Mathieu Martin
Rappelons tout d’abord la définition que l’on peut donner à la blockchain à savoir suivant wikipedia :
« Une chaîne de blocs (en anglais blockchain) est une base de données distribuée qui gère une liste d'enregistrements protégés contre la falsification ou la modification par les nœuds de stockage. Une blockchain est donc une chronologie décentralisée et sécurisée de toutes les transactions effectuées depuis le démarrage du système réparti ».
À cette définition quelque peu ésotérique, il convient de préciser certains éléments techniques :
La base de donnée est accessible à tous dans le cadre d’une blockchain publique et seulement aux personnes autorisées dans le cadre d’une blockchain privée.
Il n’y a aucune centralisation des données ou organisme qui contrôle l’inscription des données dans une blockchain publique.
Les nœuds de stockage sont des serveurs administrés par des « mineurs » à savoir des acteurs qui mettent à disposition de la puissance de calcul pour assurer notamment l’opération de calcul de l’’algorithme et répliquer et conserver les enregistrement dits infalsifiables pour permettre l’inscription d’une nouvelle donnée sur la blockchain ( soit un nouveau bloc dans la chaine de bloc)
Enfin, il y a une transaction à savoir par exemple un versement de monnaie ou tout autre processus (réalisation d’une opération, inscription d’une information…)
En synthèse, cette technologie permet de manière sécurisée et infalsifiable de réaliser des opérations et d’en garder la trace et l’historique.
1./ En premier lieu, le caractère infalsifiable rappelle immédiatement les mécanismes d’intégrité que nous retrouvons en matière d‘écrit électronique et signature associée et la question qui se pose en matière d’archivage électronique, à défaut de texte général encadrant ce dernier point.
Ainsi et suivant l’article 1316-1 du code civil « L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ».
Le futur article 1366 du code civil (issu de l’ordonnance du 10 février 2016 portant régime du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations) renforcera d’ailleurs ce principe en disposant que « L’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ».
Nous avons bien là une technologie qui permettra de garantir les conditions d’intégrité d’un écrit de par son caractère infalsifiable et surtout l’historique.
Se pose dès lors la question de savoir si finalement la blockchain ne permettrait pas de répondre aux exigences de l’acte authentique tel que prévu par l’article 1217 du code civil ( futur article 1369) qui dispose que « l'acte authentique est celui qui a été reçu par officiers publics ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé, et avec les solennités requises. Il peut être dressé sur support électronique s'il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Si la seconde disposition pourrait être remplie, il n’en demeure pas moins que l’acte authentique est identifié au sein de notre législation comme étant établi par un officier public et donc, un tiers.
Dès lors et sauf à remettre en cause certain monopole existant et donc l’existence de ce tiers qui concourt à l’authenticité dudit acte, on peut douter d’une utilisation de ce système pour remplacer le régime applicable aux actes authentiques.
Il n’en reste pas moins, qu’à défaut, les conventions de preuve étant libres entre les parties, un tel mécanisme qui ne nécessite plus de recourir à un tiers de confiance pour garantir l’intégrité d’un acte peut s’avérer pour le moins opportune.
2./ En second lieu, on peut s’interroger sur le fait qu’une blockchain publique, rendant dès lors accessible à tous des informations, suivant un procédé non centralisé, permet donc d’accéder potentiellement à des données en dehors de l’Union Européenne.
À cet effet, et dans l’hypothèse d’un traitement de données à caractère personnel, et en l’absence, par définition, de toute règle gouvernant la blockchain publique, la mise en œuvre de ce mécanisme se heurterait aux règles de protection applicable en matière de confidentialité des données à caractère personnel.
3./ En troisième lieu, on peut s’interroger sur la confiance qu’il convient d’accorder à la blockchain.
