Exclure de nombreuses banques russes de la plateforme interbancaire Swift est le drapeau rouge agité par l’UE et ses alliés. Il s’agirait de les écarter du réseau de transfert d’informations financières le plus utilisé au monde. Une sanction qualifiée “d’arme nucléaire financière” tant les conséquences pour le pays concerné sont importantes.
La menace sur l’Ukraine pèse depuis plusieurs mois mais elle a pris une plus grande ampleur depuis l’offensive militaire russe lancée le 24 février 2022. Après une première vague de sanctions financières, les occidentaux passent à la vitesse supérieure en plaidant pour l’exclusion de Moscou du système Swift. Une sanction qui vise donc à exclure la Russie du système bancaire mondial.
Mais que se cache-t-il derrière cet acronyme duquel l’exclusion est si contraignante ?
Swift est l’acronyme de « Society for Worldwilde Interbank Financial Telecommunication », une coopérative privée, détenue et contrôlée par ses adhérents parmi lesquels se trouvent les plus grands établissements bancaires mondiaux. Cette société belge fondée en 1973, est un acteur incontournable du secteur de la finance réglementée puisqu’elle a bâti un réseau titanesque de messagerie ultra-sécurisé dédié aux transactions financières.
En effet, Swift ouvre en 1977 son propre réseau opérationnel en remplacement de la messagerie télégraphique Télex”, jugé trop lente et peu fiable. Il est devenu l’un des plus importants réseaux de messagerie bancaire et financière. Il connecte plus de 11 000 institutions financières dans le monde et permet les règlements interbancaires entre les établissements financiers internationaux.
Un moyen de faciliter le transfert d’argent à l’international en assurant, entre autres, la transmission des informations bancaires nécessaires à une transaction.
Le cœur de métier de ce système est d’automatiser et de standardiser les transactions financières afin de minimiser le risque opérationnel, de réduire les coûts et d’éliminer les erreurs relatives aux transactions.
Swift garantit ainsi l’intégrité des échanges grâce à des procédures d’authentification strictes et une transmission d’information chiffrée avec des données cryptées.
Le réseau Swift est donc un système bien rodé. Débrancher la Russie de ce système aurait un fort impact sur le fonctionnement des banques russes, mais aussi européennes.
Pour faire simple, Swift est un système qui permet d'envoyer des informations bancaires d'un point A à un point B de façon sécurisée. En bannissant les quelques 300 banques et institutions russes du réseau, on bloque ces échanges. Ce nombre représente le deuxième plus grand groupe d'utilisateurs en dehors des États-Unis.
« Cette action empêchera les banques d'effectuer la plupart de leurs transactions financières mondiales et, par conséquent, les exportations et importations russes seront bloquées », a souligné la présidente de la Commission européenne. Tout en précisant que 70% du secteur bancaire russe est actuellement concerné par les sanctions adoptées par la communauté internationale.
Selon une note du Carnegie Moscow Center, les conséquences d’une déconnexion des banques russes seraient « dévastatrices, particulièrement à court terme ». Le groupe d’expert rappelle également « qu’après la déconnexion des banques iraniennes de Swift, le pays a perdu près de la moitié de ses revenus d’exportation de pétrole et 30% de son commerce extérieur ».
Par conséquent, le système bancaire russe rencontrera un ralentissement considérable et les entreprises du pays devront trouver d’autres moyens d’effectuer des transactions avec l’étranger.
Des conséquences dures pour le pays, mais pas totalement incontournables.
La Russie aurait-elle donc anticipé ces restrictions ?
Effectivement, ces sanctions ne bloqueront pas toutes les transactions de la Russie qui pourra continuer à avoir des échanges commerciaux avec les établissements bancaires de certains pays.
Elle s’y était préparée depuis le train de sanctions qu'a connu le pays suite à l’invasion de la Crimée en 2014. À l'époque déjà, les Occidentaux menaçaient les Russes d'une expulsion de Swift, ce qui les a encouragés à développer un système alternatif : le SPFS ou l’équivalent Russe de Swift.
Le système de messagerie financière russe compte actuellement 400 banques russes et une douzaine d’établissements d’autres pays comme la Biélorussie ou la Chine. A ce stade, le SPFS pourra atténuer les conséquences de ces sanctions, mais pas pour longtemps…
De fait, cela pourrait inciter la Russie à accélérer le développement de son réseau alternatif aux dépens des transactions en dollars réalisées avec Swift.
