À une époque où nous nous aventurons toujours plus dans les terres inexplorées des politiques monétaires non conventionnelles, l’adoption de taux d’intérêt négatifs s’avère être l’avancée de trop. Dit simplement, la politique de taux d’intérêt négatifs est un échec : les taux d’intérêt négatifs rognent sur les capitaux, fragilisent le système financier et ne sont pas parvenus à engendrer une croissance du PIB nominal suffisante pour réduire des niveaux d’endettement déjà élevés. Le mécontentement provoqué par ces politiques grandit et les responsables politiques, à commencer par ceux du Japon, s’orientent vers la monétisation pure et simple de la dette.
Malgré un effet limité sur la croissance, l’assouplissement quantitatif a, dans une certaine mesure, fonctionné aux États-Unis, à travers les préférences de portefeuille. Les investisseurs ont été forcés d’abandonner les obligations d’État sans risque au profit des actifs risqués tels que les actions et le crédit, ce qui a poussé à la hausse les rendements des bons du Trésor, à mesure que les investisseurs privilégiaient les obligations aux actions. L’envolée des rendements a incité les investisseurs à croire que la reflation était proche et que la politique monétaire portait ses fruits. En revanche, la BCE et la BoJ, en plaçant les taux en territoire négatif, envoient un signal erroné en matière de prix et minent la confiance des investisseurs dans l’efficacité de la politique monétaire. Selon nous, les investisseurs ont toutes les raisons d’être inquiets : malgré les efforts des autorités, la croissance du crédit s’élève à seulement 50 milliards USD par an au Japon, dans une économie de 4 500 milliards USD, et s’avère encore plus anémique en zone euro, puisqu’elle atteint à peine 45 milliards USD, pour une économie régionale chiffrée à 16 000 milliards USD[1]. Les bienfaits d’une réduction des taux d’intérêt se sont taris.
Compte tenu de l’incapacité de la politique de taux d’intérêt négatifs à provoquer le redressement de leurs économies, les responsables politiques se préparent désormais à l’étape suivante, à savoir la réduction de la part de la dette dans le PIB pour faire repartir la croissance du PIB nominal. À la fin du mois de mars, le Premier ministre japonais Shinzo Abe a demandé que les dépenses du budget de 2016 soient concentrées, si possible, en début de période et qu’un nouveau train de mesures économiques soit adopté d’ici mai. Bien que son intervention ne soit pas aussi imminente, la BCE suit la même orientation. Lors de la conférence de presse qui a fait suite à la réunion de la BCE en mars, son président, Mario Draghi, interrogé sur la possibilité de l’« helicopter money » (relance budgétaire continue), ne l’a pas écartée définitivement. Confronté à la même question une semaine plus tard, l’économiste en chef de la BCE, Peter Praet, semblait s’incliner en faveur de cette mesure.
Le Japon fait figure de pionnier en la matière, en raison du temps qu’a passé son économie empêtrée dans les affres de la déflation, mais aussi de sa place particulière dans l’économie régionale, qui le rend sensible aux risques croissants provenant de la Chine. L’économie chinoise représente 12 % du PIB mondial, mais près d’un tiers de la masse monétaire mondiale, et le crédit y progresse à un rythme de 30 à 40 % par an. Nous pensons que cet écart finira par être comblé au moyen d’une dévaluation brutale du renminbi ou d’une montée de l’inflation intérieure, qui réduira la valeur réelle des excédents monétaires de la Chine.
Nous sommes convaincus que le Japon envisage une réorientation de sa politique pour se protéger de la menace que constitue la Chine. Il devient de plus en plus évident que l’imposition des liquidités ne produit aucun résultat, notamment en raison du vieillissement de la population nippone. L’idée s’est rapidement répandue que le Japon prépare un paquet de mesures de relance situé dans une fourchette de 5 à 10 000 milliards JPY, notamment le report du relèvement prévu de la taxe à la consommation. Pour cela, Tokyo devra d’abord émettre des obligations supplémentaires. S’il s’agit, par exemple, d’une expansion budgétaire financée par l’émission d’obligations perpétuelles à coupon zéro que la BoJ doit acheter, cela revient à injecter de la « monnaie hélicoptère » (distribution généralisée d’argent aux consommateurs). À lui seul, l’assouplissement quantitatif ne constitue pas de la « monnaie hélicoptère », car, en échange des capitaux distribués aux banques, les banques centrales reçoivent des obligations d’État et d’autres actifs. La « monnaie hélicoptère » » repose aussi sur une politique publique de relance budgétaire.
Dans des circonstances normales, les gouvernements se maintiennent à l’écart de ces politiques, par craintes des pressions à la hausse sur les rendements à long terme des obligations de meilleure qualité et des répercussions négatives sur le déficit budgétaire, susceptibles d’entraîner un abaissement de la note souveraine. Il est de notre avis qu’en obligeant la BoJ à acheter des obligations perpétuelles à coupon zéro, il est possible d’atténuer ces effets indésirables.
