Report du remboursement du PGE : la France se dirige-t-elle vers des faillites en cascade ?

Tribune rédigée par Thierry Legrand, Associé, Membre du Comité Stratégique du groupe Exponens, Expert-comptable et Commissaire aux comptes.


Le Prêt Garanti par l’Etat a été mis en place en 2020 pour permettre aux entreprises de faire face aux difficultés de trésorerie liées à la pandémie. Les entreprises peuvent demander un prêt à concurrence de 25% de leur chiffre d’affaires de l’année 2019. Cette faculté est toujours ouverte aux entreprises qui n’en ont pas encore bénéficié jusqu’au 30 juin 2022.

A ce jour 699.000 entités ont contracté un PGE représentant un total d’encours de plus de 143 milliards d’euros. Ce prêt devait initialement être remboursé sur une période maximale de 5 ans après une année de différée. À la suite de la poursuite de la situation pandémique, un premier aménagement a été proposé aux entreprises début 2021. Les entreprises pouvaient, sur leur demande, bénéficier d’une année de différé supplémentaire et rembourser ensuite sur 4 ans. Si début janvier 16% des entreprises avaient remboursé leur PGE, se pose la question pour les 84% restant.

Repousser, est-ce la solution ?

En effet, si l’on considère un PGE maximum de 25% du chiffre d’affaires de l’entreprise, cela correspond à un remboursement annuel représentant 6,25% du chiffre d’affaires. Cela n’équivaut pas un chiffre d’affaires supplémentaire à trouver mais bien à une trésorerie supplémentaire, donc du résultat ! Si on extrapole un peu, une entreprise qui habituellement disposait d’un résultat de 4% après impôt doit maintenant sortir 10%, si on considère l’impôt, même à 25%, cela représente un résultat avant impôt de plus de 13%. Ce qui devient considérable pour bon nombre d’entreprises. Et ce par rapport à un chiffre d’affaires d’avant crise…

Il ne faut pas oublier à cela, tous les aménagements de trésorerie dont ont pu bénéficier les entreprises, comme des reports de paiement de charges sociales, de loyers par exemple, qu’il faut également maintenant payer.

Allons-nous vers des faillites en cascades ?

On voit donc qu’économiquement, quand on parle à des entreprises qui sortent, pour un bon nombre d’entre elles fragilisées par cette crise sanitaire, avec des perspectives d’activité encore pleine d’incertitude, on comprend bien que le remboursement du PGE en 4 ans peut paraître une véritable gageure.

Malgré cela, le ministère de l’Économie n’estime un taux de défaut que de 3,8%. Pour remédier à cet état il donne la possibilité aux TPE, avec des PGE de moins de 50.000 €, de demander un étalement sur 10 ans du remboursement de leur PGE en s’adressant à la Médiation du Crédit. Il est étonnant de constater cette distorsion de traitement entre les entreprises.

C’est pourquoi Bercy a mis en place, en plus, un Comité de sortie de crise pour les entreprises ayant bénéficié d’un PGE de plus de 50.000 €, sans qu’il soit indiqué précisément les entreprises concernées et les modalités qui pourront en sortir.

Mais, il parait évident d’envisager des difficultés beaucoup plus profondes pour certaines entreprises et que des mesures complémentaires devront être prises au cas par cas pour éviter des faillites plus nombreuses, sans vouloir pour autant soutenir des activités déjà en difficultés avant la crise sanitaire.

Il convient donc d’établir des prévisionnels de trésorerie pour les quatre années à venir, pour vérifier la capacité réelle de l’entreprise à faire face à ses échéances et prendre les devants si besoin. En dehors de ce que pourrait sortir le Comité de sortie de crise de Bercy, il pourra être nécessaire de prendre des dispositions spécifiques en ayant recours à des mandataires ad’hoc pour prévoir le rééchelonnement des dettes et éviter la cessation de paiement.

Des entreprises n’ont pas utilisé leur PGE, comment peuvent-elles l’utiliser pour se développer ou faut-il commencer à rembourser ?

Dans le cas des entreprises ayant la capacité de rembourser leur PGE sans mettre en difficulté leur trésorerie, ou qui ont conservé cette somme sans y toucher, la tentation pourrait être grande d’utiliser ce surplus. Mais comment ?

A date, les remboursements de PGE devraient démarrer en avril 2022 après 2 ans de report, et être remboursé sur 4 ans. On constate donc qu’il s’agit d’un temps court au regard des cycles économiques d’une entreprise. En effet, si elle veut l’utiliser pour financer un investissement qui est en général sur une période de 7 à 10 ans, cela veut dire qu’il est nécessaire d’avoir un retour sur investissement sur une période plus courte que d’habitude ou bien de disposer également de trésorerie disponible pour faire le pont entre la fin de remboursement de l’emprunt et le retour financier sur l’investissement réalisé.

Se pose alors la question pour les entreprises n’ayant pas encore demander de PGE. En effet, il est possible d’obtenir un PGE jusqu’en juin 2022, dans les mêmes conditions que le prêt initial, c’est-à-dire un an de différé de remboursement et 5 annuités de remboursement, soit une durée totale de 6 ans qui se rapproche effectivement d’une durée plus classique l’emprunt pour investissement.

Cela doit être regardé avec attention par les entreprises pouvant en bénéficier, dans la mesure où le taux reste encore très bas, notamment la première année de différé, et qu’il ne nécessite pas de caution et de dossier de financement compliqué.

Vendredi 25 Février 2022


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