Opinion | Claire Calmejane, Caileg "L’IA, révolution ou évolution dans la finance ? Une réflexion sur le passé, le présent et l'avenir"

Claire Calmejane, fondatrice de Caileg et Business Angel au sein de Leia Capital, a profité de la publication du bilan semestriel de l'Observatoire de la Fintech, pour livrer ses réflexions quant à l'apport de l'Intelligence Artificielle dans le secteur de la finance.
Celle qui fut directrice de l'innovation au sein de Société Générale pendant 6 ans, nous a permis de reproduire ici ses propos aussi affutés que pittoresques.
Bonne lecture
Anne-Laure Allain

Je suis assise dans une Waymo (voiture autonome) à San Francisco et je regarde le volant tourner tout seul, me conduisant pendant 15 minutes dans les rues sinueuses, montantes et descendantes de la ville. Quelle innovation captivante qui peut révolutionner notre quotidien!

À ce moment-là, je me demande : quand avons-nous assisté pour la dernière fois à une véritable rupture technologique dans la finance ? Ce qui me vient immédiatement à l'esprit, c'est la crypto-monnaie et les actifs numériques, et tout ce qui a été accompli autour de la création de cette nouvelle forme de monnaie. Que l’on y adhère ou non, elle représente à la fois un monde idéologique et une nouvelle technologie capable de transformer la finance.


Aujourd'hui, on nous parle constamment de l'intelligence artificielle (IA). Mais finalement, quelle est la révolution de l'IA ? En existe-t-il une véritablement ? Ne s'agit-il pas plutôt d'une révolution de la donnée, de la capacité à obtenir des ensembles de données propres et correctes ? Les institutions financières peuvent-elles rivaliser avec les géants de la tech alors qu’elles ne disposent finalement que d’une fraction de ce pool de données et des capacités pour les exploiter ? Comment tout cela va-t-il évoluer ?

Depuis plus de 17 ans, j'ai participé à la transformation de grands groupes à travers le monde. Nous avons d'abord vécu la transformation digitale 1.0, qui consistait simplement à digitaliser les processus physiques comme l'activation d'Internet par courrier, le paiement par Internet ou la consultation de comptes bancaires. Il s'agissait d'une première étape où la rapidité était cruciale. Cela a permis de réaliser des économies significatives et de nouvelles opportunités de ventes croisées et d’acquisitions de prospects sur le digital, générant des profits tout en bénéficiant d’une distribution de masse à moindre [coût grâce au digital.

Ensuite, nous sommes entrés dans la phase 2, marquée par l'émergence du mobile.

Les expériences digitales natives ont pris le devant de la scène, accompagnées de produits conçus spécifiquement pour l'environnement mobile. Cela a engendré des innovations dans la personnalisation (nudging, notifications), une meilleure allocation des finances personnelles (PFM), un changement drastique des systèmes de paiements et l’émergence de modèles de plateforme, des modèles d’affaires qui se rémunèrent sur la distribution et l’effet d’échelle.

Comme le disait Jeff Bezos : "your margin is my opportunity". Résidant au Royaume-Uni à l'époque, j'ai observé la naissance de nouvelles méthodes d'allocations de retraite par exemple.

La phase 3, que nous avons ensuite embrassée, a été la révolution de la donnée.

Le concept de "data first" s'est imposé, avec des modèles comme l'open banking commençant à émerger sous des régulations telles que la PSD2. Ces régulations ont posé des questions cruciales sur la responsabilité et la propriété des données. Parallèlement, des programmes de régulation de la donnée comme le BCBS 239 et le RGPD ont vu le jour, principalement après la crise financière grecque, visant à cartographier les flux de liquidités avec précision.

Le projet BCBS 239, implémenté par les équipes de risque, a permis à ces dernières de grandir et de se structurer sur les sujets de données en complément des gouvernances de modèles qui sont au cœur du modèle bancaire. Parfois, ces projets ont été pris en charge par les équipes IT, qui ont alors dû travailler sur des schémas de datasets, des infrastructures et des logiques IT combinés à la maturité des trajectoires de cloud, plutôt que sur des logiques de flux bancaires.

