Patrick d’Humières
Confrontés au défi de maîtrise des manettes des finances publiques, prises entre les indispensables budgets de relance et les mécanismes de redistribution à bout de souffle, les démocraties sont obligées d’en appeler au patriotisme économique pour se relégitimer. Derrière cette contradiction apparente entre plus de libéralisme interne et moins de libéralisme externe, les dirigeants du moment font passer trois messages fondamentaux : celui du besoin d’efficacité de la gestion publique qui s’est trop dissoute dans les collaborations internationales ; celui de la confiance dans l’entrepreneuriat qui doit se faire chez soi en tuant toutes les rigidités de l’Etat Providence et enfin le besoin d’un nouveau pacte avec les investisseurs pour qu’ils s’intéressent à leur base et pas seulement aux comptes off-shore !
Les GAFA ont beau se réfugier derrière leur contribution incontestable à l’innovation, ils ne pourront défendre longtemps leur démarche d’évasion fiscale et d’oligople défiant les politiques, maintenant que les accords OCDE (BEPS) ont remis à sa bonne place le principe de l’impôt dans le pays d’activité. L’enjeu est aujourd’hui celui de l’indispensable harmonisation des assiettes de l’IS, première condition de la baisse des taux qui devient le nouveau terrain du dumping, si on en croit les annonces faites. Ce mouvement, combiné à un transfert historique des charges du travail vers la consommation qui est partout en marche, ne sera pas compris par les opinions publiques. Or, il peut effectivement contribuer à la relance de l’investissement, à une condition : ne peut plus continuer à imposer au même taux la multinationale qui sait gérer ses prix de transfert et la PME qui dépend totalement de son bassin d’emploi ! Le taux unique d’IS est un taux inique. C’est même un mécanisme anti-économique ! Il faut faire coïncider l’entreprise avec son terrain de jeu humain
De fait, l’impact local d’une entreprise dépend de son modèle dans la zone où elle prospère ; elle peut se contenter de profiter des infrastructures et des compétences financées par la collectivité et ne rien payer en retour, à part quelques achats locaux et une gestion serrée de l’emploi ; c’est ce qu’on appellera les externalités positives ; mais elle fait aussi porter au territoire des externalités négatives qu’on retrouve rarement dans les bilans, comme les effets induits des accidents, des pollutions, des déchets non traités, des licenciements non gérés, des importations faciles et des rapatriements de dividendes etc..On ne mesure pas aujourd’hui ce solde et on se contente la plupart du temps de communiquer sur les éléments positifs et leur amplitude, sans regarder la réalité en face. Il y a là un terrain de recherche et de standardisation à faire émerger pour refonder les fiscalités économiques sur des bases objectives, complètes, universelles, qui traduisent la part de création de valeur donnée au territoire au regard de celle crée par l’entreprise au global. L’assise de l’IS doit pour partie se fonder désormais sur cette contribution réelle à l’économie territoriale, pour substituer des contrats de collaboration entre les territoires et les entreprises au plus offrant de moins d’impôt !
Cette thèse fera son chemin dans le sillage de la responsabilité d’entreprise et donnera même son vrai sens économique à la RSE dans le futur. Nous n’en doutons pas, car c’est le prolongement logique du concept de durabilité qui se décline par pays ou zone d’activité et dont la RSE constitue un outil privilégié. On sait néanmoins qu’elle devra lever deux obstacles idéologiques pour faire son chemin. Le premier est celui de la mondialisation libérale qui dans le fil de l’Ecole de Chicago privilégie la seule partie prenante investisseur, sans vouloir considérer la question de la répartition de la valeur et de son évolution. Toutefois, les « souverainistes » sont en train de porter une estocade à cette approche simpliste. Le second obstacle est encore plus politique car il questionne « la patrie » d’origine de l’entreprise internationale ; celle -ci doit-elle devenir apatride, comme certains l’ont promu en parlant d’une « entreprise sans pays », comme on a parlé d’une « entreprise sans usine » : « hors sol » ! Le concept est une facilité qui vise en réalité à s’exonérer de ses responsabilités locales, d’autant plus que « le droit international d’opérer » n’existe pas vraiment et qu’à part quelques jurisprudences, quelques textes incitatifs (OCDE), l’entreprise mondiale n’est juridiquement qu’une somme de filiales qui se jouent des écarts de droits locaux. Certes, le mouvement se « durcit » à travers la montée des due diligences sur les droits humains, les responsabilités sociales et écologiques, mais on est encore loin de disposer d’un cadre universel de responsabilité de l’entreprise internationale, réclamé par les ONG, les syndicats et les citoyens.
Avec le retour du protectionnisme, la pression inéluctable de l’enjeu climatique et la montée du chômage structurel, l’équité des conditions de concurrence, sociales, environnementales et sociétales au sens large, ne pourra se faire aux frontières que sur des points objectifs et consensuels de base : le respect des droits humains partagés (principes Ruggie et conventions OIT), la composante carbone dans la trajectoire des 2°C, l’exigence de santé, etc…Il faudra donc inciter par le biais de l’impôt local l’implication de l’entreprise autour d’objectifs d’emploi, de formation, de sécurité, de respect de l’environnement etc.. L’IS ainsi revu a vocation à permettre aux entreprises de négocier leur « patriotisme », en privilégiant leur territoire d’origine comme il se doit et les pays où elles veulent investir durablement. En revanche, les « comptoirs commerciaux » qui ont une stratégie « take the money and run » seront imposables au taux plein !
