Gilles de Chezelles
Qu’est ce qu’un ‘sachant’ ?
Le ‘sachant’ est celui qui possède des informations ou un savoir et qui refuse de le partager ou, pire, de le voir disparaître. Il développe cette attitude afin de garder un certain pouvoir et de s’y accrocher sans même prendre conscience qu’il est en train de se faire dépasser par l’évolution culturelle ou technologique.
L’existence de sachant est certainement vieille comme le monde et l’on peut penser que le chef de la tribu, pour assurer sa domination sur le groupe et rester en place le plus longtemps possible, l’utilisait déjà à l’époque préhistorique. Et puis au fur et à mesure de l’histoire de l’humanité, l’écriture, le calcul, la science et les technologies ont créés des générations et des générations de sachants.
Quelques exemples de ‘sachants’
Le mode de fonctionnement des sachants du XXIe siècle n’est pas sans rappeler certaines méthodes du Moyen Âge. En effet en cette période lointaine celui qui avait le pouvoir avait, de fait, des droits sur ses sujets comme celui de vie ou de mort sur ses serfs, le droit de cuissage, etc. A la même époque l’Eglise invente l’inquisition qui lui permettra, par la terreur et une certaine forme d’obscurantisme, d’asseoir son pouvoir sur l’Occident.
C’est lors de cette période trouble que Galilée déclara que « l’autorité d’un seul homme compétent, qui donne de bonnes raisons et des preuves certaines, vaut mieux que le consentement unanime de ceux qui n’y comprennent rien ». Bien sur aujourd’hui, dans notre monde civilisé, de tels actes n’existent plus en tant que tels et cela est heureux. Par contre, dans notre société en évolution permanente, les sachants ont substitué au célèbre « je pense donc je suis » de René Descartes, un bien triste « je suis donc je sais ».
Le sachant et l’innovation
Que ce soit un produit ou un service, le passage de la naissance de l’idée à sa diffusion ‘tout public’ passe nécessairement par trois étapes toutes indépendantes les unes des autres. La première est celle du découvreur qui, souvent seul dans son coin, essaie de mettre en forme cette innovation.
Au fur et à mesure que cette innovation devient cohérente et structurée, des disciples se joignent au découvreur permettant ainsi une première présentation auprès de personnes qui vont alors ‘s’approprier’ l’idée. Ceux-ci vont alors ouvrir la seconde période, celle des experts et des spécialistes. L’innovation va alors échapper au découvreur et à ses disciples. Les experts vont maintenant créer un langage ésotérique, des mots et des notions spécifiques qui leur permettront de se reconnaître et de s’identifier entre eux.
Mais le monde évolue et, petit à petit, l’innovation finit par se diffuser un peu partout, puis se vulgariser rendant de ce fait les experts et les spécialistes moins utiles, c’est la troisième étape. Bien sûr pour ces experts, la vulgarisation de l’innovation correspond à une énorme perte de pouvoir.
C’est souvent lors du passage de la phase deux à la phase trois que l’on trouve le plus de spécialistes et des experts qui vont jouer les sachants afin de tenter et d’essayer de garder, par tous les moyens, un pouvoir qui leur échappe en oubliant de mettre en pratique le proverbe chinois qui dit que « le savoir que l’on ne complète pas tous les jours diminue tous les jours ».
Les sachants et l’informatique
Dans le monde de l’informatique, du fait du grand nombre de révolutions et d’évolutions en si peu de temps, les sachants ont vite fait d’être dépassés par les nouvelles technologies émergeantes avec pour conséquence de s’accrocher de plus en plus fort à celles qu’ils connaissent.
S’adapter, se tenir au courant des évolutions et des innovations sont, en informatique, les bases pour éviter de devenir un sachant qui, à très court terme, du fait de la forte fréquence des évolutions et des innovations, va devenir un ‘has been’. Il y a quelques années Jean Gabin chantait une chanson dans laquelle il expliquait qu’après avoir dit toute sa vie « je sais, je sais », il concluait qu’avec le temps il n’avait appris qu’une chose « ce que je sais, c’est que l’on ne sait jamais ».