À l’évidence, le choix de la monétisation de la dette à travers la « monnaie hélicoptère » constituerait une rupture avec la stratégie actuelle des États et des banques centrales. Cette possibilité de « monnaie hélicoptère » n’est peut-être pas imminente, mais le cheminement de la pensée des décideurs politiques ne fait pas de doute. Or, c’est ce qui guide nos vues à long terme sur le marché. En outre, cette évolution se produit dans un contexte où, selon le consensus, le niveau bas, voire négatif, des rendements doit inciter les investisseurs à accepter davantage de risque (de liquidité, de portage et de crédit) pour obtenir un surcroît de rendement. Toute distribution de « monnaie hélicoptère » aurait pour effet potentiel de baisser la devise et d’être encore plus destructeur de richesse. Les prix de certains marchés d’actifs n’offrent pas une marge de manœuvre suffisante pour supporter un tel revirement de la politique monétaire sans entraîner une destruction permanente de capitaux.
Dans ce contexte, les investisseurs doivent réfléchir à la composition de leur portefeuille dans la perspective d’une orientation des politiques vers une monétisation de la dette. Ce nouveau niveau de répression financière favoriserait clairement l’abandon des allocations long-only classiques et l’investissement dans des actifs liquides au détriment des actifs illiquides. L’or n’en deviendra que plus attrayant et les investisseurs pourraient être enclins à accroître leurs liquidités compte tenu du degré bien plus grand d’incertitude quant à l’orientation future de la politique monétaire. Les marchés d’actifs sont susceptibles d’afficher un regain de volatilité. Si le Japon est le premier à recourir à la « monnaie hélicoptère », le yen va probablement se déprécier (la relance budgétaire précédente tentée par le Japon en émettant des JGB dans les années 30 a entraîné une dévaluation soudaine de la monnaie nippone) et les investisseurs doivent également tenir compte de la possibilité d’une remontée soudaine des rendements à long terme si les banques centrales optent pour la monétisation.
Nous savons que ces points de vue auraient pu sembler exagérés jusque récemment. L’idée d’une éventuelle réorientation radicale de la politique monétaire faisant son chemin dans l’esprit des investisseurs, il nous semble prudent de conserver une approche dynamique du positionnement, car le timing sera, comme toujours, un élément important dans l’exploitation réussie de toute opportunité d’investissement. Néanmoins, le concept de « monnaie hélicoptère » est désormais au cœur du débat. De grandes banques d’affaires publient désormais des rapports d’analyse fondés sur l’hypothèse d’un recours à cette mesure et les journalistes interrogent les banquiers centraux pour savoir s’ils l’envisagent. Les investisseurs doivent être conscients des risques que pourrait engendrer cette réorientation possible de la politique monétaire.
Ce document est fourni à titre d'information uniquement et ne constitue pas une offre ou une recommandation d'acquérir ou de vendre un instrument financier ou un service.
[1] Andrew Hunt Economics Ltd, Analyse mondiale hebdomadaire, 7 avril 2016
Malgré un effet limité sur la croissance, l’assouplissement quantitatif a, dans une certaine mesure, fonctionné aux États-Unis, à travers les préférences de portefeuille. Les investisseurs ont été forcés d’abandonner les obligations d’État sans risque au profit des actifs risqués tels que les actions et le crédit, ce qui a poussé à la hausse les rendements des bons du Trésor, à mesure que les investisseurs privilégiaient les obligations aux actions. L’envolée des rendements a incité les investisseurs à croire que la reflation était proche et que la politique monétaire portait ses fruits. En revanche, la BCE et la BoJ, en plaçant les taux en territoire négatif, envoient un signal erroné en matière de prix et minent la confiance des investisseurs dans l’efficacité de la politique monétaire. Selon nous, les investisseurs ont toutes les raisons d’être inquiets : malgré les efforts des autorités, la croissance du crédit s’élève à seulement 50 milliards USD par an au Japon, dans une économie de 4 500 milliards USD, et s’avère encore plus anémique en zone euro, puisqu’elle atteint à peine 45 milliards USD, pour une économie régionale chiffrée à 16 000 milliards USD[1]. Les bienfaits d’une réduction des taux d’intérêt se sont taris.
Compte tenu de l’incapacité de la politique de taux d’intérêt négatifs à provoquer le redressement de leurs économies, les responsables politiques se préparent désormais à l’étape suivante, à savoir la réduction de la part de la dette dans le PIB pour faire repartir la croissance du PIB nominal. À la fin du mois de mars, le Premier ministre japonais Shinzo Abe a demandé que les dépenses du budget de 2016 soient concentrées, si possible, en début de période et qu’un nouveau train de mesures économiques soit adopté d’ici mai. Bien que son intervention ne soit pas aussi imminente, la BCE suit la même orientation. Lors de la conférence de presse qui a fait suite à la réunion de la BCE en mars, son président, Mario Draghi, interrogé sur la possibilité de l’« helicopter money » (relance budgétaire continue), ne l’a pas écartée définitivement. Confronté à la même question une semaine plus tard, l’économiste en chef de la BCE, Peter Praet, semblait s’incliner en faveur de cette mesure.
