Mercredi 7 Juin 2023
Anne-Laure Allain

La loi vue par…Arnaud Touati : « Loi influenceurs suite et fin : une victoire à la Pyrrhus ? »

Cette semaine notre chroniqueur - avocat ès Web3, Arnaud Touati a décidé de se pencher sur l’événement de ce début juin côté loi : l’adoption à l’unanimité de la proposition de loi « visant à mieux encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux »…Comprendre : « la loi influenceurs » adoptée donc, depuis le 1er juin.
Désormais, le statut « d’influenceurs » relève, d’une définition juridique ; à partir d’un « certain montant », la relation entre marque et « influenceur » doit être contractualisée ; La DGCCRF sera même dotée d’une « brigade de l’influence commerciale » constituée de 15 agents à temps plein.
Que des bonnes nouvelles, visant à protéger les consommateurs et à gagner en transparence quant à certaines pratiques commerciales. Mais qu’en est-il de la pratique pour l’univers de la crypto ? Arnaud Touati, avocat startups et nouvelles technologies au sein du cabinet Hashtag Avocats, reste en alerte. S’agirait-il d’une victoire à la Pyrrhus ? Le Diable se cacherait-il dans les détails ?


Attention, le diable se cache toujours dans les détails...

Au premier abord, on ne peut que se réjouir de la dernière mouture de la loi influenceurs permettant aux PSAN enregistrés de communiquer par ce biais.

On ne peut que se réjouir également que des sociétés non PSAN proposant des services liés aux crypto, puissent également en bénéficier : wallets physiques, solutions techniques, protocoles DeFi et autres NFT.

Pour autant, on oublie selon moi un point essentiel : seules les ICO avec Visa peuvent désormais faire appel à des influenceurs.

Or, trois problèmes se cumulent :

1, Tout d’abord, la définition des influenceurs est très large.
Il s'agit pour rappel de personnes qui contre rémunération ou avantages en nature, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer en ligne des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque.

Autrement dit, cela concerne tout le monde et sans distinction : les médias crypto spécialisés, les créateurs de contenus sur internet, les pages d’informations et de partages sur les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, Instagram ou Tiktok, jusqu’aux groupes de discussion Telegram ou Discord, générateurs de grosses communautés.

2️, Ensuite, la définition des NFT est très restrictive :
le régulateur appréhende désormais les NFT à l’aune de leur définition européenne MiCA, à savoir et uniquement : objets d’art numérique, objets de collection numériques, représentation de services ou actifs corporels, uniques et non fongibles.

Autrement dit, la portée de l'exclusion des NFT de la portée de la loi est limitée car la plupart des jetons (hors titres financiers) sont désormais qualifiés d’actifs numériques.

3️, Enfin les conditions d’obtention du Visa sont contraignantes :
Il faut être constitué sous la forme d’une personne morale établie ou immatriculée en France
Il faut produire un White Paper rédigé selon le plan type prévu à cet effet
Il faut mettre en place un procédé permettant le suivi et la sauvegarde des actifs recueillis (relativement contraignant)
Il faut mettre en place un dispositif permettant de respecter les obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (très contraignant pour une simple émission de jetons)
Il faut attendre que le régulateur ait donné son accord préalable pour lancer l'opération
Il faut enfin accepter que le Visa ne soit valable que six mois.

Autrement dit, ceci explique peut-être que seules quatre sociétés l'aient sollicité jusqu'à présent.

L’ironie de l’histoire, c’est que même le Visa Mica, qui sera obligatoire pour toutes les ICO à partir de janvier 2025, est moins contraignant que le Visa français, en plus de n’être qu’une notification au régulateur et non une autorisation préalable.

Il est ainsi à craindre, qu’en voulant sauver à juste titre le soldat PSAN, nous ayons peut-être un peu vite oublié le sort de tous les futurs émetteurs de jetons utilitaires…. Affaire à suivre.

A propos d’Arnaud Touati
Diplômé de droit des affaires des Universités Paris I Sorbonne, Paris II Assas et Chicago, Arnaud Touati a pratiqué le droit des affaires dans des cabinets anglo-américains, des grandes banques d’affaires mais également des structures de taille intermédiaire. Féru de nouvelles technologies, il s’interesse dès 2013 à l’entreprenariat en France et tout particulièrement aux startups avant de fonder en 2015 le cabinet Hashtag Avocats. Arnaud Touati est membre de l’incubateur du Barreau de Paris, il enseigne à l’Ecole de Formation du Barreau et dans plusieurs écoles de commerces renommées. Il participe également à de nombreux workshops et événements dans l’écosystème startups.
#Hashtag Avocats

Il est spécialisé dans le droit des cryptoactifs et a crée par ailleurs une superstructure du droit et du chiffre dédiée exclusivement à l’écosystème web3 : LawForCode

Note de la Rédaction :
Arnaud Touati s'exprime ici en son nom. Il ne s'agit en aucun cas de conseil en investissement ou de prise de position de Finyear. Mais d'une volonté journalistique d'offrir un éclairage le plus complet possible et de donner la parole à tous les points de vue. Les propos tenus dans cette réaction ne concernent que son auteur. Si Finyear opère un filtre éditorial, les opinions émises ne peuvent pas être considérées comme le reflet de la direction.

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