Paul Jorion
Je suis descendu dans un petit hôtel près de la Bastille. Quand on a fait beaucoup de choses différentes dans sa vie, plein d’endroits vous sont en fait familiers. La Bastille, le Marais, c’est l’un des mes anciens quartiers : j’ai habité rue des Tournelles et à deux adresses différentes rue Saint-Paul.
François et moi allons manger des tapas. Je regarde tous ces gens assis à des terrasses, toute cette foule bruyante, comme si de rien n’était, et je me dis : il y a deux possibilités, ou bien c’est nous qui rêvons avec nos longues dissertations sur la crise et la fin d’un monde, ou bien ce sont eux, ceux que l’on voit là, qui poursuivent un rêve : le rêve d’un monde qui en réalité a cessé d’exister. Et la réponse me vient : c’est comme dans « Un soir, un train ».
J’ai vu quand il est sorti en 1968, le film d’André Delvaux, avec Yves Montand et Anouk Aimée, mais j’ai aussi lu dans sa version originale en flamand, le roman de Johan Daisne dont le film est tiré : De trein der traagheid.
Un train s’arrête en rase campagne, quelques voyageurs en descendent. Débute alors pour eux un périple d’une lenteur éprouvante : une longue marche, suivie d’un séjour dans un café où l’on danse avec componction et où les pendules, curieusement, sont arrêtées. Jusqu’à ce que le héros s’éveille brutalement : des cris l’entourent de partout, le train a déraillé. Il retrouve enfin sa femme : son corps fait partie d’un alignement de cadavres allongés.
Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions.
Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez.
Votre soutien peut s’exprimer ici :
www.pauljorion.com/blog/?page_id=647
François et moi allons manger des tapas. Je regarde tous ces gens assis à des terrasses, toute cette foule bruyante, comme si de rien n’était, et je me dis : il y a deux possibilités, ou bien c’est nous qui rêvons avec nos longues dissertations sur la crise et la fin d’un monde, ou bien ce sont eux, ceux que l’on voit là, qui poursuivent un rêve : le rêve d’un monde qui en réalité a cessé d’exister. Et la réponse me vient : c’est comme dans « Un soir, un train ».
J’ai vu quand il est sorti en 1968, le film d’André Delvaux, avec Yves Montand et Anouk Aimée, mais j’ai aussi lu dans sa version originale en flamand, le roman de Johan Daisne dont le film est tiré : De trein der traagheid.
Un train s’arrête en rase campagne, quelques voyageurs en descendent. Débute alors pour eux un périple d’une lenteur éprouvante : une longue marche, suivie d’un séjour dans un café où l’on danse avec componction et où les pendules, curieusement, sont arrêtées. Jusqu’à ce que le héros s’éveille brutalement : des cris l’entourent de partout, le train a déraillé. Il retrouve enfin sa femme : son corps fait partie d’un alignement de cadavres allongés.
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