Vendredi 20 Mai 2011
CFO Quotidien Finance et Gestion

Un plus gros gâteau mais rien que pour moi

On ne peut plus remettre en cause le rôle des pays émergés dans la croissance des entreprises occidentales. Nous sommes passés en 5 ans d’une contribution forte de ces pays à la croissance des chiffres d’affaires et des résultats des entreprises, au statut de débouché capital voire de premier marché. C’est le cas par exemple des constructeurs automobiles haut de gamme, des groupes de luxe ou des groupes industriels mondialisés en général.


La question que l’on peut se poser est la suivante : de nouveaux débouchés c’est bien, mais peut-on se prémunir de l’entrée dans le jeu de nouveaux acteurs issus des pays émergés ?

Gagnants et perdants de la mondialité des affaires
- Très souvent, l’irruption d’un nouvel acteur dans un secteur est facilitée par une ou plusieurs rupture(s) technologique(s). L’exemple des équipementiers télécoms est de ce point de vue symptomatique : les sauts technologiques ont pour conséquence de repartir d’une feuille blanche ce qui enlève aux acteurs occidentaux leur avantage compétitif.
- Les nouveaux concurrents peuvent aussi profiter de l’attitude des sociétés occidentales qui raisonnent de la façon suivante : j’accepte un transfert de technologie car si je ne le fais pas, un autre prendra forcément ma place et je serai alors hors jeux. Compte tenu du mode de rémunération des managers, il y a de fortes chances que les considérations stratégiques sur 10 ou 15 ans ne trouvent pas beaucoup d’échos dans ces groupes. Ce sont bien SIEMENS et BOMBARDIER qui ont accepté le système, qui vendent des TGV en chine…Pour autant ces succès à court terme sont autant de danger de voir un « savoir-faire » disparaitre à long terme.

Alors quel est le club gagnant ?

L’attitude du gourmant devant un gâteau est d’espérer qu’on le découpera en moins de parts possibles. L’actionnaire a donc tout intérêt à accompagner une entreprise dont le gâteau (les débouchés) grossit quasi exclusivement à son profit. Il faut donc trouver les groupes qui disposent d’un savoir faire discriminant qui leur permettra de croquer dans un gâteau toujours plus gros.

Prenons EUTELSAT : très peu d’entreprises sont capables d’opérer une constellation de satellites. Les besoins sont de plus en plus importants car les zones isolées sont constamment en demande de capacités complémentaires de transmission pour les chaines de télévision et les données. Un exemple : la demande de l’Afrique subsaharienne pour des satellites commerciaux croit de 13,5% par an, pour autant aucun nouveau concurrent n’apparait. 4 opérateurs occidentaux détiennent plus des deux tiers du marché. Le gâteau grossit mais le nombre de parts est constant.

Autre exemple : les spiritueux. Les français sont les rois du cognac, hors la délocalisation du lieu de production est, par définition, impossible, et surtout les classes aisées émergées doivent afficher leur réussite, ce qui passe par l’achat de produits européens. Un groupe comme REMY COINTREAU, en contrôlant 80% de ses ventes grâce à son réseau en propre voit ainsi la taille du gâteau grossir pour lui, exclusivement.

Dernier exemple : le luxe. L’Asie devient le premier débouché et dans ces pays, la « preuve de réussite » est indispensable aux classes aisées locales. Dans ce domaine les barrières à l’entrée sont infranchissables car le « plaisir intemporel » qu’offre une marque est lié à son histoire. Il a fallu souvent plusieurs générations pour en arriver là, voire 150 ans pour HERMES. Alors bien sur, des nouveaux entrants peuvent apparaitre ça et là, mais ils seront très loin en termes de prix de vente par article vendu des groupes occidentaux car leur histoire est trop récente. C’est un des secteurs qui ressemblera davantage au supplice de Tantale pour les émergés qu’à un début de festin…

Par Gérard Moulin, gérant actions chez Delubac Asset Management

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