Les particuliers quant à eux, ont tendance à se tourner vers des moyens de paiement alternatifs tels que les crypto-monnaies. Acquérir ce type d’actifs leur permet d'anticiper la baisse du cours de leur monnaie nationale. Mais aussi, de parer au blocage de leur comptes bancaires ou à la saisie de leur épargne par le gouvernement Russe.
Finalement, n’est-ce pas un pari risqué pour les européens ?
Car la livraison et le règlement du gaz russe passent aussi par Swift. Le secteur de l’énergie n’est pas touché par cette exclusion. Une exception qui n’est pas un hasard, puisque les sanctions sur le gaz bloqueraient les achats de plusieurs pays européens comme l’Allemagne ou l’Italie, très dépendants du gaz et du pétrole russes.
Par ricochet, c'est aussi interdire à des établissements européens de commercer avec ces banques. De même, en coupant Swift, l'Union Européenne rompt ses liens économiques avec la Russie qui reste quand même le 5ème marché d’exportations pour l’UE, avec 81,5 milliards d'euros de janvier à novembre 2021, selon Eurostat.
La Russie est aussi le 3ème plus gros fournisseur du continent derrière la Chine et les États-Unis, avec 142 milliards d'euros de marchandises sur 2021 selon la même source.
Les européens mais pas que …
La plus grande préoccupation pour les États-Unis est bien évidemment la baisse du cours du dollar au niveau international suite cette exclusion. Une dépréciation monétaire qui entraînerait des répercussions négatives sur les exportations américaines d’énergie – initialement considérée comme plus coûteuse et bien plus polluante à la production.
Par ailleurs, l’émergence d’un réseau parallèle ne serait pas une bonne nouvelle pour les américains. D’autant que les Russes souhaitent fusionner leur réseau avec le système chinois équivalent. Ils ont ainsi, l’ambition d’intégrer le SPFS au système de paiement bancaire chinois, le CIPS (Cross-Border Inter-System).
A terme, l’objectif russo-chinois serai d’amorcer la création d’un nouveau réseau de pays émergents comme l’Inde et l’Iran et d’affirmer leur indépendance vis-à-vis des institutions financières américaines. Affaire à suivre…
La menace sur l’Ukraine pèse depuis plusieurs mois mais elle a pris une plus grande ampleur depuis l’offensive militaire russe lancée le 24 février 2022. Après une première vague de sanctions financières, les occidentaux passent à la vitesse supérieure en plaidant pour l’exclusion de Moscou du système Swift. Une sanction qui vise donc à exclure la Russie du système bancaire mondial.
Mais que se cache-t-il derrière cet acronyme duquel l’exclusion est si contraignante ?
Swift est l’acronyme de « Society for Worldwilde Interbank Financial Telecommunication », une coopérative privée, détenue et contrôlée par ses adhérents parmi lesquels se trouvent les plus grands établissements bancaires mondiaux. Cette société belge fondée en 1973, est un acteur incontournable du secteur de la finance réglementée puisqu’elle a bâti un réseau titanesque de messagerie ultra-sécurisé dédié aux transactions financières.
En effet, Swift ouvre en 1977 son propre réseau opérationnel en remplacement de la messagerie télégraphique Télex”, jugé trop lente et peu fiable. Il est devenu l’un des plus importants réseaux de messagerie bancaire et financière. Il connecte plus de 11 000 institutions financières dans le monde et permet les règlements interbancaires entre les établissements financiers internationaux.
Un moyen de faciliter le transfert d’argent à l’international en assurant, entre autres, la transmission des informations bancaires nécessaires à une transaction.
Le cœur de métier de ce système est d’automatiser et de standardiser les transactions financières afin de minimiser le risque opérationnel, de réduire les coûts et d’éliminer les erreurs relatives aux transactions.
Swift garantit ainsi l’intégrité des échanges grâce à des procédures d’authentification strictes et une transmission d’information chiffrée avec des données cryptées.
Le réseau Swift est donc un système bien rodé. Débrancher la Russie de ce système aurait un fort impact sur le fonctionnement des banques russes, mais aussi européennes.
