David Daoud
Nous entendons souvent dire que la technologie blockchain est disruptive, innovante et de rupture. Néanmoins, lorsque nous abordons le sujet blockchain, nous aimons à rappeler que la technologie derrière le bitcoin fête bientôt sa première décennie et le système de cryptographie sous-jacent à cette technologie soufflera bientôt ses vingt bougies. Il convient de remonter le temps afin de comprendre la logique de cette technologie et d’éviter ainsi les explications plutôt techniques qui pullulent déjà ici et là.
Satoshi Nakamoto a introduit en 2008 [1] la notion de bitcoin comme étant un système électronique d’échange de monnaie entre deux acteurs sans passer par l’intermédiaire d’une tierce partie garantissant la qualité et la fiabilité de chaque acteur et la bonne fin de la transaction [2]. Il n y a plus de chambre de compensation ou d’intermédiaire financier. Ceux qui à l’origine donnaient à la monnaie sa force et la garantissaient pour lui permettre d’être utilisée comme une unité de compte ou d’échange étaient voués à se retrouver mis de côté.
Une autre définition de la blockchain serait que qu’il s’agirait d’un grand livre comptable public (base de données) où les transactions (entre plusieurs acteurs) sont cryptées et diffusées auprès de la communauté afin d’être validées en dehors de système financier (on parle de désintermédiation).Satoshi a été le premier à définir le blockchain comme une chaine de blocs, dans laquelle chaque transaction est cryptée pour devenir un bloc. La transaction suivante est à son tour cryptée sur la base du bloc précèdent et ainsi de suite, d’où la notion de chaine de blocs ou Block Chain qui est devenu Blockchain (en un seul mot). La technologie repose donc sur la notion de cryptographie et le système de preuve de travail (de l’anglais « Proof Of Work » ou POW) [3] qui lui-même repose sur le système de Hashcash proposé par Adam Back en 1997… il y a vingt ans. En d’autres termes et selon nous, ce n’est pas la technologie blockchain en elle-même qui est innovante, mais plutôt les perspectives d’utilisation, les idées de produits et services portées par de nouveaux acteurs et notamment dans les secteurs de la banque et de l’assurance.
L’impact de la Blockchain dans l’industrie financière
Pour aller plus loin, nous savons que le système financier/bancaire actuel repose sur la notion de confiance. Les banques traitent ensemble, le plus souvent par le biais d’une chambre de règlement et de compensation (Settlement and clearinghouses) qui a pour rôle de supprimer les risques de contrepartie en assurant le règlement-livraison des transactions. C’est la vision systémique des échanges bancaires.
Du point de vue de la banque, en tant qu’organisation, plusieurs processus de contrôle, d’exécution et de réconciliation permettent de s’assurer du bon déroulement des évènements. On parle souvent de travail de back-office qui est généralement considéré comme centre de coûts pour la banque.
La blockchain promet des économies substantielles pour l’industrie financière d’un point de vue de la réduction des coûts liés à l’infrastructure pour la gestion des paiements internationaux, la négociation de titres et l’assurance de la conformité avec les règlementations. Cela est repris dans la récente étude de la banque Santander [4] qui estime des économies de l’ordre de 15 à 20 milliards par an d’ici 2022.
La banque helvétique UBS [5] estime quant à elle que les applications du blockchain permettraient de réduire les délais des paiements internationaux de 3 à 4 jours aujourd’hui à 15 secondes demain. La banque explique dans son livre blanc que la blockchain permet de passer outre les différents intermédiaires intervenant dans le cheminement d’un paiement international.
Dans l’assurance, les acteurs, traditionnellement vigilants à l’encontre des technologies disruptives, voient également dans le blockchain des opportunités pour accroitre la lutte contrôle la fraude par un accès plus rapide et plus transparent aux données de manière plus automatisée. La gestion des pistes d’audit est améliorée par le fait qu’une même transaction une fois réalisée est partagée et diffusée sur l’ensemble du réseau, ce qui empêche toute modification ou fraude.
Défis et limites
L’utilisation des blockchains ne se fera pas sans effort pour les banques qui feront face à de nombreux challenges. Mais pas seulement, car la technologie elle-même connait des limites qui devront être surmontées afin de pouvoir capitaliser sur sa grande puissance et la portée des solutions en provenant.
Les banques devront être patientes, car il faudra du temps pour passer de la phase d’expérimentation en laboratoire à celle d’industrialisation. L’industrie bancaire et financière étant par nature fortement régulée, d’autres défis que technologiques devront être surmontés .Pour n’en citer que deux, nous mettrons en avant le besoin de standardisation et celui de régulation afin d’éviter toute dérive dans l’utilisation de la blockchain.
