Le caractère abusif de clauses insérées aux conditions générales de compte

La Cour de cassation a par une décision du 28 mai 2009, a été amenée à se prononcer sur le caractère abusif ou non de clauses insérées dans une convention de compte de dépôt que proposait la Société Générale en 2006-2007 à ses clients.


Olivier Vibert
La Cour de cassation juge notamment abusive :

- une clause qui offrait à la banque la possibilité d'apporter des modifications substantielles à ses conditions générales en se bornant à en informer ses clients par une simple lettre circulaire ouvrant droit aux clients la possibilité de s'opposer à ces modifications dans les trois mois.

- Une clause qui permettait à la banque de retirer sans fondement et sans préavis la carte bancaire d'un client.

Cour de cassation - chambre civile 1 – arrêt du 28 mai 2009 - N° de pourvoi: 08-15802


La CLCV, association de consommateur a engagé une instance contre la Banque Société Générale aux fins de voir déclarer abusive certaines clauses insérées dans les conventions de compte de dépôt qui étaient proposées au client en 2006-2007. Cette action était fondée sur l'article L. 421-6 du code de la consommation.

Dans les débats devant la Cour de cassation était discuté le caractère abusif de trois clauses.

Une première clause qui permettait à la Banque de retirer des mains de son client sa carte bancaire.

Cette clause était à l'origine ainsi rédigée « la délivrance d'une carte bancaire est subordonnée à l'agrément de la SOCIETE GENERALE et à l'absence d'inscription au fichier des cartes bancaires géré par la BANQUE DE FRANCE... La SOCIETE GENERALE peut à tout moment retirer, faire retirer ou bloquer l'usage de la carte ou ne pas la renouveler. Sa décision de retrait est notifiée au titulaire de la carte et/ou du compte. Le titulaire de la carte doit restituer celle-ci à première demande à la SOCIETE GENERALE... »

Une deuxième clause modifiée en cours de procédure qui prévoyait le retrait par la banque du chéquier de son client rédigée comme suit :

« la Société générale peut à tout moment, en motivant sa décision, demander au(x) titulaire(s) du compte et/ou à son (leur) mandataire, la restitution du chéquier en sa (leur) possession par courrier adressé au(x) client(s) ou au mandataire au domicile indiqué par lui (eux) à la Société générale ».

Une troisième clause suivant laquelle la Banque pouvait apporter des modifications substantielles aux conditions générales de compte de dépôt et en informer ses clients que par une simple lettre circulaire qui faisait courir un délai pour s'opposer aux modifications.

Cette clause était quant à elle ainsi rédigée : « cette convention peut, par ailleurs, évoluer et nécessiter certaines modifications substantielles. Dans ce cas, et sauf conditions particulières prévues pour certains services, la Société générale avertira périodiquement les titulaires des comptes des modifications apportées à la convention par lettre circulaire ou par tout autre document d'information. Chaque titulaire (ou co-titulaire) disposera d'un délai de trois mois (sauf délai spécifique prévu pour les cartes bancaires Société générale) à compter de la notification de la modification pour refuser celle-ci et dénoncer la convention par lettre recommandée adressée à l'agence concernée ou par lettre signée et remise à son guichet. En l'absence de dénonciation par le (ou les) titulaire(s) dans le délai susvisé, la (ou les) modification(s) sera (seront) considérée(s) à son (leur) égard comme définitivement approuvée(s) à l'issue de ce délai »

La Cour d'appel de PARIS a, par un arrêt du 3 avril 2008, jugé abusive la première clause relative au retrait de la carte bancaire.

La Cour d'appel a jugé ensuite que n'étaient pas abusive la deuxième clause relative au retrait du chéquier et la troisième clause relative à la modification substantielle des conditions générales de compte.

La CLCV, demanderesse, et le GIE CARTE BANCAIRE qui était intervenu volontairement à cette instance, ont formé un pourvoi contre cet arrêt.

Le GIE CARTE BANCAIRE reprochait à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris d'avoir jugé abusive l'ancienne version de la clause relative à la faculté de retrait immédiat par la banque de la carte bancaire de ses clients.

Son pourvoi est cependant rejeté par la Cour de cassation qui estime que cette clause prise dans son ancienne rédaction attribuait à la Banque le droit de modifier unilatéralement et sans préavis les conditions d'utilisation de la carte. Pour la Cour de cassation cette clause instaurait donc un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des banques et clients.

La Cour de cassation a ensuite examiné le pourvoi de la CLCV.

La CLCV reprochait tout d'abord à l'arrêt d'avoir jugé que n'était pas abusif la nouvelle rédaction de la clause relative à la faculté pour la banque de retirer le chéquier de ses clients.

La Cour de cassation confirme toutefois sur ce point la décision de la Cour d'appel.

La Cour de cassation juge que cette clause contrairement à celle relative à la carte bancaire prévoyait un mécanisme respectueux des droits du client, consommateur. La cour de cassation relève que la demande de restitution devait être motivée. La décision devait préciser tant les raisons du retrait que l'urgence à retirer le chéquier du client.

La Cour de cassation juge donc que cette clause permet au client de contester le bien fondé de la décision de la banque et permet donc de prévenir tout arbitraire ; arbitraire qui était justement présent dans la clause relative au retrait de la carte bancaire.

La Cour de cassation confirme donc la validité de cette clause.

La Cour de cassation sur la troisième clause juge en revanche que la clause était abusive.

La cour de cassation relève que cette clause limite de manière inappropriée le droit pour le client de contester ou de s'opposer à une modification apportée aux conditions générales.

La Cour d'appel de Paris avait jugé que la lettre circulaire informait correctement le client et que le délai de trois mois permettait aisément au client de s'opposer aux nouvelles conditions,

La Cour de cassation estime, dans cette décision, que le mécanisme de la clause litigieuse ne permettait pas au client d'avoir avant la modification la possibilité de s'y opposer. La Cour de cassation exige ainsi que ces modifications substantielles aux conditions générales de banque soient soumises préalablement aux clients qui peuvent ainsi valablement s'opposer à l'application des nouvelles conditions.

La Cour de cassation exige que le client puisse avoir connaissance des modifications avant qu'elles ne deviennent applicables.

La Cour de cassation juge donc que cette troisième clause examinée était abusive en ce qu'elle créait un déséquilibre entre les droits de parties au détriment du consommateur, le client.

Par Olivier VIBERT
Avocat au Barreau de Paris,
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Jeudi 4 Juin 2009


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