En effet, et sauf à instituer une blockchain privée, l’ensemble fonctionnant de manière décentralisée et sans aucun contrôle, se pose donc la question de la confiance dans ce procédé technologique, vu par certains, notamment au titre de l’utilisation de bitcoins, comme un mécanisme permettant d’accompagner tout comportement frauduleux.
La tendance actuelle, en matière de nouvelles technologies a été effectivement de légiférer en la matière, notamment au titre de la loi pour la confiance dans l’économie numérique de 2004, et ses évolutions récurrentes, de même que d’encadrer tout développement d’une activité numérique, comme le démontre le projet de loi pour une république numérique.
Il n’en demeure pas moins que nous sommes davantage ici dans le cadre d’un procédé technologique que d’une activité en tant que telle, seule la mise en œuvre de la blockchain pour des activités illicites pouvant être condamnable.
Qui plus est, par définition, cette technologie, prise dans son acception initiale au titre d’une blockchain publique exclut, par définition, toute organisation centralisée en matière de contrôle et le recours à tout tiers pour l’encadrer, le mécanisme reposant sur l’ensemble de la communauté.
Il serait donc davantage intéressant de reconnaître la blockchain à l’instar de certaines normes de type ISO ou AFNOR, pour fixer un certain cadre normatif et pouvoir s’y référer, notamment en matière d’intégrité des données ou de sécurité de ces dernières.
En effet, toute tentative de légiférer sur ces éléments pourrait apparaître contre-productive, et ce au regard de l’évolution rapide des technologies. Un simple exemple en matière de technologie de blockchain montre que la blockchain relative aux bitcoins est d’ores et déjà concurrencée par la blockchain Ethereum.
Il n’en demeure pas moins, qu’indirectement, une certaine approche, au niveau national semble poindre dans le cas d’une expérimentation au titre des minis-bon (bons de caisse) avec un projet de modification de certaines dispositions du code monétaire et financier.
De même, certaines initiatives ont commencé, comme la certification des diplômes par une école d’ingénieur en Ile de France.
Il reste désormais à savoir comment les acteurs les plus concernés, et notamment le monde bancaire, vont s’adapter à la blockchain, et qui établira un standard en la matière.
Concluons que si cette technologie apparaît très prometteuse, il est fort probable que la blockchain publique sera peu utilisée par de nombreux acteurs du marché et qu’au final de nombreuses blockchain privées se mettront en place.
La confiance accordée à cette technologie constituera d’ailleurs le meilleur moyen de l’autoréguler.
Auteur : MARTIN Mathieu, Lyon (69), Avocat
BISMUTH, Société d'Avocats
www.bismuthassocies.com
« Une chaîne de blocs (en anglais blockchain) est une base de données distribuée qui gère une liste d'enregistrements protégés contre la falsification ou la modification par les nœuds de stockage. Une blockchain est donc une chronologie décentralisée et sécurisée de toutes les transactions effectuées depuis le démarrage du système réparti ».
À cette définition quelque peu ésotérique, il convient de préciser certains éléments techniques :
La base de donnée est accessible à tous dans le cadre d’une blockchain publique et seulement aux personnes autorisées dans le cadre d’une blockchain privée.
Il n’y a aucune centralisation des données ou organisme qui contrôle l’inscription des données dans une blockchain publique.
Les nœuds de stockage sont des serveurs administrés par des « mineurs » à savoir des acteurs qui mettent à disposition de la puissance de calcul pour assurer notamment l’opération de calcul de l’’algorithme et répliquer et conserver les enregistrement dits infalsifiables pour permettre l’inscription d’une nouvelle donnée sur la blockchain ( soit un nouveau bloc dans la chaine de bloc)
Enfin, il y a une transaction à savoir par exemple un versement de monnaie ou tout autre processus (réalisation d’une opération, inscription d’une information…)
En synthèse, cette technologie permet de manière sécurisée et infalsifiable de réaliser des opérations et d’en garder la trace et l’historique.
