Jeudi 13 Février 2025
Anne-Laure Allain

Sommet pour l'action sur l'IA : Station F en ébullition et une annonce à 200 milliards ?

Ce mardi 11 février 2025, se tenait le Business Day à Station F en marge du Sommet pour l'action sur l'IA. Et le moins que l'on puisse dire est que cette journée fut couronnée de succès . Loin des protocoles diplomatiques, les entrepreneurs français voire, européens de la tech, ont su démontré, ne serait-ce que par la fréquentation du lieu, toute l'effervescence dont ils pouvaient faire preuve.
Une journée qui s est terminée par l'arrivée du Président de la République, Emmanuel Macron.
Annonce supplémentaire s'il en fallait encore une. Le Président est arrivé porté par la foule et avec une manne supplémentaire. Dans la continuité de la création de l'alliance des 60 entreprises européennes le "EU AI Champions Initiative" , le déploiement de l'IA en Europe devrait bénéficier d'une enveloppe de 200 milliards d'euros : 50 milliards apportés par la Commission Européenne et 150 milliards investis par les grands groupes et des fonds d'investissement.

AL Allain


M. Emmanuel Macron, M. Nicolas Dufourcq à Station F lors du Business Day
Que dire de ce Business Day qui s'est tenu en marge du Sommet pour l'Action sur l'IA ? D'abord que les quatre acteurs majeurs de l'Ecosystème tech français qui ont organisé l'événement. - Bpifrance, France Digitale, Numeum et Station F - ont réussi leur coup !
Relater qu'il y avait "foule" est un euphémisme ! Dès les premières heures, la jauge annoncée de 3000 personnes a été largement dépassée.
Certaines personnes accréditées ont d'ailleurs dû faire la queue plusieurs heures pour atteindre l'entrée de Station F.
Dans les allées du salon, il était parfois difficile de se déplacer. Et chose paradoxale mais peut-être bien française, alors que le niveau sonore atteignait des records, impossible pour les personnes présentes de ne pas "réseauter", échanger des cartes de visite, parler business ou partager des réflexions sur les avancées magistrales en matière d'Intelligence artificielle.
Tout ce joli très grand monde de la pure tech, du conseil, de la finance, se mélangeait coude à coude et coûte que coûte, démontrant une énergie sans pareille.
De mémoire d'habituée des salons tech, depuis un jour de Vivatech se préparant à l'arrivée d'un Mark Zuckerberg, nous n'avions pas connu cela.
Même ambiance dans les lieux réservés aux conférences. Il fallait s'y prendre une petite vingtaine de minute à l'avance, s'incrustant au slot précédent pour dénicher une place.

Sur toutes les lèvres, trois sujets revenaient en boucle.
D'abord, les avancées de nos pépites, Mistral en tête avec son nouveau "CHAT; défiant toute concurrence. Puis, forcément, la manière d'appliquer concrètement l'IA dans les organisations s'appuyant sur l'exemple de ces mêmes pépites Pigment, Qonto, Alan, Doctolib... Et enfin, la place que peut concrètement prendre l'IA à la française, à l'européenne dans le paysage mondial. Ne sommes nous pas "coincés" entre les Etats-Unis et les Chinois ?

A cette dernière question, c'est peut-être Philippe Tibi, intervenant dans la conférence "How PE and VC's are financing and using AI and where does France stand" qui a eu l'avis le plus tranché.
Et si nous laissions les Etats-Unis et sa puissance d'investissement, combattre la Chine dans cet affrontement des titans qui n'est pas (Encore ? ) à notre échelle ?
"L'Europe se positionne en creux (Gap en anglais dans le texte) en matière de puissance d'investissement comme d'objectifs. Les Etats-Unis et la Chine veulent clairement dominer le monde. Et nous ? Que souhaitons-nous ? L'Europe doit se doter d'un objectif et d'un budget coordonnés."
Pour Philippe Tibi, les journées comme celle de ce Business Day sont une véritable démonstration internationale. Peut-être faudra-t-il par la suite concrétiser avec une organisation européenne agile, efficace et coercitive en fonction des atouts de chacun des membres ?
Car finalement, et on l'a vu dans les annonces présidentielles en amont de ce sommet, les fonds, les investissements peuvent se trouver, lorsque le projet semble clair à l'instar de constructions de data centers dans un pays qui a la main sur son énergie électrique.

L'enjeu de la souveraineté de l'Europe est donc l'un des sujets sur la table. A l'échelle des 27, portés à l'occasion de ce Sommet, par la France.
Cet enjeu de souveraineté existe aussi à l'échelle des organisations, des entreprises au moment où elles s'emparent du sujet.

