La réforme des soutiens financiers français à l’exportation

Intervention d’Hervé Novelli du 17 janvier 2008 : " La réforme des soutiens financiers français à l’exportation ".


Mesdames et Messieurs les journalistes,
Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de vous recevoir aujourd’hui pour vous présenter la réforme des soutiens financiers français à l’exportation.
C’est une évidence, en tant que ministre en charge du commerce extérieur, que la croissance du marché mondial constitue un formidable relais de croissance pour notre pays, si nous savons, si nos entreprises savent en saisir les opportunités.

Je présenterai le 7 février les chiffres définitifs de notre balance commerciale pour l’année 2007 ; j’aurai l’occasion de les commenter, d’en analyser les facteurs structurels, les forces et les faiblesses, les défis à relever.

Chacun sait qu’aujourd’hui les performances des entreprises françaises à l’exportation ne sont pas bonnes, ou à tout le moins pas à la hauteur que nous pouvons attendre en nous comparant à nos grands compétiteurs. Pour cela il nous faut travailler sur les freins structurels à la compétitivité de nos entreprises. Il est tout aussi justifié de chercher à adapter aux exigences du marché mondial les outils de soutien à l’exportation.
En quoi la modernisation de ces soutiens financiers peut-elle influer sur notre présence sur les marchés étrangers ?

L’Etat soutient les entreprises françaises à l’exportation par des procédures financières, qui couvrent l’ensemble de la démarche à l’international : la prospectiondes marchés à l’étranger avec l’assurance prospection, la négociation des contrats avec des garanties de change, des cautions et des préfinancements, le paiement des contrats obtenus avec l’assurance-crédit et, enfin, la protection des investissements à l’étranger, avec la garantie des investissements. Ces garanties sont destinées à protéger les entreprises et les banques françaises contre les risques qu’elles rencontrent sur les marchés internationaux.

Elles sont gérées pour le compte de l’Etat par la Coface, dont je salue ici le Président, François David, et jouent un rôle fondamental pour nos entreprises :
- car ces garanties sont mobilisées pour les grands contrats, comme dans le cas des centrales nucléaires chinoises récemment ou s’agissant des contrats Airbus, par exemple
- Mais elles sont également très précieuses pour les PME, qui d’ailleurs les utilisent, car il est évident que, plus l’entreprise est petite, plus elle est vulnérable face à des risques sur les marchés étrangers, qui peuvent remettre parfois en question son existence. Pour 2007, ce sont ainsi plus de 10 milliards d’euros de contrats conclus par des entreprises françaises qui ont été garantis. Cela place la Coface au tout premier rang des agences d’assurance crédit publiques dans le monde.

D’une façon générale, la compétitivité de ces instruments de soutien est bonne. La Coface a été désignée comme étant la meilleure agence de crédit export publique en 2007 par la revue " Trade Finance ", sur la base d’un vote au sein de la profession. Et je tiens d’ailleurs à en féliciter François David.

Ce résultat est le fruit d’un effort permanent. Ainsi, en octobre 2004, Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’Economie et des Finances, avait lancé un important train de mesures de modernisation, fruit d’une concertation avec les industriels et les banques. Nous avions également créé à cette occasion un Comité clients, permettant à l’administration et à la Coface de nourrir un dialogue constant avec les entreprises, et de faire évoluer en continu les outils de soutiens. C’est ce qui nous conduit aujourd’hui à franchir une nouvelle étape.

L’environnement des échanges évolue en permanence. La concurrence qu’affrontent les entreprises françaises est féroce. Les exigences des acheteurs ne cessent de croître, que ce soit sur les prix, la qualité ou les conditions financières. Les autres Etats font preuve d’imagination, voire d’agressivité. L’exemple le plus patent est la Chine, qui s’est dotée d’une agence d’assurance crédit, un équivalent de la Coface, qui est puissante. C’est aussi le cas des pays européens comme l’Allemagne ou l’Italie. L’exigence d’accroître nos exportations renforce notre détermination à agir pour donner aux entreprises françaises les meilleures armes pour s’imposer dans cet univers très exigeant et pour hisser nos standards au niveau de ceux de nos concurrents dans ce domaine, voire dans certains cas les dépasser.

Nos procédures de soutiens financiers de la Coface doivent donc se moderniser pour s’adapter aux évolutions des marchés et de notre économie.
Avec Christine Lagarde, et en étroite concertation avec la Coface et ses clients, nous avons donc décidé d’innover en prenant davantage en compte les attentes des clients de nos entreprises à l’étranger.