Des générations de sachants
Ayant régné en maître au sein des entreprises pendant de très nombreuses années, avec des budgets en permanentes évolutions, les responsables informatiques ont tout fait pour protéger leurs prérogatives en réfutant, souvent au nom de la sécurité, les nouvelles technologies émergeantes.
C’est ainsi que de nombreux responsables informatiques des années soixante ont tout fait pour refuser le déploiement de la mini-informatique. Puis ceux des années soixante-dix ont tout fait pour continuer à privilégier le développement d’applications spécifiques en lieu et place des applicatifs standards existant sur le marché. Ceux des années quatre-vingt ont refusé de prendre en compte l’avènement du micro-ordinateur et des standards PC et Mac, préférant garder leurs systèmes informatiques centralisés. Les sachants des années quatre-vingt-dix ont expliqué que la micro-informatique, connectée en réseau puis sur internet, c’était la porte ouverte à tous les maux et à tous les risques. Par correction je ne me m’étendrais pas sur les énormes dépenses liées au fameux ‘bug de l’an deux mille’ !
Les sachants du XXIème siècle
De nos jours avec l’avènement de la micro-informatique, des ordinateurs portables, d’internet ainsi que des évolutions logicielles et technologiques de plus en plus rapide, il devient très difficile de jouer le rôle de sachant sans prendre le risque d’être très rapidement identifié en tant que tel. Mais ne rêvons pas, quels que soient les technologies et les applicatifs, les sachants trouveront toujours des niches ou ils pourront, en toute impunité, exercer leurs coûteux talents.
Les sachants, une espèce en voie de disparition ?
S’il est vrai que le nombre de sachants dans le monde de l’informatique diminue du fait du nombre de plus en plus croissant d’utilisateurs réguliers de l’informatique et d’internet, ceux-ci ont migrés vers des mondes plus ‘fermé’ et plus ‘ésotérique’ et leurs interventions sont toujours aussi coûteuses.
Quel que soit votre métier et votre savoir, pour repérer ces sachants il vous suffit de garder en mémoire la phrase d’Albert Einstein : « Si vous ne pouvez pas expliquer un concept à un enfant de 6 ans, c’est que vous ne le comprenez pas complètement ».
Gilles de Chezelles
Mail : gdc@ag-pm.com
Site : www.ag-pm.com
Le ‘sachant’ est celui qui possède des informations ou un savoir et qui refuse de le partager ou, pire, de le voir disparaître. Il développe cette attitude afin de garder un certain pouvoir et de s’y accrocher sans même prendre conscience qu’il est en train de se faire dépasser par l’évolution culturelle ou technologique.
L’existence de sachant est certainement vieille comme le monde et l’on peut penser que le chef de la tribu, pour assurer sa domination sur le groupe et rester en place le plus longtemps possible, l’utilisait déjà à l’époque préhistorique. Et puis au fur et à mesure de l’histoire de l’humanité, l’écriture, le calcul, la science et les technologies ont créés des générations et des générations de sachants.
Quelques exemples de ‘sachants’
Le mode de fonctionnement des sachants du XXIe siècle n’est pas sans rappeler certaines méthodes du Moyen Âge. En effet en cette période lointaine celui qui avait le pouvoir avait, de fait, des droits sur ses sujets comme celui de vie ou de mort sur ses serfs, le droit de cuissage, etc. A la même époque l’Eglise invente l’inquisition qui lui permettra, par la terreur et une certaine forme d’obscurantisme, d’asseoir son pouvoir sur l’Occident.
C’est lors de cette période trouble que Galilée déclara que « l’autorité d’un seul homme compétent, qui donne de bonnes raisons et des preuves certaines, vaut mieux que le consentement unanime de ceux qui n’y comprennent rien ». Bien sur aujourd’hui, dans notre monde civilisé, de tels actes n’existent plus en tant que tels et cela est heureux. Par contre, dans notre société en évolution permanente, les sachants ont substitué au célèbre « je pense donc je suis » de René Descartes, un bien triste « je suis donc je sais ».
Le sachant et l’innovation
Que ce soit un produit ou un service, le passage de la naissance de l’idée à sa diffusion ‘tout public’ passe nécessairement par trois étapes toutes indépendantes les unes des autres. La première est celle du découvreur qui, souvent seul dans son coin, essaie de mettre en forme cette innovation.
