Faite de ruptures aussi brutales que nombreuses, la période actuelle est inédite par bien des aspects. Ces exemples de « disruption » abondent. C’est aujourd’hui la première fois que les jeunes générations sont en mesure d’expliquer le monde (ou en tout cas, une partie) à leurs parents. C’est aujourd’hui la première fois que les centres de R&D se déplacent dans les pays émergents, qui ont définitivement perdu leur qualificatif méprisant de « tiers-monde ». C’est aujourd’hui la première fois que les médias traditionnels se frottent à une caisse de résonnance aussi infinie dans sa portée que le web… Si ces mutations modifient en profondeur l’économie mondiale, elles impactent en retour la hiérarchie des marchés financiers et remettent en question la composition des grands indices boursiers qui sont censés les refléter.
Prenons le CAC40. Trois de ses principaux candidats au départ sont Alcatel-Lucent, STMicroelectronics et PSA. Parmi leurs remplaçants possibles figurent notamment Dassault Systems, Gemalto et Zodiac. Cette perspective est tout à fait plausible, les dernières dépassant désormais largement les premières en termes de capitalisation. Mais comment les futurs sortants se sont-ils fait dépasser par ces possibles entrants ? La qualité de la gestion n’a rien à voir là-dedans, pas plus que la qualité de l’expertise technique. Globalement bien organisés, ces groupes sont en effet composés d’armées d’ingénieurs et de centres de R&D tout aussi performants. En réalité, les candidats au départ doivent leur déclassement à leur seul positionnement. Faute d’avoir décelé suffisamment tôt les conséquences déflationnistes de l’hyperconcurrence actuellement à l’œuvre et de la force de frappe du nouveau monde, ils n’ont pas su se projeter sur les bonnes trajectoires de croissance.
Des acteurs incontournables sur des marchés qu’ils ont contribué à façonner
Ces changements militent donc pour une nouvelle grille de lecture des groupes cotés, dont la proposition actionnariale repose plus que jamais sur la combinaison de deux facteurs-clés de succès indissociables. La première force d’un groupe réside dans la vision précoce que se sont forgés ses dirigeants sur l’évolution de leur marché, puis dans sa déclinaison en un chemin de croissance rentable (application de la bonne gamme de produits, voire du bon modèle économique, au bon marché). La seconde force provient de la protection de cette trajectoire via la mise en place de barrières à l’entrée difficilement franchissables (avance technologique, savoir-faire protégé, marque forte, référencement par les grands donneurs d’ordre…). Reprenons nos exemples. Leader mondial de la sécurité numérique, Gemalto est un des très rares prestataires externes à avoir convaincu le secteur financier de lui confier la gestion de données clients hautement sensibles. Zodiac bénéficie de certifications sur des normes tellement complexes qu’elles sont devenues référentes pour l’ensemble des acteurs du secteur aéronautique à travers le monde. Quant à Dassault Systems, son offre logicielle a atteint une complexité et une adaptation aux usages telles qu’elle apparaît difficilement rattrapable pour un nouvel entrant. A chaque fois, ces groupes sont devenus des acteurs incontournables sur des marchés qu’ils ont contribué à façonner de toutes pièces en imposant leur pricing power. Une différence de taille avec nos trois candidats au départ, qui sont restés des acteurs peu différenciés sur des marchés ouverts et matures.
La voilà, la grande leçon. Si la composition du CAC40 a globalement peu évolué depuis sa création, la rapidité et la brutalité des grandes mutations aujourd’hui à l’œuvre dans l’économie mondiale vont accélérer la ségrégation de la cote entre les valeurs qui courent derrière leur marché et celles qui participent pleinement à la définition de ce nouveau monde. La marche des affaires ne sera plus jamais comme avant. Le CAC40 non plus.
Texte signé par Gérard Moulin, gérant du fonds Delubac Exceptions Pricing Power
Prenons le CAC40. Trois de ses principaux candidats au départ sont Alcatel-Lucent, STMicroelectronics et PSA. Parmi leurs remplaçants possibles figurent notamment Dassault Systems, Gemalto et Zodiac. Cette perspective est tout à fait plausible, les dernières dépassant désormais largement les premières en termes de capitalisation. Mais comment les futurs sortants se sont-ils fait dépasser par ces possibles entrants ? La qualité de la gestion n’a rien à voir là-dedans, pas plus que la qualité de l’expertise technique. Globalement bien organisés, ces groupes sont en effet composés d’armées d’ingénieurs et de centres de R&D tout aussi performants. En réalité, les candidats au départ doivent leur déclassement à leur seul positionnement. Faute d’avoir décelé suffisamment tôt les conséquences déflationnistes de l’hyperconcurrence actuellement à l’œuvre et de la force de frappe du nouveau monde, ils n’ont pas su se projeter sur les bonnes trajectoires de croissance.
Des acteurs incontournables sur des marchés qu’ils ont contribué à façonner
Ces changements militent donc pour une nouvelle grille de lecture des groupes cotés, dont la proposition actionnariale repose plus que jamais sur la combinaison de deux facteurs-clés de succès indissociables. La première force d’un groupe réside dans la vision précoce que se sont forgés ses dirigeants sur l’évolution de leur marché, puis dans sa déclinaison en un chemin de croissance rentable (application de la bonne gamme de produits, voire du bon modèle économique, au bon marché). La seconde force provient de la protection de cette trajectoire via la mise en place de barrières à l’entrée difficilement franchissables (avance technologique, savoir-faire protégé, marque forte, référencement par les grands donneurs d’ordre…). Reprenons nos exemples. Leader mondial de la sécurité numérique, Gemalto est un des très rares prestataires externes à avoir convaincu le secteur financier de lui confier la gestion de données clients hautement sensibles. Zodiac bénéficie de certifications sur des normes tellement complexes qu’elles sont devenues référentes pour l’ensemble des acteurs du secteur aéronautique à travers le monde. Quant à Dassault Systems, son offre logicielle a atteint une complexité et une adaptation aux usages telles qu’elle apparaît difficilement rattrapable pour un nouvel entrant. A chaque fois, ces groupes sont devenus des acteurs incontournables sur des marchés qu’ils ont contribué à façonner de toutes pièces en imposant leur pricing power. Une différence de taille avec nos trois candidats au départ, qui sont restés des acteurs peu différenciés sur des marchés ouverts et matures.
La voilà, la grande leçon. Si la composition du CAC40 a globalement peu évolué depuis sa création, la rapidité et la brutalité des grandes mutations aujourd’hui à l’œuvre dans l’économie mondiale vont accélérer la ségrégation de la cote entre les valeurs qui courent derrière leur marché et celles qui participent pleinement à la définition de ce nouveau monde. La marche des affaires ne sera plus jamais comme avant. Le CAC40 non plus.
Texte signé par Gérard Moulin, gérant du fonds Delubac Exceptions Pricing Power