Mercredi 24 Octobre 2007
Ludo Vic

Le surendettement des particuliers (Conseil Economique et Social)

La France est un pays singulier où l’épargne est forte et l’endettement des ménages, même s’il a progressé ces dernières années, sensiblement moindre que celui des ménages de la zone euro, du Royaume-Uni ou des États-Unis. Selon l’INSEE en effet en 2006, les ménages continuent de s’endetter à un rythme soutenu tout en accumulant des actifs financiers.


INTRODUCTION
Près de 47 % des ménages étaient endettés à titre privé début 2004, alors qu’ils étaient 43 % début 1992, cette différence étant plutôt due à la diffusion du crédit à la consommation même si le motif principal d’endettement reste l’achat d’une résidence principale.
90 % des crédits sont recouvrés sans incidents, l’Association française des sociétés financières (ASF) chiffre à 8 % les incidents résolus en moins de 60 jours, seuls 2 % des dossiers posent donc réellement problème. Pourtant, la France est, a priori, le pays qui connaît le nombre de ménages surendettés le plus élevé : encore faut-il s’interroger sur ce dernier point, les chiffres en France étant révélés par un dispositif de traitement du surendettement dont d’autres pays ne disposent pas et le concept de ménages devant être précisé.

D’après le baromètre du surendettement élaboré par la Banque de France fin décembre 2006, le nombre total des dossiers déposés dans ses services s’est élevé, de janvier 2002 à décembre 2006, à un peu plus de 865 000, soit en moyenne 173 000 dossiers par an, avec un rythme de croissance de 6,5 %. Pendant cette période, 730 000 dossiers étaient considérés comme présentant un niveau d’endettement manifestement excessif au regard des capacités de remboursement des ménages considérés.

Il convient de préciser que le concept « ménages » recouvre, pour les comptes nationaux, les particuliers et les entrepreneurs individuels alors que les commerçants, les artisans, les agriculteurs sont justiciables de procédures collectives spécifiques pour leurs dettes professionnelles. Les données collectées par la Banque de France, via les commissions de surendettement, concernent des dettes privées.

Le Médiateur de la République, auquel cette nouvelle auto-saisine du Conseil économique et social doit beaucoup, évoque depuis son dernier rapport annuel, des situations de « malendettement ». La nuance est d’importance. De même, le sociologue Georges Gloukoviezoff propose une nouvelle définition : le surendettement concernerait les personnes qui, alors que les rapports sociaux sont de plus en plus financiarisés, rencontrent des difficultés d’accès et d’usage bancaires (en particulier par des emprunts inadaptés), qui les conduisent à ne plus mener une vie sociale normale.

APPROCHES ET DÉFINITIONS DU SURENDETTEMENT
A - L’HISTORIQUE ET LE CONTEXTE DU SURENDETTEMENT

1. Le développement de l’offre de crédit et le traitement législatif du surendettement
Poursuivant des travaux engagés depuis plusieurs mandatures sur les questions d’endettement et de surendettement des ménages (notamment le rapport de l’avis présentés par Jean Christophe Le Duigou en 2000 ainsi que l’avis présenté sur saisine gouvernementale en 2003 sur la procédure de rétablissement personnel), il apparaît nécessaire au Conseil économique et social de mieux traiter les conséquences du surendettement tout en insistant sur l’urgence à prévenir les risques d’insolvabilité. Une trop grande facilité d’obtention de crédits à la consommation, notamment de crédits revolving, conduit certains ménages au surendettement.

1.1. Le développement des crédits à la consommation
Le crédit a été pratiqué de tout temps sous de nombreuses formes mais, comme le rappelait Jean-Christophe Le Duigou dans son rapport précédemment cité, s’il apparaît comme un facteur essentiel du développement de la société industrielle à partir de la fin du XIXe siècle, « il demeure, sous la forme de crédits aux ménages, entouré de beaucoup de réserves ».

Sa première expression moderne date de la fin du XIXe siècle lorsqu’à la naissance des grands magasins parisiens, ont été créées de toutes pièces des sociétés spécialisées dédiées aux achats dans ces espaces nouveaux de distribution. Début XXè, apparaissent les premiers organismes spécialisés dans l’achat de véhicules. Dans les années 1950, des établissements financiers issus du système bancaire, indépendants des fabricants et des commerçants, proposent pour la première fois des crédits dissociés de l’achat (Sofinco, Cetelem). Ces établissements sont de véritables partenaires des vendeurs. Puis, dans le courant des années 1970, grâce à la bancarisation massive de la population et aux nouvelles techniques (informatisation, prélèvements automatiques), les banques généralistes commencent également à distribuer à profusion ce type de crédit en pleine expansion.

Cette abondance de crédit suscite alors de nombreux débats auxquels le Conseil économique et social prend déjà part. La crainte est de voir certaines populations, tentées par ce crédit facile, l’utiliser de manière incontrôlée, mettant en péril leur équilibre budgétaire. Les risques afférents au développement de la société de consommation et de ses outils facilitateurs font l’objet de controverses et nombreux sont les économistes, juristes et acteurs sociaux qui demandent des garde-fous et un encadrement.

Le Conseil national du crédit, créé en 1945, s’est en effet attaché à favoriser l’essor du crédit tout en conservant une réglementation assez rigoureuse. Toutefois, en 1974, le Conseil économique et social dénonce l’iniquité du crédit à la consommation : « Économiquement inorganisé, le crédit à la consommation est aussi socialement inéquitable : les consommateurs qui, en raison de la modicité de leurs revenus, ne peuvent avoir un accès au système bancaire, doivent recourir aux crédits de financement des ventes à tempérament dont les taux peuvent atteindre, pour les crédits les plus faibles, plus du double des taux des prêts bancaires. Les consommateurs qui ne trouvent pas grâce aux yeux des établissements financiers ou dont le niveau d’information est particulièrement bas sont parfois conduits à solliciter des prêts auprès de certaines officines moyennant des taux d’intérêt usuraires et condamnables... »

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Suite dans le rapport PDF téléchargeable ci-dessous.
Source : Conseil Economique et Social - Rapport du 17/10/2007

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