Ces IA sont bien souvent traitées comme des projets, sans logique de product management ou de feature team, ce qui empêche leur mise à jour régulière et leur scalabilité systématique. Certaines entreprises ont très bien réussi les cas d'usage sans transformer la data, tandis que d'autres ont mis en place des transformations data régulatoires sans nécessairement transformer le business. Avec l'arrivée de la régulation ESG, une transformation supplémentaire de la donnée est en vue. Parmi ces transformations, quelques-unes ont amené de grands succès, comme DBS, Capital One, Lloyds Banking Group, et certains prennent les devants dans la transformation Générative AI, comme JP Morgan (chiffre AI index).

La question demeure sur la rupture et la transformation fondamentale du rôle de la banque par ces technologies. Vu du client, est-ce que ce n’est pas la recombinaison des différents acteurs pour mieux planifier ses finances personnelles et professionnelles, que ce soit un banquier, un CGP, un broker ou un notaire ? On observe une transformation des chaînes de valeur et l’émergence de nouveaux modèles d’affaires avec des plateformes d'allocation de patrimoine et l'usage de l'IA dans la WealthTech et la Comptatech.
Vu de la banque qui a toujours eu pour métier de gérer les risques, est-ce que l’IA permettrait une surveillance en temps réel des flux monétaires pour une allocation équitable ? L'utilisation de technologies améliorant la confidentialité pour un contrôle et une sécurité élevée tout en préservant les droits personnels ? La gestion des risques systémiques ou des impacts environnementaux grâce à une meilleure anticipation des flux ?

Finalement, nous arrivons à une phase 4, une transformation majeure qui prendra 5, 10, voire 15 ans pour arriver à maturité, avec les FinTech en fer de lance.

Une voiture autonome nécessite 100 millions de lignes de code, tandis qu'un core banking system en nécessite entre 10 et 15 millions. La marge à franchir est énorme.

Quand j'arrive à mon hôtel au bord du port de pêcheurs de San Francisco, je pense à l’informatisation des crises, à la traçabilité de la provenance et au suivi digital de la commercialisation. Je ne peux que constater que la nouveauté se marie avec l'ancien, et que nous ne faisons que commencer cette journée de transformation où nous n’avons pas toutes les certitudes.

Claire Calmejane

Diplômée de l'Epita, Claire Calmejane a débuté sa carrière en 2006 dans le département Technology Transformation de Capgemini Consulting. En 2012, elle est recrutée par Lloyds Banking Group, en tant que responsable du Digital delivery au sein de la direction des services en ligne, puis zen devient la directrice de l'Innovation, à 32 ans. Présentée comme une des figures de la féminisation de la tech en Europe, Claire Calmejane portait notamment les investissements de la banque de la Défense dans les fintechs, via le fonds SG Ventures (doté de 400 M€). Elle était également directrice non-exécutive et présidente du comité d'audit de la banque en ligne Boursorama, appartenant au groupe.

A propos de l’Observatoire de la Fintech

L'Observatoire de la Fintech est une Association loi 1901 qui a pour objectif de diffuser la connaissance du secteur de la Fintech en France.
L'Observatoire coopère avec d'autres organismes équivalents à l'International. Il est piloté par un bureau de 10 personnes, opérant dans la Fintech,
dans la Banque, dans l'Assurance et dans le Conseil (www.fintech-metrix.com).
L'activité de l'Observatoire consiste à fournir une veille stratégique à l'ensemble des acteurs de l'éco-système : fintech, fonds d'investissement,
banques assurances, sociétés de gestion d'actif, incubateurs...) à travers la Publication "L'Année de la Fintech" et "Le Semestre de la Fintech" (2
éditions par an) qui sert de référence dans le secteur.
La diffusion de la connaissance s'effectue également par le biais d’intervention de professionnels de l’Observatoire dans le cadre de formations en
entreprise ou de conférences publiques.
L'Observatoire intervient également dans l'enseignement, en intervenant un Semestre par an au MSc Entrepreneurs des Ecoles Polytechnique et
HEC, et au sein du Master Banque-Finance-Technologies 224 de l'Université Paris-Dauphine, notamment.
L’Observatoire de la Fintech

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Mercredi 17 Juillet 2024


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