Mardi 6 Mars 2007
La rédaction

Les chèques sans provision dans l'espace OHADA

L’une des raisons du caractère confidentiel de la diffusion du chèque comme moyen de paiement en Afrique de l’Ouest est l’absence d’information qui accompagne sa délivrance ainsi que les incidents de paiement qui naissent de son utilisation.


Yves OGAN
De quels recours disposent les victimes du chèque sans provision ?

L'acte uniforme portant sur les moyens de paiement et le règlement de l'UEMOA portant sur les incidents de paiement ont dépénalisé le délit d'émission de chèque sans provisions tout en instituant une sanction civile assortie de pénalités pour la victime.

I – LE DISPOSITIF BANCAIRE

Les systèmes bancaires de l'espace OHADA, qu'ils soient de l'Afrique de l'Ouest ou de l'Afrique centrale, adoptent globalement le même principe qui repose sur la double existence d'un délai de paiement et d'une procédure particulière en cas d'incident de paiement.

A- LES DELAIS DE PAIEMENT

Le règlement de l'UEMOA impose au porteur d'un chèque, un délai de présentation pour encaissement.

En effet, le porteur d'un chèque dispose d'un délai de huit (8) jours pour le présenter en vue du paiement.

Ce délai de 8 jours n'est valable que si le paiement doit s'effectuer au lieu d'émission du chèque.

En effet, à titre d'exemple, pour un chèque émis à Lomé, le titulaire dispose de 8 jours pour le présenter à l'encaissement dans toute banque du territoire togolais.

Le règlement UEMOA a prévu un second délai de présentation pour l'encaissement d'un chèque.

En effet, le porteur d'un chèque émis dans un territoire donné de l'espace bancaire de l'UEMOA dispose d'un délai de vingt (20) jours pour présenter son chèque à l'encaissement, si l'encaissement a lieu dans un pays autre que le pays d'émission du chèque.

A titre d'exemple, le porteur d'un chèque émis à Cotonou (Bénin) dispose du délai de 20 jours pour présenter son chèque à l'encaissement dans une banque sise à Lomé (Togo).

La nécessité de ces délais répond à une exigence d'actualité de la transaction que le chèque est censé payer.

En fait, il est inconcevable pour le titulaire d'un chèque, de le présenter à l'encaissement un an ou deux après la réalisation de la transaction que le chèque est censé payer sans soulever des soupçons quant à la réalité de l'existence de cette opération.

La réalité et l'existence de l'opération commerciale doivent permettre une présentation dans les délais requis, du chèque à la banque tirée.

C'est pourquoi, passé ce délai de présentation, les banques sont en droit de refuser le paiement du chèque ou en exiger sa réactualisation.

En pratique, le caractère commercial de l'activité bancaire ne permet pas un rejet systématique au risque de perdre un client.

Tout au plus, le dépassement du délai de présentation permet des vérifications plus poussées et plus précises avant le paiement du chèque.

B- L'INSUFFISANCE DE PROVISION

Il s'agit d'un incident de paiement de plus en plus courant, du fait de la conjoncture et des disparités économiques entre les états, les entreprises et les particuliers.

Face à une insuffisance de provisions d'un chèque émis par une entreprise ou un particulier, il est important d'avoir en sa possession des pièces nécessaires à l'introduction éventuelle d'une instance judiciaire.

1- les pièces essentielles

L'attestation de rejet du chèque bancaire et le Certificat de non-paiement sont essentiels dans la poursuite du débiteur indélicat.

Ainsi, le banquier tiré qui a refusé le paiement d'un chèque pour défaut ou insuffisance de provision doit délivrer une attestation de rejet au bénéficiaire du chèque, précisant le motif du refus du paiement.

Il s'agit d'une pièce importante que le banquier a l'obligation de délivrer au bénéficiaire du chèque sans provisions et qui permet d'apporter la preuve expresse, devant le juge, du défaut de paiement.

En conséquence, toute personne bénéficiaire d'un tel chèque doit réclamer à la banque tirée, l'attestation de rejet du chèque bancaire délivrée au bénéficiaire.

A l'attestation de rejet, il doit être fourni un certificat de non-paiement du chèque.

