Jeudi 9 Septembre 2021
Laurent Leloup

Interview | Workiva, Nicolas Letavernier, Directeur France

Avec Nicolas Letavernier, Directeur France Workiva.


Pourriez-vous nous parler de l’activité de Workiva en France ? Depuis combien de temps la société est-elle présente ? Quelles sont les opportunités commerciales spécifiques du marché français et quels sont vos objectifs pour les cinq prochaines années ?

La France a longtemps été en première ligne en matière de reporting financier et extra-financier, notamment via les réglementations autour de l’ESG. Il apparaissait donc évident que ce marché représentait une opportunité majeure pour Workiva. Nous avons donc décidé d’investir dans la création d’une équipe locale dédiée, opérationnelle depuis bientôt trois ans maintenant.

Même si nous opérons dans le monde entier il est essentiel d’adopter une approche et une stratégie spécifique au marché français pour accompagner les projets de transformation de nos clients. Nous souhaitions leur offrir une expérience Workiva sur-mesure afin de les aider à relever les défis business et stratégiques.

A court terme, nous souhaitons aller au-delà du reporting financier et proposer d’autres cas d’utilisation de notre plateforme, notamment pour connecter et centraliser l’ensemble des rapports internes, améliorer la conformité et la gestion de la performance. L’objectif est aussi pour nous d’agrandir notre écosystème en développant des partenariats français (cabinets d’audit et de conseil, intégrateurs) et notre clientèle locale.

Vous avez récemment réalisé une étude sur les comportements autour de l’ESG, notamment en termes d’investissement. Pourriez-vous nous en dire plus sur les résultats de cette enquête ? Quels enseignements les entreprises et les gestionnaires d’actifs peuvent-ils en tirer ?

Avec l’annonce du SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) en mars 2021, Workiva a décidé de se pencher sur la réaction des investisseurs individuels à cette nouvelle réglementation. Les réglementations autour de l’ESG existent depuis de nombreuses années en France, nous ne sommes donc pas surpris que les entreprises françaises en connaissent très bien les enjeux. Ce qui est plus intéressant, c’est d’observer les réponses et les connaissances des générations les plus jeunes sur ce point. Selon les résultats de notre étude, 83 % des investisseurs âgés de 18 à 34 ans connaissent les dispositions de l’ESG en matière d’investissements, contre 70 % des plus de 55 ans.

En outre, les réponses montrent aussi que les performances liées à l’ESG commencent à prendre une place centrale. Plus de la moitié des répondants français déclarent que l’ESG sera un facteur crucial pour les décisions liées à leurs investissements. Les investisseurs veulent que l’impact sociétal et environnemental des performances leur soit présentés de manière fiable. 40 % des répondants font davantage confiance aux chiffres qu’à des descriptions qualitatives.

Ces résultats montrent que, pour les professionnels, la présentation des résultats de l’entreprises est tout aussi importante que la simplification du processus de reporting financier en amont. La nouvelle génération d’investisseurs exigera davantage de transparence. Les gestionnaires devront donc prendre en compte ces besoins lors de la création des portefeuilles d’actifs.

La France est en première ligne de l’ESG. Le gouvernement a récemment créé « Impact », une plate-forme dédiée au reporting sur les initiatives durables et environnementales. Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les entreprises françaises aujourd’hui en matière de reporting ?

Les exigences réglementaires autour du reporting ESG sont déjà très présentes en France. Cependant, de nombreux défis restent encore à relever. L’accès aux données nécessaires au reporting et aux différents contrôles posent encore des difficultés, notamment lorsque plusieurs départements d’une même entreprise sont impliqués. À mesure que de nouvelles réglementations sont mises en place, les CFO ont besoin d’informations de toute source, parfois difficiles à compiler à cause des silos internes. La crise sanitaire et le télétravail n’ont pas arrangé la situation car les données sont encore plus disparates. La collecte de celles-ci peut parfois s’avérer complexe en fonction de la source et l’efficacité du processus de reporting peut donc en pâtir.

L’environnemental, le sociétal et la gouvernance deviennent des indicateurs majeurs selon lesquels les entreprises sont aujourd’hui évaluées. L’impact « green » des sociétés sur chacune de leur activité devra être communiqué de manière transparente aux parties prenantes. Or, les entreprises n’ont pas toujours eu les outils adaptés. Avec les bons outils, elles seront en mesure de compiler les données dont elles ont besoin, de manière efficace, rapide, et avec à la clé, un reporting simplifié.

Les exigences en matière de reporting ne font qu’évoluer. En France, le reporting RSE est obligatoire pour les entreprises cotées depuis 2001 suite à la loi NRE relative aux nouvelles régulations économiques. Plusieurs changements ont été opérés entre temps. Le reporting financier a été étendu via la déclaration de performance extra-financière (DPEF) pour la mise en conformité avec la directive européenne NFRD (Non-Financial Reporting Directive) et la publication des informations non financières en 2014. La Commission européenne a publié en avril 2021 une première version de la révision du NFRD, puis de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). Comment les entreprises peuvent-elles s’adapter rapidement à ces nouvelles directives ?

Les entreprises peuvent faire face à quelques difficultés lorsqu’il s’agit de suivre le rythme des nouvelles réglementations. Le délai entre les annonces et la mise en œuvre des réglementations leur offre certes une marge de manœuvre mais elles ont besoin de temps pour les comprendre et ajuster leurs processus. Avec la standardisation des rapports réglementaires, comme l’arrivée du format électronique unique européen (ESEF), les entreprises ont une occasion de centraliser et d’harmoniser leurs processus internes.

Elles doivent dans un premier temps faire un état des lieux de leur processus actuel et d’en comprendre les rouages afin d’identifier les pistes d’amélioration. Où se situent les goulots d’étranglement ? Quelles sont les phases les plus chronophages ou coûteuses ? Et quels outils et savoirs utiliser pour les optimiser ?

Ce n’est qu’en cherchant les réponses à ces questions qu’elles seront en mesure de mettre en place de nouveaux processus et une gouvernance efficace pour simplifier leur reporting.

Enfin, point important : les entreprises ne sont pas seules. Elles peuvent être accompagnées par des experts externes pour les aider à comprendre les nouvelles réglementations et les conseiller.

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