Le Japon fait figure de pionnier en la matière, en raison du temps qu’a passé son économie empêtrée dans les affres de la déflation, mais aussi de sa place particulière dans l’économie régionale, qui le rend sensible aux risques croissants provenant de la Chine. L’économie chinoise représente 12 % du PIB mondial, mais près d’un tiers de la masse monétaire mondiale, et le crédit y progresse à un rythme de 30 à 40 % par an. Nous pensons que cet écart finira par être comblé au moyen d’une dévaluation brutale du renminbi ou d’une montée de l’inflation intérieure, qui réduira la valeur réelle des excédents monétaires de la Chine.
Nous sommes convaincus que le Japon envisage une réorientation de sa politique pour se protéger de la menace que constitue la Chine. Il devient de plus en plus évident que l’imposition des liquidités ne produit aucun résultat, notamment en raison du vieillissement de la population nippone. L’idée s’est rapidement répandue que le Japon prépare un paquet de mesures de relance situé dans une fourchette de 5 à 10 000 milliards JPY, notamment le report du relèvement prévu de la taxe à la consommation. Pour cela, Tokyo devra d’abord émettre des obligations supplémentaires. S’il s’agit, par exemple, d’une expansion budgétaire financée par l’émission d’obligations perpétuelles à coupon zéro que la BoJ doit acheter, cela revient à injecter de la « monnaie hélicoptère » (distribution généralisée d’argent aux consommateurs). À lui seul, l’assouplissement quantitatif ne constitue pas de la « monnaie hélicoptère », car, en échange des capitaux distribués aux banques, les banques centrales reçoivent des obligations d’État et d’autres actifs. La « monnaie hélicoptère » » repose aussi sur une politique publique de relance budgétaire.
Dans des circonstances normales, les gouvernements se maintiennent à l’écart de ces politiques, par craintes des pressions à la hausse sur les rendements à long terme des obligations de meilleure qualité et des répercussions négatives sur le déficit budgétaire, susceptibles d’entraîner un abaissement de la note souveraine. Il est de notre avis qu’en obligeant la BoJ à acheter des obligations perpétuelles à coupon zéro, il est possible d’atténuer ces effets indésirables.
À l’évidence, le choix de la monétisation de la dette à travers la « monnaie hélicoptère » constituerait une rupture avec la stratégie actuelle des États et des banques centrales. Cette possibilité de « monnaie hélicoptère » n’est peut-être pas imminente, mais le cheminement de la pensée des décideurs politiques ne fait pas de doute. Or, c’est ce qui guide nos vues à long terme sur le marché. En outre, cette évolution se produit dans un contexte où, selon le consensus, le niveau bas, voire négatif, des rendements doit inciter les investisseurs à accepter davantage de risque (de liquidité, de portage et de crédit) pour obtenir un surcroît de rendement. Toute distribution de « monnaie hélicoptère » aurait pour effet potentiel de baisser la devise et d’être encore plus destructeur de richesse. Les prix de certains marchés d’actifs n’offrent pas une marge de manœuvre suffisante pour supporter un tel revirement de la politique monétaire sans entraîner une destruction permanente de capitaux.
Dans ce contexte, les investisseurs doivent réfléchir à la composition de leur portefeuille dans la perspective d’une orientation des politiques vers une monétisation de la dette. Ce nouveau niveau de répression financière favoriserait clairement l’abandon des allocations long-only classiques et l’investissement dans des actifs liquides au détriment des actifs illiquides. L’or n’en deviendra que plus attrayant et les investisseurs pourraient être enclins à accroître leurs liquidités compte tenu du degré bien plus grand d’incertitude quant à l’orientation future de la politique monétaire. Les marchés d’actifs sont susceptibles d’afficher un regain de volatilité. Si le Japon est le premier à recourir à la « monnaie hélicoptère », le yen va probablement se déprécier (la relance budgétaire précédente tentée par le Japon en émettant des JGB dans les années 30 a entraîné une dévaluation soudaine de la monnaie nippone) et les investisseurs doivent également tenir compte de la possibilité d’une remontée soudaine des rendements à long terme si les banques centrales optent pour la monétisation.
Nous savons que ces points de vue auraient pu sembler exagérés jusque récemment. L’idée d’une éventuelle réorientation radicale de la politique monétaire faisant son chemin dans l’esprit des investisseurs, il nous semble prudent de conserver une approche dynamique du positionnement, car le timing sera, comme toujours, un élément important dans l’exploitation réussie de toute opportunité d’investissement. Néanmoins, le concept de « monnaie hélicoptère » est désormais au cœur du débat. De grandes banques d’affaires publient désormais des rapports d’analyse fondés sur l’hypothèse d’un recours à cette mesure et les journalistes interrogent les banquiers centraux pour savoir s’ils l’envisagent. Les investisseurs doivent être conscients des risques que pourrait engendrer cette réorientation possible de la politique monétaire.
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[1] Andrew Hunt Economics Ltd, Analyse mondiale hebdomadaire, 7 avril 2016
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