En effet, à défaut de paiement du chèque dans les trente (30) jours à compter de la première présentation, la banque a l'obligation de délivrer sans frais, un Certificat de non-paiement au porteur du chèque créancier de l'obligation dont le chèque est censé constituer la contre partie.

Il s'agit d'une pièce essentielle pour éventuellement déclencher une mise en recouvrement car elle a une force juridique propre à elle-même.

En effet, le caractère fondamental du Certificat de non-paiement tient à sa nature juridique car signifiée par exploit d'Huissier, il devient un Commandement de Payer.

2- le choix de la procédure adéquate

Deux procédures mettent en œuvre des règles différentes pour le recouvrement du montant d'un chèque dont la provision s'avère insuffisante :

- le Certificat de non-paiement
- L'injonction de payer.

Selon que le bénéficiaire est commerçant, personne physique ou morale, et que le montant de l'impayé est élevé ou non, les deux procédures concourent au même résultat : la mise en recouvrement du montant dû par le signataire du chèque.

Ainsi, un commerçant ou une société commerciale dans le cadre de l'existence d'un contrat commercial, optera pour la procédure de l'injonction de payer plutôt que la procédure du certificat de non-paiement car dans le cadre d'une relation commerciale contractuelle, il est probable que l'insuffisance de provision cache une contestation au fond du contrat.

II – LES PROCEDURES DE RECOUVREMENT EN CAS D'EMISSION DE CHEQUES SANS PROVISION

A- LE CERTIFICAT DE NON-PAIEMENTT DU CHEQUE

Dans les trente (30) jours qui suivent le rejet d'un chèque pour insuffisance de provision, le défaut de paiement dans ce délai à compter de la date de la première présentation dudit chèque entraîne la délivrance par la banque tirée, au porteur du chèque, d'un Certificat de non-paiement.

Cette délivrance sans frais constitue un acte d'une portée juridique probante car « la notification effective ou la signification du certificat de non-paiement au tireur par ministère d'huissier vaut Commandement de payer. »

L'Huissier de justice, ou toute personne habilitée, qui n'a pas reçu justification du paiement du montant du chèque et des frais, dispose alors d'un délai de dix (10) jours à compter de la réception de la notification pour constater le non-paiement.

L'acte dressé est ensuite remis par le notaire, l'huissier ou la personne habilitée, au GREFFIER du Tribunal Compétent, « qui délivre sans aucun autre acte de procédure et sans frais, un titre exécutoire, qui permet de procéder à toute voie d'exécution dans un délai maximum de 8 jours. »

La particularité de cette procédure repose sur sa simplicité et sa quasi-gratuité ainsi que la nature bancaire du point de départ de l'action.

B- L'INJONCTION DE PAYER

C'est l'autre procédure du recouvrement de créances nées de l'émission d'un chèque dont la provision est insuffisante.

L'injonction de payer est une procédure de l'OHADA, commune à tous les états membre du traité, applicable à une créance liquide certaine et exigible, résultant d'une relation commerciale contractuelle, et surtout résultant « d'un chèque dont la provision s'est révélée inexistante ou insuffisante. »

En matière de chèque sans provision, la procédure de l'injonction de payer représente la procédure la plus adaptée dès lors que les parties en présence sont des commerçants ou des personnes morales, qu'il existe un contrat entre elles, et que le montant de la provision insuffisante est élevé.

Cette procédure permet au créancier, sur simple requête, d'avoir une décision judiciaire portant injonction faite au débiteur de payer ladite somme dans un délai déterminé.

La décision devient exécutoire en l'absence de toute opposition du débiteur ?

La différence notoire entre le commandement de payer issu d'un certificat de non-paiement et l'injonction de payer repose sur le fait que dans le second cas, il faille passer par un juge pour obtenir une décision exécutoire alors que le certificat de non-paiement notifié par huissier vaut décision exécutoire immédiatement.

Nonobstant la simplicité et la rapidité du commandement de payer suite à certificat de non-paiement, le choix des procédures repose sur des critères objectifs et propres à chaque personne.

Yves OGAN
DESS de Juriste d'Affaires Internationales Paris V
Certificat d'Aptitude à la Profession d'Avocat de l'EFB de Paris
http://www.oganconsulting.net

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