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La réforme de la prescription civile et commerciale

La réforme de la prescription en droit français a été adoptée en première lecture par le sénat le 21 novembre 2007 sur une proposition de Monsieur Jean-jacques HYEST. L’ensemble des prescriptions civiles sont en effet visées par cette réforme et notamment la prescription commerciale qui était à l’heure actuelle de 10 ans.


L’objet de cette réforme est d’adapter les prescriptions civiles à notre société actuelle. Les prescriptions sont en effet jugées trop longues et il semble aujourd’hui impossible pour certaines actions personnelles d’avoir des prescriptions de trente ans.

Le souci d’une plus grande sécurité juridique incite également à des délais de prescription raisonnablement plus courts et surtout moins de délais différents pour faciliter la tâche des personnes soumises au droit.

La réforme est principalement inspirée d’un avant projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription (travaux de M. Philippe Malaurie sous l'égide de M. Pierre Catala).
La commission des Lois présidée par Monsieur Jean-jacques HYEST, a ensuite remanié légèrement l’avant projet. Le Sénat a, à son tour, amendé la proposition de Loi.

Le texte adopté par le Sénat devrait être prochainement étudié par l’Assemblée Nationale. Le 4 décembre la Commission des lois de l’Assemblée Nationale a été chargée du texte voté par le Sénat. La commission a désigné Monsieur Emile Blessig, Avocat de profession et député du Bas-Rhin, comme rapporteur.

Il est cependant possible de tenter d’ores et déjà de comprendre pourquoi la réforme a été effectuée et ensuite de parcourir dans ses grandes lignes cette réforme en mettant l’accent sur les points intéressant plus particulièrement les sociétés commerciales.

Pourquoi une réforme de la prescription ?
La Commission des lois a constaté que :
- En premier lieu, le caractère foisonnant et le manque de cohérence des règles de la prescription civile donnent un sentiment d'imprévisibilité et parfois d'arbitraire.

- En second lieu, les règles de la prescription civile sont inadaptées à l'évolution de la société et à l'environnement juridique actuel.

Il a donc été décidé de tenter de remédier à ces deux faiblesses du droit civil français qui ne semblait plus en adéquation avec la société. La réforme est ambitieuse. Elle s’attaque à la durée des délais mais également à leur régime.

Quelle réforme de la prescription ?

1. Modification de délais de prescription.
Tout d’abord, il convient de préciser que la réforme de la prescription n’emporte pas réforme des délais de forclusion. Par exemple, le délai de forclusion de deux ans pour le recouvrement d’un crédit consommation devrait rester inchangé.
Le sénat a adopté en première lecture les principaux délais de prescription suivants :
- Les actions personnelles ou mobilières : cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (si la loi n'en dispose autrement).
- L’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées : cinq ans à compter de la fin de leur mission.
- L’action en responsabilité née à raison d’un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent : dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage.
Toutefois, en cas de préjudice causé par des tortures ou des actes de barbarie, ou par des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur, l’action en responsabilité civile est prescrite par vingt ans.
- Le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Plusieurs délais spéciaux ont également été révisés par le Sénat. Celui intéressant le plus les sociétés françaises est le délai de la prescription commerciale prévue à l’article L 110-4 du Code de commerce et qui est actuellement fixé à dix ans.

La prescription commerciale serait désormais fixée à 5 ans.

La question de la prescription commerciale a notamment été débattue devant le Sénat. L’avant projet prévoyait une durée de trois ans pour la prescription commerciale. La commission avait estimé que dans un souci de clarté et de simplification des règles, une durée de cinq ans, soit la même durée que la nouvelle prescription civile mobilière, semblait plus adéquate.

Une proposition d’amendement a été déposée pour tenter de laisser inchangé la prescription commerciale .Le Gouvernement et la Commission des Lois ont défendu la proposition initiale de passage de la prescription commerciale de 10 à 5 ans.

Le délai de 5 ans a été celui retenu finalement par le Sénat. (article 7 de la loi).

La prescription commerciale qui est donc actuellement de 10 ans serait donc fixée désormais à 5 ans.

2. Autres modifications apportées par la réforme.
D’autres modifications ont été apportées à la prescription civile et ces modifications bien que moins visibles sont peut être plus importantes que la durée elle-même.

a) La prescription conventionnelle,

Il convient tout d’abord de noter la place importante qui est laissé désormais à la prescription contractuellement convenue.
Il est possible de prévoir contractuellement une durée de prescription plus longue ou de prévoir d’autre cause d’interruption ou de suspension de la prescription. Une plus grande place est donc laissée à la liberté contractuelle. La durée devra cependant être obligatoirement fixée entre un et dix ans.
Cette initiative peut sembler étonnante, le souhait étant d’uniformiser les règles de la prescription. Une autonomie contractuelle paraît contraire à cet objectif.
L’initiative doit toutefois être saluée car elle permettra surtout dans le domaine commercial aux parties de choisir une prescription qui sera adaptée au secteur. Une prescription d’un an peut dans un domaine d’activité être largement suffisante alors que dans un autre une prescription de huit ans semblera courte. Les parties ont gagné la liberté de fixer entre eux leur prescription.

