Gérard Moulin
Derrière le constat alarmant d’une situation conjoncturelle déprimée se cache une remise en cause des modèles économiques, dont certains se sont adaptés à la nouvelle donne, et parviennent à se projeter dans l’avenir, et d’autres non. Cette ségrégation concerne les classes d’actifs, mais aussi les zones géographiques.
Focalisée sur les conséquences macroéconomiques défavorables de la crise de la dette, la rumeur publique évoque de plus en plus une atmosphère de fin du monde. La réalité est plus contrastée. Car au fond, l’environnement économique n’a jamais été aussi hétérogène, qu’aujourd’hui. Celui-ci traduit en effet un monde à plusieurs vitesses, où se télescopent alternativement les records à la hausse et à la baisse, les belles histoires et les catastrophes. Commençons par la bourse. Des valeurs comme Essilor International ou Rémy Cointreau pulvérisent mois après mois leurs plus hauts niveaux historiques, quand d’anciens poids lourds, comme France Telecom ou Alcatel-Lucent, suivent des chemins rigoureusement inverses. Nous sommes donc loin de la situation post-Lehman Brothers, lorsque le prix de tous les actifs s’était soudainement recorrélés à la baisse. Du côté de l’immobilier, certaines zones, Paris en tête, atteignent des records de cherté, quand les régions rurales ou périurbaines ont amorcé leur rechute, voire quand certains marchés immobiliers nationaux sont plongés dans une dépression durable (Etats-Unis ou Espagne). Même constat pour les dettes publiques, dont les écarts de rendement reflètent une différenciation rationnelle dans les probabilités de défaut propres à chaque Etat. Cette dichotomie va jusqu’à concerner les salaires, qui ne cessent de progresser dans les pays émergents, quand ceux d’Europe du Sud sont plongés dans une spirale déflationniste.
La valeur est donc loin d’avoir disparu des économies. Ce qui a changé, en revanche, c’est sa distribution, dont l’évolution crée des équilibres nouveaux et génère des chocs parfois brutaux. Plus qu’à une crise, c’est à un changement de paradigme, à une mutation profonde du monde, à laquelle nous assistons. Derrière le constat alarmant d’une situation conjoncturelle déprimée se cache en effet une remise en cause des modèles économiques, dont certains sont adaptés à cette nouvelle donne, parviennent à se projeter dans l’avenir, d’autres non.
Ce constat a des conséquences politiques bien réelles. Car la ségrégation à l’œuvre entre les acteurs économiques concerne aussi les pays et les grandes zones géographiques. Embourbée dans une crise économique et budgétaire, faute de diagnostic suffisamment ambitieux et précoce, l’Europe du Sud décroche d’une Europe du Nord exportatrice et bien dans son époque, d’une Amérique du Nord tirée vers le haut par sa faculté à innover et à se remettre en question, d’une Asie en pleine expansion et d’une Afrique qui décolle enfin. De ce point de vue, le véritable coup d’envoi de la crise actuelle, la faillite de Lehman Brothers, n’aura fait qu’accélérer un film qui était déjà écrit et qui décrivait déjà un basculement des rapports de force.
Il est de la responsabilité de l’ensemble des décideurs de prendre la pleine mesure de ce nouveau paradigme. Aux investisseurs de déceler et de participer aux nouveaux gisements de valeurs. Aux chefs d’Etat (notamment d’Europe du Sud) de préparer leurs économies au monde de demain, de déployer une vision réelle, d’imaginer de nouvelles solutions et d’amorcer une réindustrialisation vitale, au lieu de distribuer un pouvoir d’achat fictif dont le financement est de toutes façons en voie de tarissement. S’ils y parviennent, cette nouvelle approche sera à ranger du côté des effets bénéfiques de la crise actuelle.
Focalisée sur les conséquences macroéconomiques défavorables de la crise de la dette, la rumeur publique évoque de plus en plus une atmosphère de fin du monde. La réalité est plus contrastée. Car au fond, l’environnement économique n’a jamais été aussi hétérogène, qu’aujourd’hui. Celui-ci traduit en effet un monde à plusieurs vitesses, où se télescopent alternativement les records à la hausse et à la baisse, les belles histoires et les catastrophes. Commençons par la bourse. Des valeurs comme Essilor International ou Rémy Cointreau pulvérisent mois après mois leurs plus hauts niveaux historiques, quand d’anciens poids lourds, comme France Telecom ou Alcatel-Lucent, suivent des chemins rigoureusement inverses. Nous sommes donc loin de la situation post-Lehman Brothers, lorsque le prix de tous les actifs s’était soudainement recorrélés à la baisse. Du côté de l’immobilier, certaines zones, Paris en tête, atteignent des records de cherté, quand les régions rurales ou périurbaines ont amorcé leur rechute, voire quand certains marchés immobiliers nationaux sont plongés dans une dépression durable (Etats-Unis ou Espagne). Même constat pour les dettes publiques, dont les écarts de rendement reflètent une différenciation rationnelle dans les probabilités de défaut propres à chaque Etat. Cette dichotomie va jusqu’à concerner les salaires, qui ne cessent de progresser dans les pays émergents, quand ceux d’Europe du Sud sont plongés dans une spirale déflationniste.
La valeur est donc loin d’avoir disparu des économies. Ce qui a changé, en revanche, c’est sa distribution, dont l’évolution crée des équilibres nouveaux et génère des chocs parfois brutaux. Plus qu’à une crise, c’est à un changement de paradigme, à une mutation profonde du monde, à laquelle nous assistons. Derrière le constat alarmant d’une situation conjoncturelle déprimée se cache en effet une remise en cause des modèles économiques, dont certains sont adaptés à cette nouvelle donne, parviennent à se projeter dans l’avenir, d’autres non.
Ce constat a des conséquences politiques bien réelles. Car la ségrégation à l’œuvre entre les acteurs économiques concerne aussi les pays et les grandes zones géographiques. Embourbée dans une crise économique et budgétaire, faute de diagnostic suffisamment ambitieux et précoce, l’Europe du Sud décroche d’une Europe du Nord exportatrice et bien dans son époque, d’une Amérique du Nord tirée vers le haut par sa faculté à innover et à se remettre en question, d’une Asie en pleine expansion et d’une Afrique qui décolle enfin. De ce point de vue, le véritable coup d’envoi de la crise actuelle, la faillite de Lehman Brothers, n’aura fait qu’accélérer un film qui était déjà écrit et qui décrivait déjà un basculement des rapports de force.
Il est de la responsabilité de l’ensemble des décideurs de prendre la pleine mesure de ce nouveau paradigme. Aux investisseurs de déceler et de participer aux nouveaux gisements de valeurs. Aux chefs d’Etat (notamment d’Europe du Sud) de préparer leurs économies au monde de demain, de déployer une vision réelle, d’imaginer de nouvelles solutions et d’amorcer une réindustrialisation vitale, au lieu de distribuer un pouvoir d’achat fictif dont le financement est de toutes façons en voie de tarissement. S’ils y parviennent, cette nouvelle approche sera à ranger du côté des effets bénéfiques de la crise actuelle.