Pour faire simple, Swift est un système qui permet d'envoyer des informations bancaires d'un point A à un point B de façon sécurisée. En bannissant les quelques 300 banques et institutions russes du réseau, on bloque ces échanges. Ce nombre représente le deuxième plus grand groupe d'utilisateurs en dehors des États-Unis.
« Cette action empêchera les banques d'effectuer la plupart de leurs transactions financières mondiales et, par conséquent, les exportations et importations russes seront bloquées », a souligné la présidente de la Commission européenne. Tout en précisant que 70% du secteur bancaire russe est actuellement concerné par les sanctions adoptées par la communauté internationale.
Selon une note du Carnegie Moscow Center, les conséquences d’une déconnexion des banques russes seraient « dévastatrices, particulièrement à court terme ». Le groupe d’expert rappelle également « qu’après la déconnexion des banques iraniennes de Swift, le pays a perdu près de la moitié de ses revenus d’exportation de pétrole et 30% de son commerce extérieur ».
Par conséquent, le système bancaire russe rencontrera un ralentissement considérable et les entreprises du pays devront trouver d’autres moyens d’effectuer des transactions avec l’étranger.
Des conséquences dures pour le pays, mais pas totalement incontournables.
La Russie aurait-elle donc anticipé ces restrictions ?
Effectivement, ces sanctions ne bloqueront pas toutes les transactions de la Russie qui pourra continuer à avoir des échanges commerciaux avec les établissements bancaires de certains pays.
Elle s’y était préparée depuis le train de sanctions qu'a connu le pays suite à l’invasion de la Crimée en 2014. À l'époque déjà, les Occidentaux menaçaient les Russes d'une expulsion de Swift, ce qui les a encouragés à développer un système alternatif : le SPFS ou l’équivalent Russe de Swift.
Le système de messagerie financière russe compte actuellement 400 banques russes et une douzaine d’établissements d’autres pays comme la Biélorussie ou la Chine. A ce stade, le SPFS pourra atténuer les conséquences de ces sanctions, mais pas pour longtemps…
De fait, cela pourrait inciter la Russie à accélérer le développement de son réseau alternatif aux dépens des transactions en dollars réalisées avec Swift.
Les particuliers quant à eux, ont tendance à se tourner vers des moyens de paiement alternatifs tels que les crypto-monnaies. Acquérir ce type d’actifs leur permet d'anticiper la baisse du cours de leur monnaie nationale. Mais aussi, de parer au blocage de leur comptes bancaires ou à la saisie de leur épargne par le gouvernement Russe.
Finalement, n’est-ce pas un pari risqué pour les européens ?
Car la livraison et le règlement du gaz russe passent aussi par Swift. Le secteur de l’énergie n’est pas touché par cette exclusion. Une exception qui n’est pas un hasard, puisque les sanctions sur le gaz bloqueraient les achats de plusieurs pays européens comme l’Allemagne ou l’Italie, très dépendants du gaz et du pétrole russes.
Par ricochet, c'est aussi interdire à des établissements européens de commercer avec ces banques. De même, en coupant Swift, l'Union Européenne rompt ses liens économiques avec la Russie qui reste quand même le 5ème marché d’exportations pour l’UE, avec 81,5 milliards d'euros de janvier à novembre 2021, selon Eurostat.
La Russie est aussi le 3ème plus gros fournisseur du continent derrière la Chine et les États-Unis, avec 142 milliards d'euros de marchandises sur 2021 selon la même source.
Les européens mais pas que …
La plus grande préoccupation pour les États-Unis est bien évidemment la baisse du cours du dollar au niveau international suite cette exclusion. Une dépréciation monétaire qui entraînerait des répercussions négatives sur les exportations américaines d’énergie – initialement considérée comme plus coûteuse et bien plus polluante à la production.
Par ailleurs, l’émergence d’un réseau parallèle ne serait pas une bonne nouvelle pour les américains. D’autant que les Russes souhaitent fusionner leur réseau avec le système chinois équivalent. Ils ont ainsi, l’ambition d’intégrer le SPFS au système de paiement bancaire chinois, le CIPS (Cross-Border Inter-System).
A terme, l’objectif russo-chinois serai d’amorcer la création d’un nouveau réseau de pays émergents comme l’Inde et l’Iran et d’affirmer leur indépendance vis-à-vis des institutions financières américaines. Affaire à suivre…