Luc d’Urso
L'Europe a raté la révolution numérique, mais dotée de la seconde population mondiale de mineurs de données, elle peut - si elle le veut - se repositionner sur l'échiquier des industries digitales. Il en va de la souveraineté numérique européenne. Depuis les chocs pétroliers des années 70, le taux de chômage serpente peu ou prou autour de 10% de la population active. On peut s’en plaindre, au regard des chiffres affichés par certains pays voisins, ou se féliciter de sa stabilité, si l’on considère que la population active a accueilli plus d’un million huit cent mille personnes au cours de la dernière décennie.
La mécanisation, l’informatisation, la robotisation et plus récemment l’intelligence artificielle ont été invoquées à tour de rôle pour justifier de notre incapacité à réduire ce taux de chômage. Pour autant, il figure, à juste titre, parmi les thèmes favoris des candidats de tous bords aux élections présidentielles depuis près d’un demi-siècle, et les primaires auxquelles nous avons assisté n’auront pas échappé à la règle.
Si, à la lumière de l’histoire de l’humanité, on veut bien considérer comme stérile toute idée tentant de s’opposer à un progrès inéluctable, force est de constater que le solde net des emplois créés par ce dernier est devenu négatif sur le vieux continent. Cette situation n’est pas une fatalité ; elle est la conséquence de choix calamiteux dans les domaines de l’économie et de son financement, orchestrés par une classe politique qui persiste à penser la société de demain à la lumière d’idéologies nées au dix-neuvième siècle.
Le diagnostic est pourtant d’une accablante simplicité : l’Europe a raté la révolution numérique.
Retrouver une Europe unifiée, dynamique et ambitieuse
Est-ce trop tard ? La donnée est le minerai de l’économie du XXIème siècle. Ce gisement inépuisable inlassablement nourri par les internautes fournit le carburant de l’économie numérique. Avec une population estimée à plus de 832 millions (1) et 615 millions d’internautes, le vieux continent dispose de la seconde population mondiale de mineurs numériques, juste derrière la Chine et ses 710 millions (2) d’internautes mais loin devant l’Amérique du Nord qui n’en compte que 266 millions. Tous les spécialistes en intelligence artificielle vous diront qu’à choisir, il vaut mieux privilégier la taille de la base de données à la qualité de l’algorithme supposé l’exploiter. Les bases de données constituées dans le domaine de la santé grâce au modèle de couverture sociale devraient doter les futurs champions européens de la biotechnologie d’un avantage concurrentiel décisif. Il n’est donc pas trop tard !
Nul ne s’étonnera que Donald Trump se félicite du Brexit et encourage la dislocation de l’Europe. Mais ne soyons pas naïfs, seule une Europe unifiée et des accords commerciaux étroits avec l’Europe de l’Est (et demain l’Afrique) peuvent nous permettre de nous repositionner sur l’échiquier mondial du numérique. Il nous faut renouer dans les NBIC (3), avec les ambitions et l’esprit collaboratif qui a prévalu dans l’aéronautique et l’aérospatiale dans les années 1970 ou dans la radionavigation à l’aube des années 2000.
L’urgence n’est pas à « taxer les robots ». La robotique qui menace les emplois peu qualifiés requiert de la mécanique et son coût ne baisse que marginalement. Il suffit, pour s’en convaincre de visiter un entrepôt Amazon où s’affairent eachers, pickers et packers (4) … Aucun robot à l’horizon. L’intelligence artificielle en revanche, n’a nul besoin de mécanique. Son coût est faible comparativement à l’intelligence biologique et menace donc tous les emplois à fort contenus cognitifs. Toutes les professions dont le diagnostic repose sur des informations ou des connaissances sont concernées : médecins généralistes, radiologues, analystes financiers…
Les démarches à mettre en place pour reprendre l’avantage
L’urgence commande de poser, sans plus tarder, les fondations aussi nécessaires au marché de l’emploi qu’indispensables à notre souveraineté numérique européenne :
- Instituer une politique volontaire de rétention des cerveaux européens et renforcer les filières de formation dédiées au digital. Ces dernières assècheront les réservoirs d’emplois peu qualifiés et orienteront les jeunes vers des professions hautement rémunérées.
