CFO-news : Monsieur Philippe Roca bonjour, vous êtes co-concepteur du projet CFA - Corporate Funding Association. Parlez-nous de ce projet. Pourquoi une nouvelle banque ?
Philippe Roca
Philippe Roca : La crise financière a fait apparaître la nécessité de diversifier les sources de financement des entreprises. Celles qui se reposaient largement, voire exclusivement, sur le marché bancaire traditionnel ne peuvent plus se permettre d’avoir tous leurs œufs dans ce même panier ; les rapprochements entre banques et les discussions sur des exigences accrues en matière de capital réglementaire pour les banques leur font anticiper une attrition mécanique de l’offre de crédit. Cette crainte est d’autant plus forte que se profilent à un horizon de 2 à 4 ans, pour la plupart de ces entreprises, des échéances de crédits bancaires de montants considérables qui ont été consentis pendant les années d’euphorie, et à des conditions de prix sans précédent. Quant aux entreprises déjà largement désintermédiées en matière de crédit, certaines très belles signatures ont mal vécu de devoir payer des marges de crédit de 300 points de base, voire davantage, sur des émissions obligataires à 5 ans, un accroissement bien supérieur aux attentes d’augmentation des défauts; pour ces entreprises-là, plus que la diversification de leurs sources de financement, CFA est outil de pilotage de la volatilité de leur marge de crédit.
A qui s'adresse-t-elle ?
CFA s’adresse à des entreprises de l’économie dite "réelle". Dans le cadre de l’étude formelle que nous lançons à la fin du mois, nos premiers partenaires décideront ce qui rentre dans le champ de cette "économie réelle" ; pour l’instant, nous n’avons pas encore présenté le projet à des foncières ou à des assureurs, par exemple. Compte tenu des coûts de mise en place, nous ne nous adressons également qu’à des groupes dont la capacité d’endettement dépasse les 300 millions d’euros. Afin d’éviter toute déconvenue au moment des cooptations, nous ne sommes jusqu’à présent entré en relation qu’avec des entreprises de notation "investment grade" ou qui ont une qualité de crédit équivalente. Géographiquement, il n’y a aucune restriction sur l’origine de ces entreprises: parmi nos 16 premiers partenaires, on trouve des sociétés européennes et non européennes, des sociétés européennes de la zone euro et hors de la zone euro et des groupes qui, jusque là, n’ont aucun financement libellé en euro alors que CFA ne devrait consentir que des crédits en euros.
Présentez-nous brièvement CFA et ses spécificités.
CFA sera une banque spécialisée dans le crédit aux entreprises de l’économie réelle et dont les emprunteurs seront les actionnaires. Le processus d’admission dans cette centrale de financement se fera par un comité de crédit doublé d’un système de cooptation. Les entreprises apporteront à une holding faîtière le capital réglementaire dont la banque aura besoin pour leur consentir leur crédit, qui aura une maturité de 5 à 10 ans. Ce crédit prendra la forme d’une ligne de crédit, dont a priori 20% devront être tirés en permanence. Ces financements se feront exclusivement en euros et à taux révisable ; CFA couvrira ses passifs de sorte à se retrouver également avec des ressources en euros et à taux révisable. Ainsi, faire de la transformation n’aura pas grand intérêt pour elle et, dans le mandat donné aux dirigeants, la duration de ses passifs ne devra pas être notablement inférieure à celle de ses actifs.
Les opérations de crédit ne commenceront que lorsque CFA comptera au moins une centaine de membres. Cela est indispensable pour assurer une diversification des risques suffisante. Aucun risque de crédit ne représentera plus de 10% des apports qu’aura reçus CFA de ses actionnaires.
CFA offrira une flexibilité certaine à ses membres dans la gestion de leur ligne de crédit. Des mécanismes de sortie, totale ou partielle, sont anticipés ; ils sont structurés de sorte que ces sorties se fassent en bon ordre.
La force de la banque, qui doit lui assurer de relayer les prêteurs traditionnels lorsque les marchés du crédit se referment, reposera sur quatre caractéristiques originales.
Tout d’abord, chaque entreprise apportera le capital réglementaire dont la banque aura besoin pour lui accorder son financement : cet apport sera fonction du montant de la ligne et de la notation de crédit, officielle ou privée, que le membre produira ; en cas de dégradation de sa notation, l’emprunteur devra choisir entre procéder à un apport supplémentaire ou réduire le montant de sa ligne de crédit confirmée ; en cas de relèvement de sa notation, il pourra choisir entre un accroissement de sa ligne de crédit ou un remboursement d’apport. Là où les abaissements de notation, qui accompagnent les périodes de crise, augmentent les exigences de fonds propres réglementaires pour les banques traditionnelles, CFA bénéficiera d’un mécanisme autorégulateur qui lui permettra d’atténuer cet effet procyclique sans pour autant fragiliser la situation de ses emprunteurs, chacun pouvant tirer sa ligne de crédit pour financer l’apport.
La banque aura un coefficient d’exploitation, c’est-à-dire un rapport entre ses charges d’exploitation et ses revenus, qui ne dépassera pas 10% en phase de croisière. N’ayant pas à entretenir de réseau ni de force commerciale, et offrant un service unique à ses membres, CFA n’aura pas besoin à terme de plus d’une centaine de salariés, dont une grande partie sera affectée à l’analyse crédit.
Les marges de crédit seront révisées tous les trimestres. Les marges de crédit applicables seront fonction de la notation de l’emprunteur, de la durée résiduelle de sa ligne de crédit et des conditions de marché du moment. Ce dernier aspect est particulièrement important. En période faste, les marges de crédit applicables seront peu élevées. En période de crise sur les marchés du crédit, les marges augmenteront sur l’ensemble du portefeuille de crédit (et non sur les seules productions nouvelles) et permettront ainsi à CFA d’accroître considérablement ses revenus pour faire face à la probable augmentation du coût du risque. L’excédent de marges perçues par rapport au coût du risque sera reversé aux actionnaires-emprunteurs à travers les dividendes.