Sur ce dernier sujet lie à la règlementation, la Banque de France [6] (BDF) avait notamment édité un rapport sur le danger de la monnaie virtuelle à cause de la difficulté de traçabilité de l’origine des fonds et des risques de blanchiment et de financement du terrorisme. Dans ce cadre, la BDF recommande la régulation de l’activité de conversion de la monnaie virtuelle en monnaie« réelle ».
En comparaison, la réglementation hongkongaise, connue pour être plus flexible, a rappelé que même si la monnaie virtuelle n’est pas directement régulée, elle reste tout de même sous vigilance afin d’éviter les dérives telles que la fraude ou le blanchiment de capitaux [7].
D’un point de vue technologique, des limites existent et sont déjà identifiées. Par exemple la capacité de traitement qui est de l’ordre de 7 transactions par seconde. En comparaison, Visa [8] peut gérer en moyenne 2 000 transactions par seconde avec une capacité en période de pic à gérer de près de 47 000 transactions messages par seconde. Paypal quant à lui est capable de gérer 10 millions de paiements par jour soit une moyenne de 115 transactions par seconde.
Un autre défi technologique de taille est celui de la puissance de calcul requise pour la vérification et la validation des blocs avant leur publication dans le grand livre. La puissance de calcul a un effet direct sur l’utilisation du CPU et la consommation d’énergie requise pour le faire fonctionner.
Conclusion
La blockchain est bien une technologie innovante et ses applications sont disruptives. Mais la blockchain n’est qu’un mot englobant un certain nombre de défis et de contraintes à surmonter afin d’accéder à des bénéfices certains (accroissement de l’efficience opérationnelle et baisse des coûts).
L’industrie financière est prête aujourd’hui à poursuivre ses travaux sur les utilisations de cette technologie. Cela s’est confirmé par le montant des investissements réalisés sur le bitcoin et son futur, estimés dans une étude de Barclays à plus d’un milliard de dollars US à fin 2015 [9].
[1] https://bitcoin.org/bitcoin.pdf
[2] Bitcoin: A Peer-to-Peer Electronic Cash System
[3] http://www.hashcash.org/papers/announce.txt
[4] http://santanderinnoventures.com/wp-content/uploads/2015/06/The-Fintech-2-0-Paper.pdf
[5] https://www.ubs.com/global/en/about_ubs/follow_ubs/highlights/davos-2016.html
[6] http://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/publications/Focus-10-stabilite-financiere.pdf
[7] http://www.info.gov.hk/gia/general/201401/08/P201401080357.htm
[8] http://www.visa.com/blogarchives/us/2013/10/10/stress-test-prepares-visanet-for-the-most-wonderful-time-of-the-year/index.html
[9] https://www.barclayscorporate.com/content/dam/corppublic/corporate/Documents/insight/blockchain_understanding_the_potential.pdf
Satoshi Nakamoto a introduit en 2008 [1] la notion de bitcoin comme étant un système électronique d’échange de monnaie entre deux acteurs sans passer par l’intermédiaire d’une tierce partie garantissant la qualité et la fiabilité de chaque acteur et la bonne fin de la transaction [2]. Il n y a plus de chambre de compensation ou d’intermédiaire financier. Ceux qui à l’origine donnaient à la monnaie sa force et la garantissaient pour lui permettre d’être utilisée comme une unité de compte ou d’échange étaient voués à se retrouver mis de côté.
Une autre définition de la blockchain serait que qu’il s’agirait d’un grand livre comptable public (base de données) où les transactions (entre plusieurs acteurs) sont cryptées et diffusées auprès de la communauté afin d’être validées en dehors de système financier (on parle de désintermédiation).Satoshi a été le premier à définir le blockchain comme une chaine de blocs, dans laquelle chaque transaction est cryptée pour devenir un bloc. La transaction suivante est à son tour cryptée sur la base du bloc précèdent et ainsi de suite, d’où la notion de chaine de blocs ou Block Chain qui est devenu Blockchain (en un seul mot). La technologie repose donc sur la notion de cryptographie et le système de preuve de travail (de l’anglais « Proof Of Work » ou POW) [3] qui lui-même repose sur le système de Hashcash proposé par Adam Back en 1997… il y a vingt ans. En d’autres termes et selon nous, ce n’est pas la technologie blockchain en elle-même qui est innovante, mais plutôt les perspectives d’utilisation, les idées de produits et services portées par de nouveaux acteurs et notamment dans les secteurs de la banque et de l’assurance.
L’impact de la Blockchain dans l’industrie financière
Pour aller plus loin, nous savons que le système financier/bancaire actuel repose sur la notion de confiance. Les banques traitent ensemble, le plus souvent par le biais d’une chambre de règlement et de compensation (Settlement and clearinghouses) qui a pour rôle de supprimer les risques de contrepartie en assurant le règlement-livraison des transactions. C’est la vision systémique des échanges bancaires.
