La CNIL refuse la création d’un fichier central de crédit - 13/04/2007 - Echos des séances

Le 8 mars 2007, la CNIL a refusé d’autoriser la création d’une base de données centralisée sur les crédits aux particuliers. L’objet de ce fichier était de permettre aux établissements de crédit intéressés de partager les renseignements dont ils disposent sur leurs clients et sur les crédits qu’ils leur ont octroyés.


Philippe NOGRIX
Ce n'est pas la première fois que la Commission se prononce sur la question des "centrales de crédit" ou "fichiers positifs" qui regroupent les encours de crédit de particuliers, sans qu'il soit tenu compte de l'existence ou non d'incidents de paiement. Déjà en 2005, elle a adopté un rapport sur les "centrales positives" dans lequel elle insistait sur les risques de détournement de finalité et, plus généralement, d'atteinte à la vie privée que présentent ces traitements. Depuis, elle a admis certains partages d'informations limités au sein de la communauté bancaire (cf. Échos des séances du 1er décembre 2006).

Le 8 mars 2007, la CNIL a examiné un projet de traitement ayant des finalités multiples : favoriser le développement maîtrisé du crédit, notamment auprès de populations qui en sont traditionnellement exclues, tout en réduisant le risque de surendettement des particuliers.

Le refus d'autoriser la mise en œuvre de ce traitement repose sur les motifs suivants :
Le traitement prévoyait, en l'absence de toute base législative, la transmission massive d'informations couvertes par le secret bancaire à une société, agissant en qualité de responsable du traitement, dont l'activité n'est pas soumise au secret bancaire.
La Commission a considéré que les caractéristiques du traitement n'étaient pas proportionnées aux finalités annoncées. En effet, la base de données devait comporter des données détaillées sur des contrats de crédit de nature très différente (crédit personnel, à la consommation, immobilier…) et sur les modalités de leur remboursement, pendant une durée pouvant être très longue. En outre, les données transmises aux établissements de crédit étaient susceptibles d'être conservées dans leurs propres traitements automatisés et, ainsi, d'être utilisées au-delà de l'instruction de la demande de crédit qui en avait initialement justifié la transmission, notamment à des fins de démarchage commercial. Dès lors, ce fichier risquait de favoriser un profilage économique des ménages concernés en permettant une estimation de leur niveau de revenus et de leur patrimoine immobilier acquis à crédit.
Les clients des établissements de crédit étaient invités à signer une clause de levée du secret bancaire au moment où ils demandaient un crédit, dans des conditions ne garantissant pas leur complète information sur les conséquences de leur signature, notamment sur les finalités des différents transferts de données envisagés, les utilisations qui pourraient en être faites et les établissements financiers susceptibles d'en bénéficier.
La Commission rappelé qu'elle considère que seul le Parlement aurait compétence pour se prononcer sur l'utilité sociale de la constitution de « fichiers positifs » dans le secteur du crédit. En effet, seule la loi pourrait préciser les finalités et le contenu de ces bases de données, les conditions dans lesquelles les emprunteurs personnes physiques pourraient choisir d'accepter ou non, de façon libre et éclairée, d'adhérer à un tel dispositif, les précautions à prendre pour encadrer l'accès des établissements de crédit aux données ainsi collectées afin d'en prévenir toute utilisation à d'autres fins, ainsi que les conséquences à prévoir au cas où un établissement conditionnerait l'attribution d'un crédit à l'acceptation par son client de l'enrichissement d'un fichier positif des encours de crédit.

Source : CNIL


14 avril 2007 : la CNIL maintient son refus des fichiers centraux de crédit

Le débat ne fait pas les gros titres des journaux. Il n'en existe pas moins depuis des années. Faut-il prévoir la création de fichiers centraux sur les crédits consentis aux particuliers, afin de permettre aux banques d'avoir un accès direct à des données sur le niveau et les conditions d'endettement des ménages ?

Des initiatives se sont récemment multipliées en faveur de tels fichiers : rapports officiels, propositions de loi, entreprises privées se positionnant sur ce marché encore virtuel. La controverse existe également au niveau de l'Union européenne, où ce type de fichiers existe dans huit pays.

L'idée est loin de faire l'objet d'un consensus en France. La plupart des autorités publiques ou professionnelles consultées ont émis des réserves sur la création de tels fichiers : sur leur finalité, certains s'interrogeant sur leur intérêt pour lutter contre un surendettement qui résulte le plus souvent d'accidents de la vie, par nature imprévisibles ; sur leur adéquation aux objectifs recherchés, dans la mesure où le crédit est loin d'être la seule source de dettes pour les ménages ; sur les risques de dérive vers une utilisation commerciale des données, vers la définition de normes d'endettement…

La CNIL intervient une nouvelle fois dans ce débat sur le terrain qui est le sien : la protection des libertés individuelles et de la vie privée. Saisie par un opérateur privé souhaitant créer un fichier positif accessible par tous les établissements de crédit acceptant de l'alimenter, elle a refusé cette création, en considérant que ce fichier n'était pas proportionné aux finalités annoncées et en l'absence d'un cadre législatif adéquat. Elle a également souhaité attirer l'attention des pouvoirs publics sur les conditions que devraient remplir d'éventuels projets de légalisation des fichiers centraux d'encours de crédits.

CNIL - Philippe NOGRIX, Commissaire
Sénateur de l'Ille-et-Vilaine
Secteur : Monnaie et crédit
Né le 3 Juin 1942 à Fougères (Ille-et-Vilaine), Philippe NOGRIX est diplômé d'études supérieures de chimie.
Il est conseiller municipal de Fougères de 1977 à 1989. Il devient conseiller général d'Ille-et- Vilaine (canton de Fougères-Sud) en 1985. Il est réélu en 1992 et 1998. Il exerce la fonction de vice-président du Conseil général d'Ille-et-Vilaine de 1988 à 2000.
Philippe NOGRIX est élu sénateur d'Ille-et-Vilaine en 1998. Il est vice Président de la Commission des affaires étrangères et de la défense Nationale.
Philippe NOGRIX est président national du GIP « Enfance Maltraitée » depuis mai 2002.
Il est membre de la Commission nationale de l'informatique et des libertés depuis octobre 2001

Mardi 17 Avril 2007


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