Marc Touati
Après huit ans d'une présidence Bush qui a causé pas mal de dégâts tant d'un point de vue géopolitique qu'économique et quelques semaines après avoir plongé le monde dans une crise financière historique, les Etats-Unis réalisaient ainsi un virage à 180 degrés. Leur but était principalement de restaurer une image détériorée depuis plusieurs années et, dans le même temps, de retrouver leur rôle de locomotive économique, politique et morale du monde. Barack Obama devenait alors une sorte de « messie » qui allait résoudre tous les problèmes de l'Oncle Sam et, par la même occasion, une grande partie des maux de la planète.
Si, comme d'habitude, les Américains ont été maîtres dans l'art du marketing, leurs espoirs ont été plutôt déçus. Certes, le bilan de mi-mandat d'Obama est loin d'être catastrophique. En effet, la croissance américaine a redémarré et devrait désormais se stabiliser autour des 3 %. De même, la job machine s'est remise en marche et a créé 863 000 emplois nets depuis le début de l'année dans le secteur privé. Pourtant, si ces résultats sont plus que corrects, notamment comparés aux sombres prévisions annoncées par la plupart des économistes à travers le monde en 2009, ils restent également très limités par rapport à ceux qui s'observent habituellement dans une phase de reprise outre-Atlantique.
Cette contre-performance est d'autant plus dommageable, pour ne pas dire inquiétante, que les moyens de relance mis en œuvre ont été pharaoniques : plan de sauvetage des banques de 700 milliards de dollars, plan de relance de 800 milliards de dollars, taux directeurs de la Réserve fédérale américaine à 0 %, planche à billets pour 300 milliards de dollars… A l'évidence, une telle débauche de moyens tranche avec la faiblesse des résultats. En d'autres termes, la forte et légendaire réactivité des acteurs privés américains n'a pas été au rendez-vous. Dès lors, les plans de soutiens publics et monétaires à l'activité n'ont pas généré l'effet accélérateur attendu. Certes, l'investissement des entreprises a redémarré. De même, la consommation a retrouvé une croissance supérieure à 2 %. Mais de telles performances restent bien en deçà de celles observées lors des reprises précédentes et surtout bien inférieures aux espoirs mis dans la politique d'Obama.
Et c'est peut-être là que réside la principale raison du caractère mi-figue mi-raisin de la politique américaine récente : le Président a véhiculé trop d'espoirs. Or, ce dernier n'était malheureusement pas à la hauteur de ces derniers… Pis, il s'est vraisemblablement trompé dans l'analyse de sa victoire. En effet, si les Américains l'ont élu c'est surtout parce qu'ils en avaient assez d'être haïs par une grande partie du globe et parce que les conséquences dramatiques de la faillite sauvage de Lehman Brothers leur avait montré l'amateurisme de l'équipe Bush. Autrement dit, ils voulaient du changement et Obama tombait à pic. En revanche, ils n'ont pas élu ce dernier pour qu'il augmente massivement les dépenses publiques et accroisse fortement l'interventionnisme de l'Etat dans l'économie. Le peuple américain est effectivement attaché au libéralisme économique et surtout à la libre entreprise. A tel point que ce principe a été mentionné dans la Constitution des Etats-Unis.
