Mardi 1 Juin 2010
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Ne confondons pas rigueur et assainissement.

C'est donc le nouveau mot à la mode dans la zone euro : rigueur. Ainsi, après trente ans de laxisme et d'augmentation des dépenses publiques (à l'exception de quelques pays courageux qui ont su moderniser leur économie), les Etats de la zone euro ont enfin décidé de réduire leur déficit structurel.


Marc Touati
Cette décision est évidemment louable et surtout indispensable, dans la mesure où, dans l'ensemble de ces pays, la croissance économique générée chaque année ne suffit même pas pour payer les intérêts de la dette publique. Autrement dit, le simple remboursement de la dette requiert d'augmenter le déficit, donc la dette… et le cercle pernicieux n'en finit plus. Du moins jusqu'à ce que la note du pays soit dégradée, avec remontée des taux d'intérêt à la clé, donc aggravation de la charge d'intérêts de la dette et, enfin, généralisation de la crise grecque à la plupart des pays eurolandais.

Bien que cette sombre perspective soit connue depuis des années, il aura fallu attendre que la zone euro soit au bord de l'explosion pour enfin réagir. « Mieux vaut tard que jamais ! » diront certains. Pour autant, on n'efface pas trente ans de mauvaise gouvernance économique en quelques jours. Pis, alors que les marchés et le monde entier ont les yeux rivés sur les choix stratégiques des dirigeants politiques eurolandais, ces derniers rééditent les mêmes erreurs que par le passé, en mettant de nouveau en péril la croissance économique. Car si l'assainissement des finances publiques est indispensable, il ne doit pas non plus « casser » l'activité, sous peine d'augmenter à nouveau les déficits, donc la dette…

Or, bien loin de ce bon sens économique, les pays eurolandais qui ont pour le moment annoncé des plans de rigueur ont tous fait la même erreur : imaginer qu'il suffit d'augmenter les impôts pour réduire le déficit public. La palme de la contre-productivité, pour ne pas dire de l'amateurisme, revient à la Grèce qui, avec la bénédiction du FMI, a notamment annoncé l'augmentation de 2 points de son taux de TVA de 21 % à 23 %. Le problème est que, si déjà avec un taux de TVA à 21 %, l'économie parallèle représente 30 % du PIB grec, quel sommet va-t-elle atteindre avec une TVA de 23 % ?

Mais, dans cette volonté de diminuer les déficits par l'augmentation des impôts, la Grèce est suivie de près par tous les autres pays dits du Club Med, à savoir le Portugal, l'Espagne et l'Italie, qui ont tous décidé d'accroître une pression fiscale déjà prohibitive. La conséquence de ces mesures est donc simple : déjà anémique, voire inexistante pour certains d'entre eux, la croissance va être amputée de 1 à 2 points par an pendant les trois prochaines années. Cette nouvelle décélération ne manquera évidemment pas de réduire les recettes fiscales, via une diminution de l'assiette de ces dernières. De plus, en maintenant le chômage à un niveau élevé, elle accroîtra les dépenses sociales. Et, au final, le déficit public augmentera de nouveau. A l'instar de ce qui s'observe depuis plus de vingt ans, l'écart entre les objectifs annoncés par les Etats eurolandais et les résultats réellement obtenus risque donc d'être énorme. A croire que l'inefficacité de la politique économique fait partie intégrante des gènes eurolandais…

D'ailleurs, en dépit de ces évidences, de plus en plus d'hommes politiques français, tous bords confondus, n'hésitent pas à demander une augmentation des impôts, qui serait, à leurs yeux, la seule solution pour sortir la France du marasme de la dette publique. Certains vont même encore plus loin, en réclamant une augmentation des dépenses publiques pour accompagner la hausse des impôts. Comment peut-on encore avancer de tels arguments ? Surtout si l'on sait que le poids des dépenses publiques dans le PIB de la France est l'un des plus élevés du monde. En 2010, il a même atteint un niveau de 56 %, du jamais vu dans l'histoire économique française depuis l'après-guerre.

Pourtant, en dépit de ces trente ans d'augmentation tendancielle, la croissance structurelle de la France n'a cessé de reculer, le taux de chômage reste élevé et le taux de pauvreté augmente depuis plus de cinq ans. Autrement dit, ces piètres résultats confirment que l'augmentation des dépenses publiques n'est absolument pas une solution viable pour relancer la France sur le chemin d'une croissance forte et durable. Et ce, d'autant que ce laxisme s'accompagne automatiquement d'une aggravation de la pression fiscale, qui porte en elle les germes de la croissance molle.

Le pire est que, même lorsque les dirigeants politiques affirment une volonté farouche de réduire ces dépenses, c'est exactement le contraire que l'on observe. Certes, on pourrait penser que, compte tenu de la gravité de la récession l'an passé, seules les dépenses sociales ont augmenté, ce qui, à la rigueur, pourrait se comprendre. Mais tel n'est pas le cas. Ainsi, en 2009, les dépenses de fonctionnement de l'ensemble des administrations publiques ont augmenté de 4,1 % (c'est-à-dire de 14,4 milliards d'euros) et atteignent un sommet de 367,2 milliards d'euros, soit 34,4 % de l'ensemble des dépenses publiques ! Depuis 2002, elles ont flambé de 3,5 % par an, soit plus du double de l'inflation annuelle moyenne (en l'occurrence 1,7 %). En huit ans, elles ont ainsi explosé de 87,5 milliards d'euros. Et ce, alors qu'à l'instar de leurs prédécesseurs, les ministres du budget successifs nous avaient promis que leur augmentation serait nulle…

Soyons clairs : ce comportement est inacceptable et surtout dangereux, car il n'est pas possible de demander aux Français de se serrer la ceinture alors que les dépenses de fonctionnement des administrations publiques augmentent deux fois plus que l'inflation depuis bientôt dix ans. Plutôt que de vouloir constamment augmenter les impôts en vain, nos dirigeants nationaux et régionaux doivent absolument montrer l'exemple et réduire, ou « à la rigueur » stabiliser, leurs dépenses de fonctionnement. Si ce choix avait été fait et concrétisé dès 2002, la France disposerait aujourd'hui d'une marge de manœuvre potentielle de près de 90 milliards d'euros et serait donc exempte de rigueur.

Plutôt que de se faire les chantres de l'austérité mal placée, les dirigeants français et eurolandais devraient donc engager un véritable assainissement de leurs dépenses. En soutenant la croissance, la baisse de l'euro leur permet d'ailleurs de faire passer cette pilule en douceur sans entraver l'activité. Mais attention, si la crise récente de la zone euro n'est pas utilisée pour enfin mettre un place cet assainissement, il n'est pas sûr qu'une nouvelle chance nous sera donnée lors de la prochaine crise…

Marc Touati
Economiste.
Directeur Général de Global Equities.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).

www.acdefi.com


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