Les deux produits financiers de soutien gérés par la Coface, que sont l’assurance-prospection et l’assurance crédit, seront ainsi grandement modernisés
Ces réformes visent à mieux soutenir les entreprises contre les risques qu’elles rencontrent tout au long de leurs projets de développement international.

A. En phase de prospection, ces mesures permettront de soutenir nos entreprises grâce à une Assurance Prospection simplifiée, plus accessible aux entreprises moyennes et tournée vers les entreprises innovantes.
L’assurance prospection est à mes yeux un produit phare : elle accompagne les entreprises en période de prospection des marchés, en leur offrant à la fois un relais de trésorerie, car elle finance les dépenses au fur et à mesure, et en offrant une assurance contre l’échec, car les sommes versées restent acquises en cas d’insuccès.
Pourtant, seulement 1 400 entreprises l’ont utilisé alors qu’elle est accessible à toute entreprise dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 150 millions d’euros !

Trois mesures ont été adoptées pour y remédier :

1. Nous allons moderniser l’assurance prospection en la simplifiant fortement et inscrire le soutien de l’Etat dans la durée (fiche 1) :

- Des droits d’ouverture de dossier étaient demandés par la Coface à l’entreprise dès le dépôt des dossiers. Ces droits sont supprimés.
- Le processus d’instruction sera allégé de manière significative et le renouvellement de la garantie sera également simplifié. Pour les entreprises qui ont bénéficié d’un contrat d’assurance prospection d’un an et qui souhaitent poursuivre leur effort commercial, il ne sera plus nécessaire d’effectuer une nouvelle demande de garantie pour obtenir le prolongement du contrat.
- Nous souhaitons inscrire l’accompagnement de l’entreprise dans la durée : les sociétés ayant mené avec succès une première prospection pourront renouveler leur dossier avec un taux de couverture amélioré, de 80% au lieu de 65%.
- Enfin, les entreprises pourront désormais faire appel du rejet de leur dossier d’assurance-prospection par la Coface.

2. Nous allons soutenir la prospection des entreprises innovantes en créant une " assurance prospection " qui leur est dédiée. (fiche 2)
Le nombre de dossiers d’assurance prospection concernant des entreprises innovantes est trop faible : entre 2001 et 2005, seules 78 entreprises innovantes ont bénéficié d’un contrat d’assurance prospection.

L’explication de ce résultat est simple : à ce jour, seules sont éligibles à l’assurance prospection les sociétés disposant de produits ou de services prêts à être commercialisés ou déjà distribués. Or, les jeunes entreprises innovantes ont aussi besoin de contacts avec des chercheurs à l’étranger dès la phase amont de développement de leur produit. Nous les soutiendrons désormais en créant un régime spécifique pour ces entreprises au profil de risques particulier. Ainsi :
- la quotité garantie par la Coface sera portée de 65% à 80% pour les entreprises innovantes (qui sont celles bénéficiant du statut de Jeune entreprise Innovante ou ayant bénéficié d'une aide d'Oséo-Innovation dans les cinq dernières années) ;
- jusqu’à présent, seules les entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas 1,5 millions d’euros peuvent bénéficier d’une avance sur indemnités dès le début de leur prospection. Cette restriction sur le chiffre d’affaires est levée pour les entreprises innovantes ;
- la garantie sera proposée à des entreprises innovantes dont le produit ou le service est encore en phase de développement. Une expérience pilote sera mise en place avec le Génopôle d’Evry (génomique) avant d’être étendue à d’autres pôles ou regroupements des entreprises innovantes.

Enfin, si besoin était, je vous confirme que les grandes écoles françaises d’ingénieurs et de commerce sont éligibles à l’assurance-prospection. Leur développement à l’international mérite d’être soutenu pour accueillir des étudiants étrangers de haut niveau en nombre plus important et ainsi contribuer au développement de notre économie.

3. L’assurance prospection des français à l’étranger sera étendue à de nouveaux pays.(fiche 3)
Les Français établis hors de France, dès lors qu’ils commercialisent des produits français, contribuent comme toute entreprise française au développement de nos exportations. L’objectif est donc de les soutenir. Nous avions lancé cette procédure à titre expérimental dans trois pays d’Amérique Latine. Nous allons l’étendre à des pays d’Asie-Océanie comme le Japon, Singapour, Hong Kong, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Je suis convaincu que ces réformes de l’assurance-prospection rencontreront un grand succès auprès des entreprises, car elles ont été élaborées en concertation étroite avec les utilisateurs de la procédure.