La souveraineté en matière d'IA se joue aussi à l'échelle de chaque entreprise

Quels que soient les intervenants sur scène ou en salle, la démarche semble se répéter. Il y a d'abord un audit à effectuer sur l'ensemble des process. Puis un audit sur les fonctionnalités celles utiles ou non, impliquant nécessairement les salariés. Tous les salariés. Car, et c'est la grande révolution de cette IA générative : elle donne désormais des super pouvoirs à tous. Qui de savoir parler plusieurs langues, qui de savoir répondre à toutes les questions, qui de savoir faire un site Internet, qui de savoir sortir une analyse complète en quelques heures là où cela aurait pu encore prendre une quinzaine de jours, il y a encore quelques mois...
Des Super pouvoirs qui nécessairement doivent se baser sur des bonnes data, "archivées" et organisées correctement. Une organisation souvent préalable à une diffusion systématisée de l'IA en entreprise qui a déjà un coût à rajouter à celui de la mise en place de technologie.
Et c'est sur ce coût que les arbitrages en faveur de telle ou telle technologie ou fournisseur se cristallisant le plus généralement.
Le temps de réorganisation des services et de la négociation des budgets n'étant pas celui des innovations fulgurantes. Faire le bon choix est donc un enjeu.
S'appuie-t-on sur une technologie française européenne ? Au sein de station F en ce 11 février, la question ne se pose même pas...Mais dans une entreprise, plus "traditionnelle" peut-être, beaucoup plus.
D'autres questions se posent alors. Doit-on déployer sa propre solution ou prendre un produit " sur étagère" ? Combien cela nous coute aujourd'hui et combien allons-nous économiser demain ou dépenser si la technologie n'est pas ou plus adaptée à notre évolution ?
Bref, choisir une solution française ou européenne, n'est pas, pour certains dirigeants d'entreprise toujours un choix aussi limpide.

En revanche, pour des dirigeants de la French Tech dont le coeur de métier repose sur l'innovation, l'appropriation de l'IA en interne n'est plus une question. Il s'agit même de s'apprêter à surfer sur la prochaine vague de l'IA.

" Nous avons toujours été une entreprise basée sur le machine learning relate Eléonore Crespo, CEO et co-fondatrice de la fintech Pigment. Même constat du côté de Qonto représentée par Aymeric Augustin, son CTO.
Dans ces entreprises "tech" la première vague de l'IA est déjà passée et si on en revient à la base de la data analytics, elle est même à l'origine de leur efficacité en matière de relation client ou du traitement des données.
"Avant Qonto, tout existait que ce soit pour traiter des comptes professionnels, émettre des factures. Ce que nous avons fait, c'est la possibilité de donner une application all in one aux dirigeants d'entreprise et grâce à la data, nous avons pu démultiplier les services en fonction de l'usage des clients."
Les deux dirigeants sont formels, la qualité de la data traitée et la formation des salariés, de tous les salariés, est la clef de la réussite.

La prochaine vague attendue par ces fintechs ? Celle de l'IA agentique. Celle ou des agents virtuels basés sur l'IA pourront dialoguer avec les clients ou même entre agents pour régler le maximum de situations où l'humain a peu de valeur ajoutée.

Quant à l'adaptation pour ces entreprises ? Rappelons qu'un Qonto compte 30 % d'ingénieurs dans ses effectifs. Quant à la peur de l'Intelligence Artificielle ? Celle qui serait provoquée par l'angoisse du "remplacement" ? Celle qui serait provoquée par l'angoisse de la perte d'un savoir faire ?
" Je pense qu'au XVème siècle, au moment de l'invention de l'imprimerie. Il y a eut les mêmes débats ! A savoir, est ce que les livres allaient remplacer la faculté de mémoire des hommes ? Or, on l'a vu, la possibilité d'imprimer des livres a justement démocratisé le savoir !"

Même pas peur donc, au contraire...

Une Station F en ébullition portée par le Président de la République

C'est donc l'enthousiasme et même une certaine confiance qui ont régné ce mardi 11 février à Station F. Un Business Day qui a connu son apogée avec l'arrivée du Président de la République accompagné par la Ministre Déléguée au Numérique et à l'Intelligence Artificielle.
Emmanuel Macron et Clara Chappaz, sont donc venus honorer l'événement. " Merci d'être là, si nombreux parce que ce sommet c'est vous" distillait ça et là le binôme qui a pris le temps de saluer chacune des personnes aux alentours de la scène.
Une scène où attendaient, peut-être un peu fébriles (ils attendaient depuis plus d'une heure), les dirigeants et fondateurs des pépites françaises de l'IA : Mistral, Qonto, Pigment, Doctolib, Alan...

" Nous avons obtenu 109 milliards d'investissement privés et c'est parce que vous êtes là, que nous avons la confiance des grands groupes, que nous avons les talents de Paris, à Marseille, à Grenoble... Nous formons 40 000 personnes par an et demain nous allons monter à 100 000..." a relaté le Président de la République dans son discours.
Emmanuel Macron a d'ailleurs profité du micro pour annoncer qu'il avait obtenu la veille un financement à hauteur de 200 milliards portés par les grands groupes européens (150 milliards d'euros) et par la Commission Européenne (50 milliards).
"Nous sommes dans la course, plein feux et jusqu'au bout. Avec ce Sommet nous avons passé un cap très important. Nous croyons l'IA portée par notre modèle de société. Un modèle libre et équitable. Continuez à rêver . Continuez à inventer, à Innover !" at-il exhorté.

Si toutes les réponses quant à l'instauration d'une IA juste et équitable au sein des organisations à l'échelle européenne n'ont pas encore été trouvées, ce Sommet pour l'Action sur l'IA a eu moins eu le mérite de placer la France au coeur de l'écosystème européen et de démontrer à la scène internationale, son effervescence en matière d'innovation.

Anne-Laure Allain

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