Au fur et à mesure que cette innovation devient cohérente et structurée, des disciples se joignent au découvreur permettant ainsi une première présentation auprès de personnes qui vont alors ‘s’approprier’ l’idée. Ceux-ci vont alors ouvrir la seconde période, celle des experts et des spécialistes. L’innovation va alors échapper au découvreur et à ses disciples. Les experts vont maintenant créer un langage ésotérique, des mots et des notions spécifiques qui leur permettront de se reconnaître et de s’identifier entre eux.
Mais le monde évolue et, petit à petit, l’innovation finit par se diffuser un peu partout, puis se vulgariser rendant de ce fait les experts et les spécialistes moins utiles, c’est la troisième étape. Bien sûr pour ces experts, la vulgarisation de l’innovation correspond à une énorme perte de pouvoir.
C’est souvent lors du passage de la phase deux à la phase trois que l’on trouve le plus de spécialistes et des experts qui vont jouer les sachants afin de tenter et d’essayer de garder, par tous les moyens, un pouvoir qui leur échappe en oubliant de mettre en pratique le proverbe chinois qui dit que « le savoir que l’on ne complète pas tous les jours diminue tous les jours ».
Les sachants et l’informatique
Dans le monde de l’informatique, du fait du grand nombre de révolutions et d’évolutions en si peu de temps, les sachants ont vite fait d’être dépassés par les nouvelles technologies émergeantes avec pour conséquence de s’accrocher de plus en plus fort à celles qu’ils connaissent.
S’adapter, se tenir au courant des évolutions et des innovations sont, en informatique, les bases pour éviter de devenir un sachant qui, à très court terme, du fait de la forte fréquence des évolutions et des innovations, va devenir un ‘has been’. Il y a quelques années Jean Gabin chantait une chanson dans laquelle il expliquait qu’après avoir dit toute sa vie « je sais, je sais », il concluait qu’avec le temps il n’avait appris qu’une chose « ce que je sais, c’est que l’on ne sait jamais ».
Des générations de sachants
Ayant régné en maître au sein des entreprises pendant de très nombreuses années, avec des budgets en permanentes évolutions, les responsables informatiques ont tout fait pour protéger leurs prérogatives en réfutant, souvent au nom de la sécurité, les nouvelles technologies émergeantes.
C’est ainsi que de nombreux responsables informatiques des années soixante ont tout fait pour refuser le déploiement de la mini-informatique. Puis ceux des années soixante-dix ont tout fait pour continuer à privilégier le développement d’applications spécifiques en lieu et place des applicatifs standards existant sur le marché. Ceux des années quatre-vingt ont refusé de prendre en compte l’avènement du micro-ordinateur et des standards PC et Mac, préférant garder leurs systèmes informatiques centralisés. Les sachants des années quatre-vingt-dix ont expliqué que la micro-informatique, connectée en réseau puis sur internet, c’était la porte ouverte à tous les maux et à tous les risques. Par correction je ne me m’étendrais pas sur les énormes dépenses liées au fameux ‘bug de l’an deux mille’ !
Les sachants du XXIème siècle
De nos jours avec l’avènement de la micro-informatique, des ordinateurs portables, d’internet ainsi que des évolutions logicielles et technologiques de plus en plus rapide, il devient très difficile de jouer le rôle de sachant sans prendre le risque d’être très rapidement identifié en tant que tel. Mais ne rêvons pas, quels que soient les technologies et les applicatifs, les sachants trouveront toujours des niches ou ils pourront, en toute impunité, exercer leurs coûteux talents.
Les sachants, une espèce en voie de disparition ?
S’il est vrai que le nombre de sachants dans le monde de l’informatique diminue du fait du nombre de plus en plus croissant d’utilisateurs réguliers de l’informatique et d’internet, ceux-ci ont migrés vers des mondes plus ‘fermé’ et plus ‘ésotérique’ et leurs interventions sont toujours aussi coûteuses.
Quel que soit votre métier et votre savoir, pour repérer ces sachants il vous suffit de garder en mémoire la phrase d’Albert Einstein : « Si vous ne pouvez pas expliquer un concept à un enfant de 6 ans, c’est que vous ne le comprenez pas complètement ».
Gilles de Chezelles
Mail : gdc@ag-pm.com
Site : www.ag-pm.com