Enfin, CFA se financera principalement sur les marchés financiers. Cependant, si ceux-ci se fermaient, y compris pour elle, la nature de ses actifs est telle que la quasi-totalité de son bilan sera éligible comme collatéral aux opérations de refinancement de la BCE. Les ressources ainsi levées auprès de la banque centrale seraient alors directement rendues disponibles aux coopérateurs.
Les opérations de crédit ne commenceront que lorsque CFA comptera au moins une centaine de membres. Cela est indispensable pour assurer une diversification des risques suffisante. Aucun risque de crédit ne représentera plus de 10% des apports qu’aura reçus CFA de ses actionnaires.
CFA offrira une flexibilité certaine à ses membres dans la gestion de leur ligne de crédit. Des mécanismes de sortie, totale ou partielle, sont anticipés ; ils sont structurés de sorte que ces sorties se fassent en bon ordre.
La force de la banque, qui doit lui assurer de relayer les prêteurs traditionnels lorsque les marchés du crédit se referment, reposera sur quatre caractéristiques originales.
Tout d’abord, chaque entreprise apportera le capital réglementaire dont la banque aura besoin pour lui accorder son financement : cet apport sera fonction du montant de la ligne et de la notation de crédit, officielle ou privée, que le membre produira ; en cas de dégradation de sa notation, l’emprunteur devra choisir entre procéder à un apport supplémentaire ou réduire le montant de sa ligne de crédit confirmée ; en cas de relèvement de sa notation, il pourra choisir entre un accroissement de sa ligne de crédit ou un remboursement d’apport. Là où les abaissements de notation, qui accompagnent les périodes de crise, augmentent les exigences de fonds propres réglementaires pour les banques traditionnelles, CFA bénéficiera d’un mécanisme autorégulateur qui lui permettra d’atténuer cet effet procyclique sans pour autant fragiliser la situation de ses emprunteurs, chacun pouvant tirer sa ligne de crédit pour financer l’apport.
La banque aura un coefficient d’exploitation, c’est-à-dire un rapport entre ses charges d’exploitation et ses revenus, qui ne dépassera pas 10% en phase de croisière. N’ayant pas à entretenir de réseau ni de force commerciale, et offrant un service unique à ses membres, CFA n’aura pas besoin à terme de plus d’une centaine de salariés, dont une grande partie sera affectée à l’analyse crédit.
Les marges de crédit seront révisées tous les trimestres. Les marges de crédit applicables seront fonction de la notation de l’emprunteur, de la durée résiduelle de sa ligne de crédit et des conditions de marché du moment. Ce dernier aspect est particulièrement important. En période faste, les marges de crédit applicables seront peu élevées. En période de crise sur les marchés du crédit, les marges augmenteront sur l’ensemble du portefeuille de crédit (et non sur les seules productions nouvelles) et permettront ainsi à CFA d’accroître considérablement ses revenus pour faire face à la probable augmentation du coût du risque. L’excédent de marges perçues par rapport au coût du risque sera reversé aux actionnaires-emprunteurs à travers les dividendes.
Enfin, CFA se financera principalement sur les marchés financiers. Cependant, si ceux-ci se fermaient, y compris pour elle, la nature de ses actifs est telle que la quasi-totalité de son bilan sera éligible comme collatéral aux opérations de refinancement de la BCE. Les ressources ainsi levées auprès de la banque centrale seraient alors directement rendues disponibles aux coopérateurs.
Quand prévoyez-vous le "démarrage" de CFA ?
Il y a plusieurs "démarrages". Le premier aura lieu le 27 janvier à Paris : nos premiers mandants, qui sont 16 à ce jour, 8 Français et 8 non Français, se réuniront pour lancer la phase d’étude formelle avec agence de notation et groupes de travail devant permettre à ces pionniers de décider, entre eux, des règles qui s’imposeront aux entreprises qui les rejoindront plus tard. Vers la fin avril, si les conclusions de cette première phase d’étude sont satisfaisantes, on passera à la préparation du cadre contractuel, à la définition de l’architecture des systèmes d’information et au calibrage des budgets de mise en place et de fonctionnement opérationnel ; on cherchera alors aussi à CFA son nom définitif.
L’assemblée générale constitutive est prévue pour le mois d’octobre. On lancera également les demandes d’agrément auprès de l’Autorité du Contrôle Prudentiel ; à cet égard, nous avons déjà eu plusieurs réunions de travail avec les services de la Banque de France, Commission Bancaire et Direction des Etablissements de Crédit et des Entreprises d’Investissement. L’objectif est de démarrer les opérations de crédit vers la fin du premier trimestre 2011, avec au moins une centaine d’entreprises membres.
Monsieur Philippe Roca, je vous remercie et vous donne rendez-vous très prochainement dans un nouveau numéro de CFO-news.
L’assemblée générale constitutive est prévue pour le mois d’octobre. On lancera également les demandes d’agrément auprès de l’Autorité du Contrôle Prudentiel ; à cet égard, nous avons déjà eu plusieurs réunions de travail avec les services de la Banque de France, Commission Bancaire et Direction des Etablissements de Crédit et des Entreprises d’Investissement. L’objectif est de démarrer les opérations de crédit vers la fin du premier trimestre 2011, avec au moins une centaine d’entreprises membres.
Monsieur Philippe Roca, je vous remercie et vous donne rendez-vous très prochainement dans un nouveau numéro de CFO-news.