Dès lors, tout interventionnisme public excessif est perçu comme une atteinte à cette liberté. De plus, sans être de grands devins, les Américains comprennent facilement qu'une augmentation des dépenses publiques et des déficits devra tôt ou tard être financée, c'est-à-dire compensée par un accroissement des impôts. C'est ce que l'on appelle l'équivalence ricardienne (qui tire son nom de l'économiste classique David Ricardo). Or, si la liberté d'entreprendre est limitée et que la pression fiscale risque d'augmenter, les entreprises et les ménages perdent confiance et restent attentistes. Les premières limitent alors leurs investissements, ce qui réduit mécaniquement l'emploi donc les revenus, tandis que les seconds augmentent leur épargne. Ces deux évolutions vont alors freiner mécaniquement la consommation, ce qui limitera encore l'investissement, donc les revenus, tout en accroissant encore l'épargne…
Dans ce cadre, le cercle vertueux de croissance investissement-emploi-consommation, qui a longtemps fait la gloire de l'Oncle Sam, est bridé, ce qui se traduit par la faiblesse actuelle de la reprise. En d'autres termes, en augmentant l'interventionnisme de l'Etat et en limitant le caractère accélérateur de sa relance, Obama a « européanisé » l'économie américaine. Or, comme l'ont montré les dix dernières années, l'Europe n'est absolument pas une « bête de croissance » mais plutôt un modèle de mollesse économique. Porté par sa victoire triomphale, Barack Obama a simplement oublié que les Américains n'étaient pas des Européens et que la force des Etats-Unis résidait justement dans sa réactivité, elle-même liée à un fort esprit d'initiative. Dès que ce dernier est freiné, toute la mécanique de la puissance américaine se grippe.
Voilà pourquoi, les Démocrates risquent de perdre massivement les élections de mi-mandat. Mais paradoxalement, cette défaite pourrait être une chance pour Obama. En effet, cette cohabitation va forcément freiner la « lutte contre le libéralisme ». Libérées de cette crainte, les entreprises vont alors pouvoir investir et embaucher davantage, ce qui permettra enfin d'actionner le cercle vertueux de croissance et de maintenir la progression du PIB américain autour des 3 %, tout en faisant baisser le chômage sous les 9 % dès le début 2011 et certainement sous les 8 % à l'automne 2012. Or, l'histoire américaine a montré qu'en phase de croissance soutenue et surtout de baisse du chômage, le Président en place est toujours réélu. C'est notamment ce qui s'est produit avec Ronald Reagan, Bill Clinton et Georges W. Bush. A l'inverse, en phase de crise et de chômage élevé, les Présidents Carter et Bush Père n'ont pas été réélus. En conclusion, la victoire probable des Républicains aux élections de mi-mandat pourrait permettre à Barack Obama d'être réélu en 2012… Ah ! Lorsque l'économique s'immisce dans le politique…
Marc Touati
Economiste.
Directeur Général de Global Equities.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Si, comme d'habitude, les Américains ont été maîtres dans l'art du marketing, leurs espoirs ont été plutôt déçus. Certes, le bilan de mi-mandat d'Obama est loin d'être catastrophique. En effet, la croissance américaine a redémarré et devrait désormais se stabiliser autour des 3 %. De même, la job machine s'est remise en marche et a créé 863 000 emplois nets depuis le début de l'année dans le secteur privé. Pourtant, si ces résultats sont plus que corrects, notamment comparés aux sombres prévisions annoncées par la plupart des économistes à travers le monde en 2009, ils restent également très limités par rapport à ceux qui s'observent habituellement dans une phase de reprise outre-Atlantique.
Cette contre-performance est d'autant plus dommageable, pour ne pas dire inquiétante, que les moyens de relance mis en œuvre ont été pharaoniques : plan de sauvetage des banques de 700 milliards de dollars, plan de relance de 800 milliards de dollars, taux directeurs de la Réserve fédérale américaine à 0 %, planche à billets pour 300 milliards de dollars… A l'évidence, une telle débauche de moyens tranche avec la faiblesse des résultats. En d'autres termes, la forte et légendaire réactivité des acteurs privés américains n'a pas été au rendez-vous. Dès lors, les plans de soutiens publics et monétaires à l'activité n'ont pas généré l'effet accélérateur attendu. Certes, l'investissement des entreprises a redémarré. De même, la consommation a retrouvé une croissance supérieure à 2 %. Mais de telles performances restent bien en deçà de celles observées lors des reprises précédentes et surtout bien inférieures aux espoirs mis dans la politique d'Obama.
