Jeudi 13 Avril 2023
Anne-Laure Allain

Réaction | Arnaud Touati – Hashtag Avocats. "Bien que nous privilégions l’environnement réglementaire français, nous avons dû parfois envisager des solutions à l’étranger."

Suite à notre interview d’Anne Maréchal, Avocate Associée au sein du cabinet De Gaulle Fleurance, faisant le point sur les différents enregistrements et réglementations, actuels ou à venir, sur les actifs numériques, Arnaud Touati, co-fondateur du cabinet Hashtag Avocats, a souhaité apporter son éclairage sur certains points.
S’il n’est pas question de discuter des apports pédagogiques d’Anne Maréchal sur toute la partie technique, l’avocat bien connu pour sa spécificité blockchain et ses prises de positions ouvertes, souhaite néanmoins illustrer certaines situations en s'appuyant sur sa pratique d’accompagnement de ses clients.
Mise au point, point par point.


1 - Sur MICA
Il est incontestable que l’adoption d’un règlement MICA spécifique aux cryptoactifs est un choix audacieux et salutaire pour l’écosystème européen.

Pour autant, deux obstacles majeurs substituent selon moi :

- La volonté des législateurs de vouloir requalifier en titres financiers, tout ce qui de près ou de loin s’y apparente. Dans cette hypothèse, le règlement MICA n’aurait que peu vocation à s’appliquer puisqu’il ne concerne que les actifs numériques.

- La difficulté et le coût généré par la mise en conformité MICA qui aboutira in fine à ce qu’un très nombre limité d’acteurs puisse finalement y prétendre.

2- Sur le Statut PSAN
Le statut PSAN est un atout indéniable pour l’écosystème français et le régulateur fait un travail remarquable. Toutefois, une des difficultés principales vient du manque de moyens mis à la disposition du régulateur par son autorité de tutelle, aboutissant de facto à une surcharge d’activité et à des délais de traitement corrélatifs très importants qui pénalisent l’écosystème français par rapport à ses homologues européens.

C’est pourquoi, bien que nous privilégiions l’environnement réglementaire français, nous avons dû pour certains de nos clients, envisager des solutions à l’étranger.

Les intérêts réglementaires ne sont pas toujours alignés avec les considérations business.

3- Sur l’agrément PSAN
C’est l’exemple typique d’une bonne idée de base qui n’a jamais été appliquée en pratique, faute notamment de l’existence d’une assurance digne de ce nom. Un label optionnel que personne n’utilise n’est pas vraiment un label.

Nous avions également l’idée d’un label lorsque qu’avec Hashtag Avocats nous avons participé à l’élaboration de la loi Monégasque. Sauf que celle-ci a abouti à un visa obligatoire, condition sine qua none selon moi d’une efficacité réelle d’un label institutionnel.

4- Sur le passage PSAN à MICA
Compte tenu des délais de traitement actuels pour l’obtention du PSAN, il n’est selon moi pas acquis en l’état que le passage PSAN à MICA soit des plus rapides.

Comme il s’agit d’un passeport européen, il va y avoir invariablement un « forum shopping » qui va bénéficier aux autorités réglementaires locales les plus efficaces.

Chez Hashtag Avocats, nous sommes déjà et depuis plusieurs mois, en plein benchmark et consultation de l’écosystème européen dans son ensemble, pour offrir de vraies solutions alternatives à nos clients le cas échéant.

5- Sur la consultation ACPR sur la DEFI
Certaines mesures sont louables :

- Homologuer les infrastructures Blockchain en imposant des standards minimaux de protection et de sécurité

- Renforcer le contrôle des intermédiaires facilitant l’accès des utilisateurs aux services de la DeFi.

- Imposer une évaluation objective des compétences financières des clients et de leur appétence au risque, conditionnant leur accès aux services de la DeFi.

D’autres posent invariablement de nombreuses questions comme le fait de renforcer la sécurité des smarts contracts à travers une certification qui devra être méritée, qui pourra être retirée à tout moment et qui devra être réitérée à chaque changement significatif du code informatique.

Enfin, certains sujets me semblent difficilement compatibles en l’état avec la Defi, notamment le fait d’étendre les dispositions MiCA aux intermédiaires de la DeFi et contraindre tous ses utilisateurs à un KYC auquel les intermédiaires devront s’assujettir.

6- Le régime DLT-TSS
Ce régime sandbox est louable sur le principe mais la barrière à l’entrée est extrêmement forte.

La blockchain n’a selon moi pas vocation à recréer un club fermé d’acteurs de la finance traditionnelle « on chain » mais au contraire d’ouvrir la finance à des acteurs nouveaux.

La requalification de tous les jetons en titres financiers ne va clairement pas non plus dans le bon sens. Il faut toujours avoir à l’esprit les fondamentaux qui ont présidé à la création de la blockchain.

A propos d’Arnaud Touati
Diplômé de droit des affaires des Universités Paris I Sorbonne, Paris II Assas et Chicago, Arnaud Touati a pratiqué le droit des affaires dans des cabinets anglo-américains, des grandes banques d’affaires mais également des structures de taille intermédiaire. Féru de nouvelles technologies, il s’interesse dès 2013 à l’entreprenariat en France et tout particulièrement aux startups avant de fonder en 2015 le cabinet Hashtag Avocats. Arnaud Touati est membre de l’incubateur du Barreau de Paris, il enseigne à l’Ecole de Formation du Barreau et dans plusieurs écoles de commerces renommées. Il participe également à de nombreux workshops et événements dans l’écosystème startups.
#Hashtag Avocats

Il est spécialisé dans le droit des cryptoactifs et a crée par ailleurs une superstructure du droit et du chiffre dédiée exclusivement à l’écosystème web3 : LawForCode.

RETROUVER L'INTERVIEW D'ANNE MARECHAL AVOCATE ASSOCIÉE DE GAULLE FLEURANCE

Notes de la Rédaction :
Arnaud Touati s'exprime ici en son nom. Il ne s'agit en aucun cas de conseil en investissement ou de prise de position de Finyear. Mais d'une volonté journalistique d'offrir un éclairage le plus complet possible et de donner la parole à tous les points de vue. Les propos tenus dans cette réaction ne concernent que son auteur. Si Finyear opère un filtre éditorial, les opinions émises ne peuvent pas être considérées comme le reflet de la direction.

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