Vendredi 11 Décembre 2015
Finyear, Quotidien Finance d'Entreprise

Si l'ost savait ...

L'ADAE (1) recevait le 26/11 pour sa conférence annuelle sur le thème de l'intelligence économique. Nous avons eu le plaisir d'entendre les intervenants suivant : Mme Anne Outin Adam (2) et MM. Alain Juillet (3) et Didier Kling (4). Il y a des points saillants sur lesquels je souhaite rebondir, sans respecter un ordre de quelque nature ni le moindre souci de complétude de mon propos.


Rémy Mahoudeaux
Je m'étais jadis fait ici (5) l'écho du problème du lanceur d'alerte : rien de nouveau sous le soleil, le lanceur d'alerte, qu'il soit institutionnel comme un commissaire au compte ou free-lance, n'est qu'un témoin qui, placé dans un conflit entre deux loyautés, prend une initiative intrinsèquement déloyale. Il n'est en aucun cas un justicier, et par conséquent il convient de bien approfondir ses motivations qui peuvent ne pas être reluisantes. Je comprends que Didier Kling prenne toutes les précautions oratoires possible lorsqu'il va confier au procureur ce qu'il estime être un franchissement de ligne blanche continue.

Comme tous ceux qui savent lire un bilan, un de mes réflexes pour découvrir une entreprise, c'est d'aller voir ses comptes publiés et les lire. Le lecteur attentif peut y faire des découvertes, comme des présentations de faux bilans ou des fraudes diverses, ou encore des données qu'un concurrent a intérêt à obtenir et l'entreprise devrait cacher. Alain Juillet dénonce les rentes de fait des greffiers qui vendent à leur seul profit une information dont ils ne sont que les dépositaires. Elles constituent un juteux fromage, mais créent une faiblesse structurelle des entreprises françaises qui, elles, n'accèdent pas aussi aisément aux comptes de leurs concurrents étrangers. Encore un dysfonctionnement de la maison justice qui n'en manque pas ...

Le cadre légal qui devrait protéger le secret des affaires n'est pas satisfaisant, le premier problème étant que le secret des affaires n'est pas défini par la loi. L'arsenal répressif se montre inopérant. Anne Outin Adam nous a présenté les évolutions probables du cadre législatif, induits par une directive européenne dont la rédaction est en cours. Mais comme la lutte éternelle entre l'épée et le bouclier, la transparence et le secret des affaires s'opposent, et l'air du temps fait de la transparence un mantra … l'important est donc de savoir fixer une limite à sa propre transparence, et de s'y tenir. Cela passe par une analyse objective de l'information dont l'entreprise est dépositaire : pour chacune d'entre elle, est-il vital de préserver son secret, est-elle seulement sensible, ou est-elle peu ou pas confidentielle du tout ? En fonction de son statut, les moyens de protection doivent-être adaptés. Alain Juillet cite l'exemple du menu que des militaires classifieraient confidentiel défense (6)…

« Pas le droit de tromper, pas le devoir de tout dire » nous dit Didier Kling. C'est en quelque sorte le « primum non nocere » des médecins. Oui, notre siècle veut de la transparence et se donne les moyens de l'obtenir : Wikileaks continue de publier des documents dont les détenteurs pensent qu'ils n'ont pas à être porté à la connaissance du public. Mais peut-on dire aujourd'hui que l'on n’est pas transparent ? Les plus courageux et les plus honnêtes diront que leur transparence a des limites dont ils sont les seuls juges.

La conférence n'a abordé que la vision défensive de l'intelligence, et la protection des secrets d'affaires. Peut-être eut-il été pertinent de parler aussi de l'intérêt qu'il y a à connaître les secrets petits ou gros de nos concurrents, afin d'en déduire la meilleure stratégie possible (7), et d'évoquer les barrières éthiques et légales de cette approche plus offensive : l'ost d'en face n'est pas plus un enfant de cœur que nous, il est en guerre contre nous comme nous le sommes contre lui …

Je bégaye, je radote, je ratiocine mais la convivialité de l'ADAE doit toujours être mentionnée et louée. Merci à eux !


1) L'ADAE (Association des Dirigeants et Administrateurs d'Entreprise) que préside Daniel Corfmat a pour objectif de promouvoir la gouvernance au sein des PME depuis 1996 avec 4 axes d'actions principaux : (i) Informer les parties prenantes ; (ii) Former ses membres (1ère formation d’administrateur qualifiés indépendants en entreprise en France AQI®); (iii) Réfléchir sur la doctrine et établir/proposer des « softlaws » ; (iv) Diffuser ses travaux. Si vous souhaitez plus d'information : http://www.adae.asso.fr
2) Directeur du pôle de politique législative et juridique de la CCI Paris Ile de France
3) Président de l’Académie de l’Intelligence Economique
4) Vice-Président Trésorier de la CCI Paris Ile de France
5) http://www.finyear.com/Wanted-Whistle-blower-Reward-300k_a16798.html
6) Mon expérience certes ancienne et limitée contredit cette affirmation. J'ai lu naguère que les militaires ont dorénavant comme réflexe de penser que si une information est présente sur un réseau, alors elle est en possession de l'adversaire, et si ce n'est pas le cas, de faire comme si ça l'était.
7) L'opportunité m'est ici donnée de faire un clin d'oeil à Jean-Louis Swinners, professeur de marketing « de combat » de mon alma mater.

Rémy Mahoudeaux
Managing Director, RemSyx
boss <at> remsyx <dot> com
twitter : @remseeks
 
 

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