Le pari est que le lien entre la liberté des échanges et la responsabilité locale des entreprises se fera par l’impôt sur les résultats, seule base économique légitime pour mesurer la part de création de valeur durable d’un groupe sur un territoire donné. Il faut aller au-delà des démarches empathiques de philanthropie et des codes de bonne conduite, estimables, qui constituent des balises mais non des stratégies de durabilité ; le moment est venu de rechercher un modèle équilibré entre les diverses parties prenantes et de le traiter pays par pays, en faisant des « deals contractuels, gagnant gagnant. Cette réflexion a été ouverte par certains groupes pionniers et commence à intéresser les organisations internationales pour faire sortir la RSE de l’incantation et lui trouver une valeur économique partagée ; ce que Jean-Michel Severino, administrateur de Danone et Orange, appelle très justement «repenser l’impact des entreprises sur les questions d’intérêt général ».
Les GAFA ont beau se réfugier derrière leur contribution incontestable à l’innovation, ils ne pourront défendre longtemps leur démarche d’évasion fiscale et d’oligople défiant les politiques, maintenant que les accords OCDE (BEPS) ont remis à sa bonne place le principe de l’impôt dans le pays d’activité. L’enjeu est aujourd’hui celui de l’indispensable harmonisation des assiettes de l’IS, première condition de la baisse des taux qui devient le nouveau terrain du dumping, si on en croit les annonces faites. Ce mouvement, combiné à un transfert historique des charges du travail vers la consommation qui est partout en marche, ne sera pas compris par les opinions publiques. Or, il peut effectivement contribuer à la relance de l’investissement, à une condition : ne peut plus continuer à imposer au même taux la multinationale qui sait gérer ses prix de transfert et la PME qui dépend totalement de son bassin d’emploi ! Le taux unique d’IS est un taux inique. C’est même un mécanisme anti-économique ! Il faut faire coïncider l’entreprise avec son terrain de jeu humain
De fait, l’impact local d’une entreprise dépend de son modèle dans la zone où elle prospère ; elle peut se contenter de profiter des infrastructures et des compétences financées par la collectivité et ne rien payer en retour, à part quelques achats locaux et une gestion serrée de l’emploi ; c’est ce qu’on appellera les externalités positives ; mais elle fait aussi porter au territoire des externalités négatives qu’on retrouve rarement dans les bilans, comme les effets induits des accidents, des pollutions, des déchets non traités, des licenciements non gérés, des importations faciles et des rapatriements de dividendes etc..On ne mesure pas aujourd’hui ce solde et on se contente la plupart du temps de communiquer sur les éléments positifs et leur amplitude, sans regarder la réalité en face. Il y a là un terrain de recherche et de standardisation à faire émerger pour refonder les fiscalités économiques sur des bases objectives, complètes, universelles, qui traduisent la part de création de valeur donnée au territoire au regard de celle crée par l’entreprise au global. L’assise de l’IS doit pour partie se fonder désormais sur cette contribution réelle à l’économie territoriale, pour substituer des contrats de collaboration entre les territoires et les entreprises au plus offrant de moins d’impôt !
Cette thèse fera son chemin dans le sillage de la responsabilité d’entreprise et donnera même son vrai sens économique à la RSE dans le futur. Nous n’en doutons pas, car c’est le prolongement logique du concept de durabilité qui se décline par pays ou zone d’activité et dont la RSE constitue un outil privilégié. On sait néanmoins qu’elle devra lever deux obstacles idéologiques pour faire son chemin. Le premier est celui de la mondialisation libérale qui dans le fil de l’Ecole de Chicago privilégie la seule partie prenante investisseur, sans vouloir considérer la question de la répartition de la valeur et de son évolution. Toutefois, les « souverainistes » sont en train de porter une estocade à cette approche simpliste. Le second obstacle est encore plus politique car il questionne « la patrie » d’origine de l’entreprise internationale ; celle -ci doit-elle devenir apatride, comme certains l’ont promu en parlant d’une « entreprise sans pays », comme on a parlé d’une « entreprise sans usine » : « hors sol » ! Le concept est une facilité qui vise en réalité à s’exonérer de ses responsabilités locales, d’autant plus que « le droit international d’opérer » n’existe pas vraiment et qu’à part quelques jurisprudences, quelques textes incitatifs (OCDE), l’entreprise mondiale n’est juridiquement qu’une somme de filiales qui se jouent des écarts de droits locaux. Certes, le mouvement se « durcit » à travers la montée des due diligences sur les droits humains, les responsabilités sociales et écologiques, mais on est encore loin de disposer d’un cadre universel de responsabilité de l’entreprise internationale, réclamé par les ONG, les syndicats et les citoyens.