Et c'est peut-être là que réside la principale raison du caractère mi-figue mi-raisin de la politique américaine récente : le Président a véhiculé trop d'espoirs. Or, ce dernier n'était malheureusement pas à la hauteur de ces derniers… Pis, il s'est vraisemblablement trompé dans l'analyse de sa victoire. En effet, si les Américains l'ont élu c'est surtout parce qu'ils en avaient assez d'être haïs par une grande partie du globe et parce que les conséquences dramatiques de la faillite sauvage de Lehman Brothers leur avait montré l'amateurisme de l'équipe Bush. Autrement dit, ils voulaient du changement et Obama tombait à pic. En revanche, ils n'ont pas élu ce dernier pour qu'il augmente massivement les dépenses publiques et accroisse fortement l'interventionnisme de l'Etat dans l'économie. Le peuple américain est effectivement attaché au libéralisme économique et surtout à la libre entreprise. A tel point que ce principe a été mentionné dans la Constitution des Etats-Unis.
Dès lors, tout interventionnisme public excessif est perçu comme une atteinte à cette liberté. De plus, sans être de grands devins, les Américains comprennent facilement qu'une augmentation des dépenses publiques et des déficits devra tôt ou tard être financée, c'est-à-dire compensée par un accroissement des impôts. C'est ce que l'on appelle l'équivalence ricardienne (qui tire son nom de l'économiste classique David Ricardo). Or, si la liberté d'entreprendre est limitée et que la pression fiscale risque d'augmenter, les entreprises et les ménages perdent confiance et restent attentistes. Les premières limitent alors leurs investissements, ce qui réduit mécaniquement l'emploi donc les revenus, tandis que les seconds augmentent leur épargne. Ces deux évolutions vont alors freiner mécaniquement la consommation, ce qui limitera encore l'investissement, donc les revenus, tout en accroissant encore l'épargne…
Dans ce cadre, le cercle vertueux de croissance investissement-emploi-consommation, qui a longtemps fait la gloire de l'Oncle Sam, est bridé, ce qui se traduit par la faiblesse actuelle de la reprise. En d'autres termes, en augmentant l'interventionnisme de l'Etat et en limitant le caractère accélérateur de sa relance, Obama a « européanisé » l'économie américaine. Or, comme l'ont montré les dix dernières années, l'Europe n'est absolument pas une « bête de croissance » mais plutôt un modèle de mollesse économique. Porté par sa victoire triomphale, Barack Obama a simplement oublié que les Américains n'étaient pas des Européens et que la force des Etats-Unis résidait justement dans sa réactivité, elle-même liée à un fort esprit d'initiative. Dès que ce dernier est freiné, toute la mécanique de la puissance américaine se grippe.
Voilà pourquoi, les Démocrates risquent de perdre massivement les élections de mi-mandat. Mais paradoxalement, cette défaite pourrait être une chance pour Obama. En effet, cette cohabitation va forcément freiner la « lutte contre le libéralisme ». Libérées de cette crainte, les entreprises vont alors pouvoir investir et embaucher davantage, ce qui permettra enfin d'actionner le cercle vertueux de croissance et de maintenir la progression du PIB américain autour des 3 %, tout en faisant baisser le chômage sous les 9 % dès le début 2011 et certainement sous les 8 % à l'automne 2012. Or, l'histoire américaine a montré qu'en phase de croissance soutenue et surtout de baisse du chômage, le Président en place est toujours réélu. C'est notamment ce qui s'est produit avec Ronald Reagan, Bill Clinton et Georges W. Bush. A l'inverse, en phase de crise et de chômage élevé, les Présidents Carter et Bush Père n'ont pas été réélus. En conclusion, la victoire probable des Républicains aux élections de mi-mandat pourrait permettre à Barack Obama d'être réélu en 2012… Ah ! Lorsque l'économique s'immisce dans le politique…
Marc Touati
Economiste.
Directeur Général de Global Equities.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com