François Longin
En Hollande, en 1630, un bulbe de tulipe pouvait coûter jusqu’à 100 000 $ - soit plusieurs fois le salaire annuel d’un l'ouvrier qualifié moyen de l'époque. Pourquoi diable devait-on payer autant pour une seule fleur, un objet qui a relativement peu de valeur aujourd'hui? Tout simplement à cause de la « tulipomanie » (1).
Les milieux financiers considèrent aujourd’hui que la « tulipomanie » est le premier exemple de bulle économique, c’est-à-dire ce moment où le prix d’un actif s’éloigne de sa valeur intrinsèque, avant que la flambée ne s’éteigne finalement. Ces mécanismes d’«expansion puis d’effondrement » sont ce que nous appelons des événements extrêmes en finance, dont font partie : les krachs de 1929 et du 19 Octobre 1987, comme l'effondrement du système monétaire européen en Septembre 1992, la crise du marché obligataire en février 1994, la bulle Internet de l'année 2000, ou plus récemment le krach boursier de 2007.
Ces événements extrêmes sont un sujet fondamental pour les professionnels de la finance - en particulier pour ceux qui se spécialisent dans la gestion des risques, la gestion d'actifs et la réglementation financière. Les régulateurs s’intéressent également à la structure des marchés au cours des crises, pour mieux comprendre et protéger le système financier contre les événements catastrophiques et les risques systémiques qui en découlent. En effet, comme le montrent les dernières crises, les incidents sur les marchés financiers et le système bancaire ont fortement tendance à se propager au sein de la sphère réelle.
L’éclatement d’une bulle n’est jamais vraiment une surprise : en finance, tout ce qui monte doit un jour redescendre. Toutefois, il est difficile de prédire le moment précis de la chute, et cette question préoccupe les professionnels autant que les autorités de réglementation.
Théorie des valeurs extrêmes
C’est là que la « théorie des valeurs extrêmes » entre en jeu. Cet outil statistique vise à comprendre les observations extrêmes d'une variable aléatoire. En finance, la théorie des valeurs extrêmes a été appliquée pour comprendre les observations extrêmes des rendements d’un portefeuille d'investissements ou d’une position de négociation.
La théorie date des années 1920, mais se développe véritablement dans les années 1940 à l’initiative de trois statisticiens: René Maurice Fréchet (France), Emil Julius Gumbel (Allemagne), Boris Gnedenko (Russie). Dans un travail appliqué en hydrologie, Gumbel écrit: «Il semble que les rivières connaissent déjà la théorie il ne reste qu'à convaincre les ingénieurs de la validité de cette analyse... » Ce n’est qu’à partir des années 1990 que la pensée de Gumbel est appliquée à la finance. Dans ce cas, il semble bien que les marchés financiers connaissent la théorie, et qu’il ne reste plus qu'à convaincre les traders, les investisseurs, les gestionnaires de risques, les gestionnaires d'actifs, les banquiers, les banquiers centraux, les régulateurs et les professeurs de la validité de cette analyse.
En quelques mots, cette théorie étudie la répartition des valeurs limites lorsque le nombre d'observations tend vers l'infini. Elle met en évidence l'existence d'une distribution asymptotique de ces évènements extrêmes, d’une simplicité étonnante.
Dans mes recherches, j’ai appliqué la théorie des valeurs extrêmes à différents marchés (actions, taux d'intérêt, taux de change), différentes zones géographiques (Amérique, Europe et Asie), différentes périodes et différentes fréquences. C’est en commençant à étudier les événements extrêmes en finance juste après le crash d'Octobre 1987, que je compris que la théorie universitaire considérait jusqu’alors les valeurs extrêmes comme des valeurs atypiques. Les données associées aux événements extrêmes des marchés financiers étaient considérées comme anormales et écartées des travaux empiriques. Quelques décennies plus tard, les experts financiers ont collectivement pris conscience de l'importance de comprendre les événements extrêmes en finance. Ainsi, l’ESSEC a pris l'initiative d'organiser une conférence internationale traitant des événements extrêmes; et d’éditer un ouvrage collectif sur le sujet.