Avec le retour du protectionnisme, la pression inéluctable de l’enjeu climatique et la montée du chômage structurel, l’équité des conditions de concurrence, sociales, environnementales et sociétales au sens large, ne pourra se faire aux frontières que sur des points objectifs et consensuels de base : le respect des droits humains partagés (principes Ruggie et conventions OIT), la composante carbone dans la trajectoire des 2°C, l’exigence de santé, etc…Il faudra donc inciter par le biais de l’impôt local l’implication de l’entreprise autour d’objectifs d’emploi, de formation, de sécurité, de respect de l’environnement etc.. L’IS ainsi revu a vocation à permettre aux entreprises de négocier leur « patriotisme », en privilégiant leur territoire d’origine comme il se doit et les pays où elles veulent investir durablement. En revanche, les « comptoirs commerciaux » qui ont une stratégie « take the money and run » seront imposables au taux plein !
Le pari est que le lien entre la liberté des échanges et la responsabilité locale des entreprises se fera par l’impôt sur les résultats, seule base économique légitime pour mesurer la part de création de valeur durable d’un groupe sur un territoire donné. Il faut aller au-delà des démarches empathiques de philanthropie et des codes de bonne conduite, estimables, qui constituent des balises mais non des stratégies de durabilité ; le moment est venu de rechercher un modèle équilibré entre les diverses parties prenantes et de le traiter pays par pays, en faisant des « deals contractuels, gagnant gagnant. Cette réflexion a été ouverte par certains groupes pionniers et commence à intéresser les organisations internationales pour faire sortir la RSE de l’incantation et lui trouver une valeur économique partagée ; ce que Jean-Michel Severino, administrateur de Danone et Orange, appelle très justement «repenser l’impact des entreprises sur les questions d’intérêt général ».
Patrick d'Humières
Consultant, expert dans les relations entreprises et Société depuis le début de sa carrière ; spécialiste du management de la RSE et du développement durable, engagé dans les grandes initiatives depuis leur origine (Global Compact, IIRC, Iso 26000….).
Actuellement Senior advisor chez EY Fondateur de l’INSTITUT RSE management, société de conseil en reporting extra-financier, en formation et conseil en organisation des politiques RSE des entreprises, qui assiste des entreprises françaises, européennes et internationales, avec une activité en Suisse et en Afrique, aujourd’hui intégré au réseau EY
Biographie
Consultant, expert dans les relations entreprises et Société depuis le début de sa carrière ; spécialiste du management de la RSE et du développement durable, engagé dans les grandes initiatives depuis leur origine (Global Compact, IIRC, Iso 26000….).
Actuellement Senior advisor chez EY Fondateur de l’INSTITUT RSE management, société de conseil en reporting extra-financier, en formation et conseil en organisation des politiques RSE des entreprises, qui assiste des entreprises françaises, européennes et internationales, avec une activité en Suisse et en Afrique, aujourd’hui intégré au réseau EY
Biographie
Les médias du groupe Finyear
Lisez gratuitement :
FINYEAR
Le quotidien Finyear :
- Finyear Quotidien
Sa newsletter quotidienne :
- Finyear Newsletter
Recevez chaque matin par mail la newsletter Finyear, une sélection quotidienne des meilleures infos et expertises en Finance innovation & Digital transformation.
Ses 5 lettres mensuelles digitales :
- Le Directeur Financier
- Le Trésorier
- Le Credit Manager
- The Chief FinTech Officer
- The Chief Digital Officer
Finyear magazine trimestriel digital :
- Finyear Magazine
Un seul formulaire d'abonnement pour choisir de recevoir un ou plusieurs médias Finyear
BLOCKCHAIN DAILY NEWS
Le quotidien Blockchain Daily News :
- Blockchain Daily News
Sa newsletter quotidienne :
- Blockchain Daily News Newsletter
Recevez chaque matin par mail la newsletter Blockchain daily News, une sélection quotidienne des meilleures infos et expertises en Blockchain révolution.
Sa lettre mensuelle digitale :
- The Chief Blockchain Officer
FINYEAR
Le quotidien Finyear :
- Finyear Quotidien
Sa newsletter quotidienne :
- Finyear Newsletter
Recevez chaque matin par mail la newsletter Finyear, une sélection quotidienne des meilleures infos et expertises en Finance innovation & Digital transformation.
Ses 5 lettres mensuelles digitales :
- Le Directeur Financier
- Le Trésorier
- Le Credit Manager
- The Chief FinTech Officer
- The Chief Digital Officer
Finyear magazine trimestriel digital :
- Finyear Magazine
Un seul formulaire d'abonnement pour choisir de recevoir un ou plusieurs médias Finyear
BLOCKCHAIN DAILY NEWS
Le quotidien Blockchain Daily News :
- Blockchain Daily News
Sa newsletter quotidienne :
- Blockchain Daily News Newsletter
Recevez chaque matin par mail la newsletter Blockchain daily News, une sélection quotidienne des meilleures infos et expertises en Blockchain révolution.
Sa lettre mensuelle digitale :
- The Chief Blockchain Officer