Mardi 2 Décembre 2008

Pénalités de retard : quitte ou double ?

« Une règle non appliquée est sans doute pire que l’absence de règle »


Thierry Charles
Afin de les rendre plus dissuasives, la loi LME a prévu d’augmenter à compter du 1er janvier 2009, le montant des pénalités de retard en cas de non respect des délais de paiement. Par ailleurs, sous peine de sanction pénale, le fournisseur doit préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles de plein droit le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture (article. L.441-6 du C. com.). Le fournisseur doit également rappeler sur sa facture « le taux des pénalités exigibles le jour suivant la date de règlement inscrite sur la facture »

Ainsi, il y a deux règles pour les pénalités de retard, dont les taux ont été majorés :

- la pénalité plancher : elle ne peut être inférieure à 3 fois le taux d’intérêt légal français (contre 1,5 fois jusqu’à présent) ;
- la pénalité supplétive : elle s’applique si les conditions générales de vente ou le contrat n’ont prévu aucune pénalité ; elle est égale au taux de refinancement de la banque centrale européenne (BCE) plus 10 points (au lieu de ce taux BCE + 8 points jusqu’à présent).

Or, en 2005, les pénalités n’étaient appliquées que dans 11% des cas en France, contre 54% en Allemagne, 39% en Belgique et 25% en Espagne. (1)

A cet égard, il convient de procéder à un petit retour en arrière, afin de rendre compte des conclusions de nos cousins d’outre manche. En effet, le 2 novembre 1998 entrait en vigueur une nouvelle loi britannique sur les délais de paiement, censée s’attaquer à l’une des principales causes de défaillance d’entreprises dans le secteur des PME, qui ployaient alors sous quelque 170 milliards de francs d’impayés.

La secrétaire d’Etat aux PME, Madame Barbara ROCHE, souhaitait protéger les petites entreprises contre les mauvais payeurs en leur garantissant un « intérêt légal » de 8% sur les sommes à recouvrer.(2) A noter que ce texte s’alignait sur le projet de directive européenne, qui ne verrait le jour qu’en 2000 (voir Directive Européenne n°2000/35/CE du 29 juin 2000 (JOCE L 200, p.35).

A l’époque, le directeur de la chambre de commerce britannique, Ian PETERS, doutait déjà de l’efficacité de la loi, compte tenu de la position dominante des grands donneurs d’ordre. Et en effet, il s’agissait bel et bien d’un simple coup d’épée dans l’eau, car un peu moins d’un an après son entrée en vigueur, la plupart des analystes constatait que le nouveau régime punitif avait fait un flop et était resté pratiquement lettre morte.

Une enquête trimestrielle de l’Institut of Credit Management démontrait que seulement 5% des petites entreprises utilisaient la nouvelle loi. Une enquête de l’Association of Chartered Certified Accountants (ACCA) confirmait, en juin 1999, que la plupart des entreprises n’osaient pas utiliser leurs droits à réclamer des intérêts.(3)

Que cela nous serve de leçon, car sur ce point, comme sur bien d’autres, nos amis anglais ont « tiré les premiers ».

(1)A noter que la loi de finances rectificative n°2002-1576 du 30.12.2002-1 autorise à ne comptabiliser que les pénalités de retard encaissées, mais quid demain du risque de voir rétablir la règle de comptabilisation des produits financiers à recevoir dans l’exercice où ils sont nés ?
(2) En sus du niveau de base des taux d’intérêts sur les sommes à recouvrer dans un délai de 30 jours après réception de la facture, sauf autre disposition contractuelle expresse.
(3)Mr Lindsey BURKE de l’Institute of Credit Management expliquait alors que les petites entreprises ne voulaient pas risque de compromettre leurs relations commerciales.



Thierry CHARLES
Docteur en droit
Directeur des Affaires Juridiques d’Allizé-Plasturgie
Membre du Comité des Relations Inter-industrielles de Sous-Traitance (CORIST) au sein de la Fédération de la Plasturgie

t.charles@allize-plasturgie.com

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