Mais il serait inutile de les avoir adoptées sans, en parallèle, les promouvoir et les faire connaître.

Pour cette raison, nous allons développer une stratégie en réseau de commercialisation de l’assurance prospection, impulsée par l’Etat, dans une logique que je souhaite d’ailleurs voir adoptée sur l’ensemble des sujets relatifs au commerce extérieur. Cette stratégie associera la Coface aux autres partenaires du commerce extérieur (Ubifrance, DRCE, CCI, CCE) et à OSEO, qui dispose d’une connaissance étendue des entreprises innovantes.

Autre aspect qui mérite d’être souligné : le réseau bancaire, qui est, avec le réseau des chambres de commerce, le premier informé des projets d’internationalisation de ses clients, sera également associé à la distribution de l’assurance-prospection. Les banques pourront dès lors négocier aussi avec la Coface une garantie de préfinancement du budget de prospection de leurs clients. Nous proposerons ce dispositif à l’ensemble des banques de la place de Paris, dont certaines d’entre elles se sont déjà déclarées intéressées et le système sera opérationnel au cours de ce trimestre.

Ainsi, nous espérons voir levés les deux obstacles majeurs au développement de l’assurance prospection, que sont celui de sa diffusion et du financement de la prospection elle-même.

B. Continuons à suivre notre entreprise à l’étranger, considérons que sa prospection a réussi et que l’entreprise s’apprête à négocier un contrat ou à investir dans le pays en question. Pour la soutenir, nous réformons en profondeur l’assurance-crédit.

Pour les contrats export, nous avons décidé d’engager des reformes dans deux axes stratégiques :

1. En premier lieu, nous devons faire un effort accru sur les secteurs de haute valeur ajoutée et l’économie de l’immatériel (fiche 4).
(i) La valorisation des atouts technologiques français, au travers de la propriété intellectuelle et de la promotion de l’économie de l’immatériel (que sont marques, concepts, droits d’image) constitue un enjeu essentiel en termes d’innovation et de compétitivité. Mais il n’est pas possible aujourd’hui de protéger une entreprise contre un défaut de paiement de la part d’un client à l’étranger relatif à un droit d’auteur, un brevet, par exemple.

Nous créons donc une garantie de l’immatériel, afin de doter la France d’un instrument dont disposent déjà certains pays comme le Japon. Cette nouvelle garantie est notamment destinée aux secteurs de la franchise, de l’édition, des logiciels, de l’audiovisuel.

(ii) Dans le domaine des services, que sont par exemple les prestations de maintenance ou d’ingénierie, les contrats sont bien moins couverts que les exportations de biens, ce qui est aujourd’hui inapproprié à la structure de notre économie.

Nous avons donc décidé une modernisation de la garantie de services, qui consiste à aligner intégralement les conditions de la garantie sur celle offerte aux exportations de biens, en supprimant le montant maximal des contrats garantis, en élargissant le type de risques couverts, afin de permettre globalement aux exportateurs de services de bénéficier de conditions de crédit optimales.

(iii) Par ailleurs, il nous a semblé nécessaire d’instituer une garantie spécifique pour les entreprises aéronautiques, qui produisent pour le compte d’Airbus dans le cadre de programmes longs et coûteux, mais qui aujourd’hui ne sont payées que lorsque l’avion développé dans le cadre de ce programme n’aura lui-même été livré et payé, ce qui intervient en général plusieurs années après. Cette situation engendre d’importantes tensions en matière de trésorerie pour ces entreprises, par ailleurs exposé à des difficultés en raison de la parité euro/dollar.

Une garantie de préfinancement spécifique leur sera désormais dédiée.

2. Autre innovation, la Coface va couvrir plus globalement des opérations en devises de pays non membres de l’OCDE. (fiche 5)
La Coface est l’une des rares agences de crédit export à avoir accordé des garanties dans des devises non OCDE, comme le peso mexicain ou le rouble. Mais jusqu’à présent, elle a procédé au cas par cas.

Nous souhaitons que cette procédure soit plus systématique et plus transparente vis-à-vis des entreprises en affichant clairement les pays, comme l’Afrique du Sud, dans lesquels cela sera désormais possible. Cette liste sera bien évidemment revue régulièrement.

