment du pétrole, qui aurait dû booster la croissance mondiale, n'a non seulement pas eu l'effet escompté, mais a même plutôt joué en sens inverse. En effet, si le repli mesuré des cours pétroliers et des « commodities » dans leur ensemble est favorable en termes de réductions des coûts de production et de limitation de l'inflation, leur effondrement engendre d'importants effets pervers chez les pays producteurs, qui sont aussi de forts consommateurs internationaux et des contributeurs majeurs à la croissance mondiale. Tel est par exemple le cas du Brésil, du Canada, de la Russie, de nombreux pays africains et plus dernièrement de l'Arabie Saoudite, qui connaît une crise économique sans précédent.
L'impact négatif de la récession de l'ensemble de ces pays sur l'activité internationale commence ainsi à dépasser les conséquences positives de la baisse des cours des matières premières dans les autres pays. D'autant que ces derniers sont souvent en déflation, ce qui limite de facto l'impact positif du repli des cours des matières premières sur la consommation des ménages et l'investissement des entreprises. Autrement dit, si ce repli est favorable lorsque l'inflation est élevée, il ne sert plus à grand-chose lorsque la déflation domine. D'autant que cette dernière réduit l'optimisme des ménages et des entreprises, limitant par là même la croissance et l'emploi.
Pour ne rien arranger, la locomotive du monde développé, en l'occurrence les Etats-Unis, a dépensé sans compter dans l'exploitation du gaz de schiste. Or, cette dernière n'est rentable qu'avec un cours du baril d'environ 70 dollars. Avec les niveaux actuels, elle devient donc trop chère et surtout économiquement dangereuse pour ses promoteurs qui se sont endettés fortement pour la mettre en place. Dans ce cadre et si le pétrole reste si peu cher (cas très probable pour 2016), des situations de défaut de paiement, voire de faillites, de certaines entreprises américaines de gaz de schiste pourraient s'imposer, relançant mécaniquement la crise de la dette privée et publique, puisque l'Etat américain s'est souvent porté garant de ces investissements. D'ores et déjà, les derniers indicateurs avancés de l'industrie des Etats-Unis indiquent que cette dernière est au bord de la récession. Dès lors, il est clair que la croissance américaine ralentira nettement, passant de 2,4 % en 2015 à 1,6 % cette année.
Dans ce contexte de récession dans les pays producteurs de matières premières et de ralentissement aux Etats-Unis, il est clair que la Chine, l'Inde et la zone euro connaîtront également une nette décélération économique en 2016, avec des croissances de respectivement 5,7 %, 6,2 % et 0,9 %, contre 6,8 %, 7 % et 1,4 % en 2015. Et ce n'est évidemment pas le Japon, avec une croissance stabilisée à 0,7 %, qui permettra d'inverser la tendance.
C'est alors qu'intervient un autre grand risque de l'année à venir. En l'occurrence, l'absence de marge de manœuvre en matières de politiques budgétaires et monétaires. Ainsi, à la différence de la crise de 2008-2009 qui a pu être circonscrite en partie grâce à une relance mondiale pharaonique, celle qui a commencé en 2015 et se poursuivra en 2016 ne pourra pas être contrecarrée par une telle débauche de moyens. Et pour cause : les taux monétaires sont déjà à zéro, la « planche à billets » a déjà été utilisée, avec le peu de résultats que l'on sait, notamment dans la zone euro, et les dettes publiques sont stratosphériques. Dans ce contexte difficile, seuls les pays disposant de réserves de changes conséquentes et de fonds d'investissement puissants (en fait, principalement la Chine) pourront tirer leur épingle du jeu.
Pour toutes ces raisons, nous sommes donc contraints d'annoncer que l'année 2016 sera plus difficile que 2015. Et si la récession mondiale sera vraisemblablement évitée, certains pays continueront de pâtir d'une croissance molle et d'un chômage élevé, à commencer par la France. Les marchés boursiers resteront donc affectés par une forte volatilité, avec néanmoins, comme en 2015, une tendance légèrement baissière. Good luck !
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