1./ En premier lieu, le caractère infalsifiable rappelle immédiatement les mécanismes d’intégrité que nous retrouvons en matière d‘écrit électronique et signature associée et la question qui se pose en matière d’archivage électronique, à défaut de texte général encadrant ce dernier point.
Ainsi et suivant l’article 1316-1 du code civil « L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité ».
Le futur article 1366 du code civil (issu de l’ordonnance du 10 février 2016 portant régime du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations) renforcera d’ailleurs ce principe en disposant que « L’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ».
Nous avons bien là une technologie qui permettra de garantir les conditions d’intégrité d’un écrit de par son caractère infalsifiable et surtout l’historique.
Se pose dès lors la question de savoir si finalement la blockchain ne permettrait pas de répondre aux exigences de l’acte authentique tel que prévu par l’article 1217 du code civil ( futur article 1369) qui dispose que « l'acte authentique est celui qui a été reçu par officiers publics ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé, et avec les solennités requises. Il peut être dressé sur support électronique s'il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Si la seconde disposition pourrait être remplie, il n’en demeure pas moins que l’acte authentique est identifié au sein de notre législation comme étant établi par un officier public et donc, un tiers.
Dès lors et sauf à remettre en cause certain monopole existant et donc l’existence de ce tiers qui concourt à l’authenticité dudit acte, on peut douter d’une utilisation de ce système pour remplacer le régime applicable aux actes authentiques.
Il n’en reste pas moins, qu’à défaut, les conventions de preuve étant libres entre les parties, un tel mécanisme qui ne nécessite plus de recourir à un tiers de confiance pour garantir l’intégrité d’un acte peut s’avérer pour le moins opportune.
2./ En second lieu, on peut s’interroger sur le fait qu’une blockchain publique, rendant dès lors accessible à tous des informations, suivant un procédé non centralisé, permet donc d’accéder potentiellement à des données en dehors de l’Union Européenne.
À cet effet, et dans l’hypothèse d’un traitement de données à caractère personnel, et en l’absence, par définition, de toute règle gouvernant la blockchain publique, la mise en œuvre de ce mécanisme se heurterait aux règles de protection applicable en matière de confidentialité des données à caractère personnel.
3./ En troisième lieu, on peut s’interroger sur la confiance qu’il convient d’accorder à la blockchain.
En effet, et sauf à instituer une blockchain privée, l’ensemble fonctionnant de manière décentralisée et sans aucun contrôle, se pose donc la question de la confiance dans ce procédé technologique, vu par certains, notamment au titre de l’utilisation de bitcoins, comme un mécanisme permettant d’accompagner tout comportement frauduleux.
La tendance actuelle, en matière de nouvelles technologies a été effectivement de légiférer en la matière, notamment au titre de la loi pour la confiance dans l’économie numérique de 2004, et ses évolutions récurrentes, de même que d’encadrer tout développement d’une activité numérique, comme le démontre le projet de loi pour une république numérique.
Il n’en demeure pas moins que nous sommes davantage ici dans le cadre d’un procédé technologique que d’une activité en tant que telle, seule la mise en œuvre de la blockchain pour des activités illicites pouvant être condamnable.
Qui plus est, par définition, cette technologie, prise dans son acception initiale au titre d’une blockchain publique exclut, par définition, toute organisation centralisée en matière de contrôle et le recours à tout tiers pour l’encadrer, le mécanisme reposant sur l’ensemble de la communauté.
Il serait donc davantage intéressant de reconnaître la blockchain à l’instar de certaines normes de type ISO ou AFNOR, pour fixer un certain cadre normatif et pouvoir s’y référer, notamment en matière d’intégrité des données ou de sécurité de ces dernières.
En effet, toute tentative de légiférer sur ces éléments pourrait apparaître contre-productive, et ce au regard de l’évolution rapide des technologies. Un simple exemple en matière de technologie de blockchain montre que la blockchain relative aux bitcoins est d’ores et déjà concurrencée par la blockchain Ethereum.
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