Pourquoi accorder de l’importance à ce sujet ? La raison en est simple : de plus en plus de clients à l’étranger de nos entreprises préfèrent s’endetter en devise locale plutôt qu’en euro ou dollar, pour éviter, notamment, le risque de change. Nous avons souhaité répondre à cette demande forte car elle peut conditionner l’obtention du contrat pour nos entreprises.

Les retombées d’une telle mesure sont potentiellement considérables.

3. Il est également important que les garanties Coface puissent être mises au service du renforcement de notre présence à l’étranger et de la défense de projets stratégiques pour l’économie française (fiche 6).
Les investissements français à l’étranger
doivent être soutenus et encouragés lorsqu’ils permettent de conquérir des parts de marché local.

Or, la garantie des investissements de la Coface existant actuellement est peu utilisée, car elle est peu compétitive pour l’assuré et ses conditions d’obtention sont très restrictives (par ex : l’investissement minimum doit être de 15 millions d’euros).

Pour cette raison, nous avons décidé de moderniser la garantie des investissements en réduisant de 40% les niveaux de primes, afin de rendre le produit compétitif, et en en simplifiant les règles : tout projet, quel que soit sa taille, pourra désormais être couvert, les indemnisations seront payées plus rapidement, et nous proposerons également au parlement d’autoriser la couverture d’investissements déjà réalisés, ce qui aujourd’hui, n’est pas possible, ce qui donne plus de flexibilité aux entreprises pour gérer leur portefeuille d’investissements

La prise en compte de l’intérêt stratégique de la France
Les garanties de la Coface ont été créées pour soutenir strictement nos exportations de biens et services. Elles ne permettent donc pas de soutenir des projets qui ne comportent pas ou peu d’exportations françaises. Or, certains de ces projets sont très importants pour notre économie. C’est par exemple le cas pour des projets contribuant à notre indépendance énergétique. Un exemple serait la garantie des financements pour une mine d’uranium située en Asie Centrale, dans laquelle une entreprise française aurait une participation, et destinée à alimenter les centrales françaises.

D’autres pays (Japon, Italie, Canada, Danemark, etc.) nous ont précédés dans ce domaine, et acceptent de garantir les projets comportant une part minoritaire (voire inexistante) d’exportations nationales pourvu que ceux-ci présentent un intérêt majeur pour leur économie. C’est pourquoi nous avons décidé de nous mettre au niveau de nos concurrents.

Mais en raison de l’appréciation particulière qui doit être portée à ces projets, chaque dossier sera soumis au Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Emploi pour approbation.

4. Enfin, un effort important sera fait en matière de simplification des règles applicables à la couverture des parts étrangères. (fiche 7)
Destinées principalement à promouvoir les exportations françaises, les garanties publiques de la Coface autorisent toutefois la possibilité de couvrir un contrat comportant une part de produits et de matériels non produits en France.

Les règles de calcul du respect du seuil autorisé sont très complexes. Cette complexité, et les contrôles qu’elle impose, sont dissuasifs en particulier pour les entreprises moyennes et in fine font perdre de nombreux contrats à nos entreprises. Nos concurrents l’ont bien compris et proposent des régimes plus simples et plus accessibles.

Nous avons donc décidé de simplifier considérablement cette procédure pour les entreprises de taille moyenne, dont le chiffre d’affaires est inférieur à 75 millions d’euros, pour lesquelles la notion de seuil est tout simplement supprimée.

Pour les entreprises de taille plus importante, un seuil unique de 50% s’appliquera, pour toutes les garanties et les contrôles seront allégés.

L’administration pourra ainsi concentrer son attention sur les dossiers importants, dont nous avons fixé le seuil à quelques centaines de millions d’euros.

En conclusion, avant de répondre à vos questions, je voudrais vous dire toute la satisfaction que Christine Lagarde et moi-même éprouvons d’avoir adopté ces mesures, dont nous attendons un réel effet d’entraînement. Je souhaite à ce titre remercier les services de la Coface, qui ont joué un rôle fondamental.

Mais ce travail de modernisation sera poursuivi. Il est par essence continu, afin d’adapter encore et toujours nos outils d’accompagnement aux besoins de nos entreprises, petites et grandes, afin de reconquérir nos parts de marché et redresser durablement nos performances.

Je vous remercie

......................................
Hervé Novelli, Secrétaire d’État auprÈs du Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi en charge des Entreprises et du Commerce exterieur

www.minefe.gouv.fr
www.pacteforce5.fr

Jeudi 17 Janvier 2008


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