Du point de vue de la banque, en tant qu’organisation, plusieurs processus de contrôle, d’exécution et de réconciliation permettent de s’assurer du bon déroulement des évènements. On parle souvent de travail de back-office qui est généralement considéré comme centre de coûts pour la banque.
La blockchain promet des économies substantielles pour l’industrie financière d’un point de vue de la réduction des coûts liés à l’infrastructure pour la gestion des paiements internationaux, la négociation de titres et l’assurance de la conformité avec les règlementations. Cela est repris dans la récente étude de la banque Santander [4] qui estime des économies de l’ordre de 15 à 20 milliards par an d’ici 2022.
La banque helvétique UBS [5] estime quant à elle que les applications du blockchain permettraient de réduire les délais des paiements internationaux de 3 à 4 jours aujourd’hui à 15 secondes demain. La banque explique dans son livre blanc que la blockchain permet de passer outre les différents intermédiaires intervenant dans le cheminement d’un paiement international.
Dans l’assurance, les acteurs, traditionnellement vigilants à l’encontre des technologies disruptives, voient également dans le blockchain des opportunités pour accroitre la lutte contrôle la fraude par un accès plus rapide et plus transparent aux données de manière plus automatisée. La gestion des pistes d’audit est améliorée par le fait qu’une même transaction une fois réalisée est partagée et diffusée sur l’ensemble du réseau, ce qui empêche toute modification ou fraude.
Défis et limites
L’utilisation des blockchains ne se fera pas sans effort pour les banques qui feront face à de nombreux challenges. Mais pas seulement, car la technologie elle-même connait des limites qui devront être surmontées afin de pouvoir capitaliser sur sa grande puissance et la portée des solutions en provenant.
Les banques devront être patientes, car il faudra du temps pour passer de la phase d’expérimentation en laboratoire à celle d’industrialisation. L’industrie bancaire et financière étant par nature fortement régulée, d’autres défis que technologiques devront être surmontés .Pour n’en citer que deux, nous mettrons en avant le besoin de standardisation et celui de régulation afin d’éviter toute dérive dans l’utilisation de la blockchain.
Sur ce dernier sujet lie à la règlementation, la Banque de France [6] (BDF) avait notamment édité un rapport sur le danger de la monnaie virtuelle à cause de la difficulté de traçabilité de l’origine des fonds et des risques de blanchiment et de financement du terrorisme. Dans ce cadre, la BDF recommande la régulation de l’activité de conversion de la monnaie virtuelle en monnaie« réelle ».
En comparaison, la réglementation hongkongaise, connue pour être plus flexible, a rappelé que même si la monnaie virtuelle n’est pas directement régulée, elle reste tout de même sous vigilance afin d’éviter les dérives telles que la fraude ou le blanchiment de capitaux [7].
D’un point de vue technologique, des limites existent et sont déjà identifiées. Par exemple la capacité de traitement qui est de l’ordre de 7 transactions par seconde. En comparaison, Visa [8] peut gérer en moyenne 2 000 transactions par seconde avec une capacité en période de pic à gérer de près de 47 000 transactions messages par seconde. Paypal quant à lui est capable de gérer 10 millions de paiements par jour soit une moyenne de 115 transactions par seconde.
Un autre défi technologique de taille est celui de la puissance de calcul requise pour la vérification et la validation des blocs avant leur publication dans le grand livre. La puissance de calcul a un effet direct sur l’utilisation du CPU et la consommation d’énergie requise pour le faire fonctionner.
Conclusion
La blockchain est bien une technologie innovante et ses applications sont disruptives. Mais la blockchain n’est qu’un mot englobant un certain nombre de défis et de contraintes à surmonter afin d’accéder à des bénéfices certains (accroissement de l’efficience opérationnelle et baisse des coûts).
L’industrie financière est prête aujourd’hui à poursuivre ses travaux sur les utilisations de cette technologie. Cela s’est confirmé par le montant des investissements réalisés sur le bitcoin et son futur, estimés dans une étude de Barclays à plus d’un milliard de dollars US à fin 2015 [9].
[1] https://bitcoin.org/bitcoin.pdf
[2] Bitcoin: A Peer-to-Peer Electronic Cash System
[3] http://www.hashcash.org/papers/announce.txt
[4] http://santanderinnoventures.com/wp-content/uploads/2015/06/The-Fintech-2-0-Paper.pdf
[5] https://www.ubs.com/global/en/about_ubs/follow_ubs/highlights/davos-2016.html
[6] http://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/publications/Focus-10-stabilite-financiere.pdf
[7] http://www.info.gov.hk/gia/general/201401/08/P201401080357.htm
[8] http://www.visa.com/blogarchives/us/2013/10/10/stress-test-prepares-visanet-for-the-most-wonderful-time-of-the-year/index.html
[9] https://www.barclayscorporate.com/content/dam/corppublic/corporate/Documents/insight/blockchain_understanding_the_potential.pdf
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