Incertitude et activité économique : quels liens ?
01/03/2017
L’incertitude se rapporte à l’incertain, concept polysémique : « qui n’est pas établi avec exactitude », « qui n’est pas sûr, qui peut se produire ou non, être tel ou tel ». Relativement vague, cette définition est liée au caractère non observable et parfois subjectif du phénomène. Du point de vue de la théorie économique, les travaux de Frank Knight dans les années 1920 sont souvent rappelés : en distinguant le « risque » de « l’incertitude », Knight a introduit une grille d’analyse fondée sur les calculs de probabilités (1). Ainsi, les agents économiques font face à un risque s’ils sont en mesure de se faire une opinion sur la distribution de probabilités des états futurs en se basant sur la logique (lancer de dés) ou sur l’expérience passée (choc sur une matière première par exemple). En revanche, ils sont dans l’incertitude s’ils ne sont pas en capacité d’établir ce calcul (guerre, attaque terroriste…). Séduisante, cette différenciation se heurte toutefois à une limite opérationnelle dans la mesure où les deux notions sont parfois impossibles à distinguer (il est, par exemple, possible de calculer la probabilité d’une catastrophe naturelle mais pas de dire où et quand cela arrivera). Dans un article récent (2), la BCE estime qu’il existe deux types d’incertitude économique en sus de l’incertitude relative au futur et que les trois peuvent coexister : l’incertitude « de mesure » (mesure-t-on correctement l’activité ?) et l’incertitude « structurelle » (comprend-t-on bien la structure de l’économie ?).
2. Peut-on la mesurer ? Quelques exemples
Mesurer l’incertitude est un exercice au moins aussi délicat que celui visant à la définir. S’il n’existe évidemment pas de mesure précise, un éventail d’indicateurs peut être mobilisé pour caractériser le niveau d’incertitude de l’économie selon une logique de « proxy ». D’un point de vue statistique, l’analyse est centrée sur la mesure de la variance. Ces indicateurs peuvent être classés en deux catégories : les données « macro-financières » et les indices « macro et micro-économiques ».
3. L’impact économique de l’incertitude : frein ou stimulant ?
Dans le débat public, l’incertitude est très largement considérée comme un frein à l’activité, en provoquant de l’attentisme et de l’inquiétude chez les agents économiques. Ainsi, Bloom établit que l’incertitude macro et micro-économiques progresse durant les récessions, même si le lien de corrélation n’est pas un lien de causalité. Pour la BCE, qui reconnaît la difficulté à distinguer dans la relation causale ce qui relève de l’incertitude par rapport aux autres facteurs (PIB, demande mondiale…), un choc d’incertitude aurait un impact négatif sur l’activité, les modèles fournissant cependant des résultats qui diffèrent sur la durée et la profondeur de l’impact. Rarement évoqué, un effet positif pourrait également découler de l’incertitude si elle génère des investissements qui augmentent les perspectives de gains futurs (effets dits des « options de croissance » et « Oi-Hartmann-Abel », OHA, dans la littérature). En particulier, selon l’effet OHA, une entreprise en mesure de diviser par deux (doubler) les volumes produits en cas de baisse (hausse) du prix peut se développer dans un univers d’incertitude élevée. Derrière cet exemple extrême, l’impératif de flexibilité est rappelé afin de minimiser les coûts lors des creux et de maximiser les gains en phase haute du cycle.
***
S’invitant régulièrement dans le débat public, l’incertitude serait le nouveau concept permettant d’expliquer, au moins en partie, les dynamiques économiques. Pourtant, loin d’être une nouveauté, l’incertitude est une caractéristique intrinsèque de l’existence humaine : les entreprises, comme les ménages, font face à une dose incompressible d’incertitude qu’il est illusoire de vouloir effacer. Bien au contraire, l’incertitude peut être un moteur de transformation. En revanche, si elle est délicate à objectiver, l’incertitude liée au processus de prise de décision politique semble, elle, à un niveau supérieur à la moyenne dans de nombreux pays (en particulier dans ceux réputés « stables »), ajoutant de nouvelles inconnues. Et si, quatre siècles après Thomas Hobbes, la mission fondamentale de l’Etat était de redevenir un « réducteur d’incertitudes » ?
(1) De son côté, J.M. Keynes parlait d’incertitude « radicale ».
(2) « The impact of uncertainty on activity in the euro area », ECB Economic Bulletin, Issue 8/2016.
(3) « Fluctuations in Uncertainty », N. Bloom, Journal of Economic Perspectives, vol. 28, n°2, Spring 2014.
Rédigé le vendredi 17 février 2017
« Analyse à caractère économique ne constituant pas une prise de position. Liste complète disponible sur http://www.afep.com »
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