Au cours des dernières décennies, la théorie des valeurs extrêmes a permis de développer une meilleure compréhension du comportement statistique des mouvements extrêmes des prix des actifs financiers. La compréhension du comportement des marchés pendant un événement extrême permet de mieux cerner les comportements de marché en toutes circonstances. Autrement dit, séparer les événements extrêmes des autres événements constitue une erreur d’analyse. Voilà peut-être une vérité universelle qui touche à de nombreuses dimensions de la société, notamment le business, la politique et la religion.
François Longin, Professeur de Finance et Directeur du program Gestion de Patrimoine à l'ESSEC, nous montre comment la théorie des valeurs extrèmes nous aide à comprendre les événements extrêmes des marchés financiers.
(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Tulipomanie
Les milieux financiers considèrent aujourd’hui que la « tulipomanie » est le premier exemple de bulle économique, c’est-à-dire ce moment où le prix d’un actif s’éloigne de sa valeur intrinsèque, avant que la flambée ne s’éteigne finalement. Ces mécanismes d’«expansion puis d’effondrement » sont ce que nous appelons des événements extrêmes en finance, dont font partie : les krachs de 1929 et du 19 Octobre 1987, comme l'effondrement du système monétaire européen en Septembre 1992, la crise du marché obligataire en février 1994, la bulle Internet de l'année 2000, ou plus récemment le krach boursier de 2007.
Ces événements extrêmes sont un sujet fondamental pour les professionnels de la finance - en particulier pour ceux qui se spécialisent dans la gestion des risques, la gestion d'actifs et la réglementation financière. Les régulateurs s’intéressent également à la structure des marchés au cours des crises, pour mieux comprendre et protéger le système financier contre les événements catastrophiques et les risques systémiques qui en découlent. En effet, comme le montrent les dernières crises, les incidents sur les marchés financiers et le système bancaire ont fortement tendance à se propager au sein de la sphère réelle.
L’éclatement d’une bulle n’est jamais vraiment une surprise : en finance, tout ce qui monte doit un jour redescendre. Toutefois, il est difficile de prédire le moment précis de la chute, et cette question préoccupe les professionnels autant que les autorités de réglementation.
Théorie des valeurs extrêmes
C’est là que la « théorie des valeurs extrêmes » entre en jeu. Cet outil statistique vise à comprendre les observations extrêmes d'une variable aléatoire. En finance, la théorie des valeurs extrêmes a été appliquée pour comprendre les observations extrêmes des rendements d’un portefeuille d'investissements ou d’une position de négociation.
La théorie date des années 1920, mais se développe véritablement dans les années 1940 à l’initiative de trois statisticiens: René Maurice Fréchet (France), Emil Julius Gumbel (Allemagne), Boris Gnedenko (Russie). Dans un travail appliqué en hydrologie, Gumbel écrit: «Il semble que les rivières connaissent déjà la théorie il ne reste qu'à convaincre les ingénieurs de la validité de cette analyse... » Ce n’est qu’à partir des années 1990 que la pensée de Gumbel est appliquée à la finance. Dans ce cas, il semble bien que les marchés financiers connaissent la théorie, et qu’il ne reste plus qu'à convaincre les traders, les investisseurs, les gestionnaires de risques, les gestionnaires d'actifs, les banquiers, les banquiers centraux, les régulateurs et les professeurs de la validité de cette analyse.
En quelques mots, cette théorie étudie la répartition des valeurs limites lorsque le nombre d'observations tend vers l'infini. Elle met en évidence l'existence d'une distribution asymptotique de ces évènements extrêmes, d’une simplicité étonnante.
Dans mes recherches, j’ai appliqué la théorie des valeurs extrêmes à différents marchés (actions, taux d'intérêt, taux de change), différentes zones géographiques (Amérique, Europe et Asie), différentes périodes et différentes fréquences. C’est en commençant à étudier les événements extrêmes en finance juste après le crash d'Octobre 1987, que je compris que la théorie universitaire considérait jusqu’alors les valeurs extrêmes comme des valeurs atypiques. Les données associées aux événements extrêmes des marchés financiers étaient considérées comme anormales et écartées des travaux empiriques. Quelques décennies plus tard, les experts financiers ont collectivement pris conscience de l'importance de comprendre les événements extrêmes en finance. Ainsi, l’ESSEC a pris l'initiative d'organiser une conférence internationale traitant des événements extrêmes; et d’éditer un ouvrage collectif sur le sujet.
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(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Tulipomanie
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