« Art. 2254. – La durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties. Elle ne peut toutefois être réduite à moins d’un an ni étendue à plus de dix ans.
« Les parties peuvent également, d’un commun accord, ajouter aux causes de suspension ou d’interruption de la prescription prévues par la loi.
« Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables aux actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, loyers et charges locatives afférents à des baux d’habitation, et fermages. »


b) L’interruption de la prescription

Lorsqu’un délai de prescription est interrompu interruption, un nouveau délai court à compter de la date de l’évènement à l’origine de l’interruption.

Imaginons par exemple une créance commerciale née en janvier 2009, le débiteur reconnaît sa dette par une reconnaissance de dette dûment signée en juillet 2012. Cette reconnaissance de dette a pour effet de faire courir un nouveau délai de cinq ans. Au lien de se prescrire en janvier 2014 la créance pourra être recouvrée jusqu’en juillet 2017.

La prescription s’interrompt donc notamment par la reconnaissance de dette du débiteur ainsi que l’introduction d’une action même il ne s’agit que d’une action en référé.

Par contre il faudra être prudent car le désistement de l’instance ou sa péremption rendra non avenue l’extinction. En d’autres termes, si le créancier se désiste de son action, il ne pourra ensuite pas prétendre avoir interrompu la prescription. Nous ferons comme si l’action n’avait pas été engagée.

Autres points intéressants, en présence de débiteurs solidaires l’interruption est opposable à tous les débiteurs solidaires même si l’action est introduite contre seul l’un d’eux. De même contre la caution, l’action contre le débiteur principal interrompra l’action contre le débiteur principal.

Art. 2240. – La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.
« Art. 2241. – La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
« Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure.
« Art. 2242. – L’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance.
« Art. 2243. – L’interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.
« Art. 2244. – Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par un acte d’exécution forcée.
« Art. 2245. – L’interpellation faite à l’un des débiteurs solidaires par une demande en justice ou par un acte d’exécution forcée ou la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription contre tous les autres, même contre leurs héritiers.


c) La suspension de la prescription,

Dans l’hypothèse d’une suspension de la prescription, le délai de prescription ne repart pas à zéro mais est suspendu jusqu’à ce qu’il reprenne son court.
Exemple : une créance commerciale est née en janvier 2009. La prescription devrait donc courir jusqu’en janvier 2014.
Mais, le 1er janvier 2012, une médiation a été entreprise entre le créancier et son débiteur.
La médiation dure 1 an jour pour jour. La prescription recommence à courir le 1er janvier 2013 pour une durée encore de 2 ans, soit jusqu’en janvier 2015.

La réforme souhaite préciser que la négociation ou une médiation suspend la prescription. Il sera intéressant de voir en pratique comment les négociations pourront suspendre la prescription.
Il sera probablement nécessaire de formaliser les négociations en établissant une déclaration officielle. Qui permette de justifier que des négociations sont en cours et que ces négociations suspendent les prescriptions. Cette disposition du projet de Loi ne semble pas permettre pour l’instant d’être appliqué à des délais de forclusion. Il faudra donc être vigilant de bien déterminer si le délai est un délai de prescription ou de forclusion.

Autre cause de suspension prévue par la réforme, l’éventualité d’une mesure d’instruction ordonnée par un juge avant un procès. La loi vise essentiellement ici les expertises préalables au procès. Ces expertises sont souvent longues et il était donc normal de prévoir qu’elles suspendent la prescription. Il aurait été sinon extrêmement risqué de tenter de faire une expertise avant d’exercer un recours.

Cette réforme ambitieuse ne peut qu’être approuvée notamment en ce qu’elle accorde la possibilité de prévoir contractuellement des prescriptions adaptées aux situations.
La réforme apporte en outre de la clarté et une plus grande uniformité du régime des prescriptions dans leur ensemble.
Il faut espérer que les régimes spéciaux de prescription puissent être limités à leur strict minimum car toute multiplication des délais emporte nécessairement confusion dans l’esprit du public. Vu les l’importance de ces délais et leurs conséquences, la simplicité et la connaissance de ces délais par leur plus grand nombre doit être l’objectif poursuivi.

Pour en savoir plus sur ce sujet, je vous invite à consulter les dossiers législatifs :
- du Sénat, accessible à l’adresse suivante
http://www.senat.fr/dossierleg/ppl06-432.html
- ou de l’Assemblée nationale disponible à l’adresse suivante
www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/prescription_civile.asp

Olivier VIBERT
Avocat au Barreau de Paris,

19 Avenue Rapp 75007 PARIS
Tel : (+33) 1 45 55 72 00
Fax : (+33) 1 47 53 76 14
e-mail : olivier.vibert@ifl-avocats.com

Vendredi 28 Mars 2008



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