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Interview : Qu’est-ce que le FinOps apporte à la Direction Financière ?

Entretien avec Christophe Dorin - Directeur Associé Lucernys en charge du FinOps pour EPSA Transfo et Digital.


Qu’est-ce que le FinOps apporte à la Direction Financière ?

Le FinOps est la rencontre du monde de la finance et de celui des opérations (ceux qui administrent d’un point de vue opérationnel les plateformes cloud). C’est une démarche transversale, issue de la culture Agile, qui vise à mettre sous contrôle les coûts et les usages du cloud, et qui représente selon nous un véritable levier de croissance pour les organisations.

Le cloud est générateur de nouvelles facturations liées aux nouveaux produits. Dans les plateformes – comme AWS, Google ou Azure (pour ne citer que les plus grandes), le nombre de produits que l’on peut sourcer et que l’on peut acheter est extrêmement important. Il s’en crée de nouveaux tous les jours, générant une complexité importante de la facturation. Selon les dernières études de l’IDC et du Gartner, seulement 16 % des entreprises pensent avoir une vision parfaite de leurs factures. 20 % (soit une entreprise sur cinq) déclarent ne pas comprendre certaines lignes de facturation et près de la moitié d’entre-elles (47 %) disent ne pas comprendre du tout la facturation. Autre fait relevé dans les études, les entreprises estiment gaspiller chaque année de 10 à 30 % de la dépense consacrée au cloud.

Au-delà de l’aspect financier, le FinOps se propage car il participe à la réalisation des objectifs promis par la transformation de l’entreprise.

Premier objectif : pouvoir contrôler et facturer mais aussi rentabiliser les investissements IT. On évoque souvent l’idée que le cloud peut potentiellement coûter moins cher que l’On-Premise. Mais encore faut-il qu’il soit mis sous contrôle à périmètre constant. Enfin, il faut pouvoir prédire les usages et les besoins. C’est à ça que va servir le FinOps.

En résumé, le succès du FinOps est lié au mouvement croissant de transformation des entreprises vers le cloud : la dépense du cloud augmente, les usages et les produits augmentent et la complexité de la facturation suit le mouvement. Le FinOps doit servir à tenir ces objectifs de transformation, en mettant en place un cockpit pour contrôler la rentabilité et prédire les évolutions amenées par le cloud.

Cela nécessite une vue sous le prisme de l’usage. Le FinOps permet en effet de qualifier l’adéquation entre ressources Cloud et besoin pour la réalisation du projet tant pour l’instant présent que pour la prédiction dans le temps. Les outils sont dotés d’algorithmes qui permettent de donner cette vision tant aux financiers qu’aux opérationnels. Ainsi nous pouvons parler de maîtrise budgétaire.

Quels sont les freins ? Où en sont les entreprises aujourd’hui ?

On constate un syndrome « docteur/pharmacien » si l’on peut dire. Dans les faits, les fournisseurs clouds proposent des prestations d’optimisation de leur propre plateforme et services. Ils ont même quasiment tous intégré des logiciels de FinOps (Cloudyn acheté en 2017 par Microsoft ou encore Turbonomics plus récemment en 2021 par IBM).

De fait, le FinOps, qui serait indépendant des plateformes Cloud, a du mal à s’imposer dans les entreprises. C’est finalement la fonction FinOps Manager qui se développe sans être forcément outillé d’un éditeur indépendant du FinOps comme Cloudability ou Cloudhealth.
Ainsi, on contourne le bien fondé du FinOps en le travestissant en dashboard opérationnel efficient sans pour autant entrer en profondeur sous le prisme « Fin » et surtout sans impliquer les financiers. En conséquence, il est alors difficile de confronter usages et besoins et donc de permettre l’application d’optimisation.

En effet, comme évoqué précédemment, le FinOps c’est la rencontre de la finance et des opérations, en aucun cas une unique vision. Le benchmark qualitatif, quantitatif, l’expertise et l’indépendance sont les piliers dont doit a minima disposer l’entreprise.

Comment mettre en place une démarche FinOps vertueuse au sein de l’organisation ?

Pour mettre en œuvre le FinOps, l’équipe chargée du sujet, par exemple le centre d’excellence, devra adresser un public assez large dans la société, autour de quatre groupes principaux :
- Un premier groupe de décideurs réunissant les directeurs, CIO, CTO et responsables.
- Un second groupe représenté par la Finance, parmi lequel figurera le contrôle de gestion mais aussi les achats ou toute personne qui surveille, contrôle ou demande des rapports sur les dépenses cloud.
- Un troisième groupe de participants constitué des product owners. Pour ceux qui ne sont pas encore en Agile, ça peut être des équipes métiers, fonctionnelles, business ou AMOA.
- Enfin, un dernier groupe de personnes porté par les squads (pour ceux qui sont en Agile) ou par les équipes DevOps - plus traditionnellement les équipes infras et les développeurs pour ceux qui n’ont pas fait le mouvement vers l’Agile.

La première étape est de réunir les responsables des projets avec les responsables du contrôle de gestion. Pourquoi ? Pour avoir d’emblée une vision de bout en bout. Cela permet d’identifier les projets. Ensuite, il est nécessaire d’établir les règles ad hoc à intégrer dans les plateformes. La finance s’intègre au sens des projets.

La mise en place de cette équipe est progressive. Elle ne peut pas se faire du jour au lendemain. Petit à petit, la maturité que les entreprises vont gagner va progresser, de façon itérative, à mesure que les projets progresseront, que la migration cloud se déroulera. Il sera dès lors possible d’adresser l’ensemble des questions liées à la finance. L’idée est de mettre en place un modèle opérationnel et financier transverse qui puisse impliquer l’ensemble des interlocuteurs et s’adapter à la volatilité structurelle du cloud, dans lequel se retrouvera un des principes fondateurs du pay-as-you-go, pay-per-use. Il faut pouvoir être ultra réactif et adaptatif.

En quoi la démarche FinOps peut-elle être vertueuse au-delà des économies financières générées ?

Quand on regarde les retours des fournisseurs et des différentes sources, on parle d’une fourchette de 25 à 30 % de transformation du gaspi (des projets ou des services qui ne sont plus d’actualité par exemple). Ce pourcentage peut cependant paraître être un taux faible.

Le FinOps, par son déploiement, témoigne de cette accélération de la transformation des entreprises vers le cloud. Le cloud est une promesse pour l’agilité des entreprises pour délivrer des projets mais aussi pour générer des économies. Mais en réalité nous sommes plutôt face à une politique d’investissement, aller dans le cloud est une transformation pour l’entreprise donc un investissement. Le FinOps va agir comme un cockpit pour maîtriser cette transformation dans le cloud et le suivre en termes de coûts. Il ne s’agit pas d’une économie mais d’une vraie visibilité donnée à l’entreprise pour éviter les dérapages. C’est bien à ce moment précis que le « Fin » de FinOps prend tout son sens. Devenir un levier de croissance maitrisée.

Enfin, le FinOps a un impact positif et direct sur les enjeux RSE de l’entreprise. Il permet de ne posséder que ce que l’on utilise et que ce dont on a besoin en temps réel.

Mardi 4 Octobre 2022




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