- Orienter l’épargne vers des financements adaptés aux nouveaux modèles économiques des start-ups numériques afin de favoriser l’émergence ou la consolidation d’acteurs stratégiques (réseaux hauts débits, centres d’hébergement, plateformes applicatives, cybersécurité …). La préférence affichée aux solutions européennes pour les marchés publics ne doit plus être un sujet tabou mais un vecteur prioritaire de croissance pour l’industrie digitale européenne.
- Consolider notre leadership juridique en matière de gouvernance et de régulation des données personnelles.
L’Europe dispose donc de tous les facteurs clé de succès pour s’imposer dans le digital. Ne laissons ni les populistes, ni les conservateurs, nous priver de notre souveraineté numérique.
(1) Internet World Stats – Juin 2016
(2) Centre chinois d'information sur l'internet (CNNIC) champions européens de la biotechnologie d’un avantage concurrentiel décisif. Il n’est donc pas trop tard !
(3) Nanotechnologies, biotechnologies, technologies de l’information et sciences cognitives
(4) Manutentionnaires pour la mise en rayon, préparateurs de commandes et personnel dédié à l’emballage
La mécanisation, l’informatisation, la robotisation et plus récemment l’intelligence artificielle ont été invoquées à tour de rôle pour justifier de notre incapacité à réduire ce taux de chômage. Pour autant, il figure, à juste titre, parmi les thèmes favoris des candidats de tous bords aux élections présidentielles depuis près d’un demi-siècle, et les primaires auxquelles nous avons assisté n’auront pas échappé à la règle.
Si, à la lumière de l’histoire de l’humanité, on veut bien considérer comme stérile toute idée tentant de s’opposer à un progrès inéluctable, force est de constater que le solde net des emplois créés par ce dernier est devenu négatif sur le vieux continent. Cette situation n’est pas une fatalité ; elle est la conséquence de choix calamiteux dans les domaines de l’économie et de son financement, orchestrés par une classe politique qui persiste à penser la société de demain à la lumière d’idéologies nées au dix-neuvième siècle.
Le diagnostic est pourtant d’une accablante simplicité : l’Europe a raté la révolution numérique.
Retrouver une Europe unifiée, dynamique et ambitieuse
Est-ce trop tard ? La donnée est le minerai de l’économie du XXIème siècle. Ce gisement inépuisable inlassablement nourri par les internautes fournit le carburant de l’économie numérique. Avec une population estimée à plus de 832 millions (1) et 615 millions d’internautes, le vieux continent dispose de la seconde population mondiale de mineurs numériques, juste derrière la Chine et ses 710 millions (2) d’internautes mais loin devant l’Amérique du Nord qui n’en compte que 266 millions. Tous les spécialistes en intelligence artificielle vous diront qu’à choisir, il vaut mieux privilégier la taille de la base de données à la qualité de l’algorithme supposé l’exploiter. Les bases de données constituées dans le domaine de la santé grâce au modèle de couverture sociale devraient doter les futurs champions européens de la biotechnologie d’un avantage concurrentiel décisif. Il n’est donc pas trop tard !
Nul ne s’étonnera que Donald Trump se félicite du Brexit et encourage la dislocation de l’Europe. Mais ne soyons pas naïfs, seule une Europe unifiée et des accords commerciaux étroits avec l’Europe de l’Est (et demain l’Afrique) peuvent nous permettre de nous repositionner sur l’échiquier mondial du numérique. Il nous faut renouer dans les NBIC (3), avec les ambitions et l’esprit collaboratif qui a prévalu dans l’aéronautique et l’aérospatiale dans les années 1970 ou dans la radionavigation à l’aube des années 2000.
L’urgence n’est pas à « taxer les robots ». La robotique qui menace les emplois peu qualifiés requiert de la mécanique et son coût ne baisse que marginalement. Il suffit, pour s’en convaincre de visiter un entrepôt Amazon où s’affairent eachers, pickers et packers (4) … Aucun robot à l’horizon. L’intelligence artificielle en revanche, n’a nul besoin de mécanique. Son coût est faible comparativement à l’intelligence biologique et menace donc tous les emplois à fort contenus cognitifs. Toutes les professions dont le diagnostic repose sur des informations ou des connaissances sont concernées : médecins généralistes, radiologues, analystes financiers…
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