Interview | Trimane, expert en BIG DATA et BI

Avec Lionel RIGAUD, Président de Trimane.


Pour commencer, pouvez-vous présenter TRIMANE en quelques mots ?

TRIMANE est une entreprise de service numérique spécialisée dans le domaine de la Data Intelligence. La data Intelligence regroupe les outils, moyens et méthodes permettant à des utilisateurs non informaticiens de valoriser au mieux leurs données. Nous intervenons à tout niveau du cycle de vie des projets autour de la data : cela va du développement de tableaux de bord au conseil en stratégie pour aider les entreprises à devenir Data Centric en passant par la mise en place de systèmes complets clés en main et par la formation.

Notre grande spécificité dans le monde des ESN est de disposer, en interne, d’une entité Recherche et Développement, testant la faisabilité en conditions industrielles des nouvelles approches mais également d’un laboratoire de recherche qui travaille à définir ces nouvelles approches (en collaboration avec les écoles d’ingénieurs et les universités).

Nous travaillons dans tous les secteurs d'activités (banque, industrie, public, santé,…) et disposons de partenariats avec les principaux éditeurs du marché.

Dans quel contexte avez-vous créé Trimane ?

J’ai créé TRIMANE en Avril 2005. À cette époque j’étais à la fois directeur technique d’une ESN et j’enseignais la business intelligence dans une école d’ingénieur. Je me suis aperçu que les personnes disposant de réelles compétences en business intelligence étaient très rares. Il était fréquent de voir des personnes ou des sociétés se mettre en avant en tant qu’expert BI dès qu’elles connaissaient un outil BI, même si elles n’avaient aucune compétence méthodologique dans le domaine.
Ceci m’a donné envie de créer une société spécialisée dans la business intelligence. L’approche de la société était double :
⮚ Créer une société composée de vrais experts en business intelligence capable de prendre en main toutes les facettes d’un projet et de fournir des projets clefs en main avec un haut niveau de qualité,
⮚ Créer un système de business intelligence accessible à tous : il doit pouvoir être installé, administré, utilisé et exploité par tout le monde sans avoir besoin de formation.
Ces deux approches ont impliqué un recrutement très sélectif : uniquement des personnes disposant à la fois de compétences en informatique, d’une spécialisation en business intelligence et capable d’avoir une approche métier et business avec les clients. Nous avons donc décidé dès le départ d’une croissance maîtrisée et sélective.

Aujourd’hui, nous avons appris que vous aviez été racheté par Blockchain Group ; dans quel cadre et pourquoi ce rapprochement ?

Nous avons décidé d’un rapprochement car nos deux sociétés ont une approche et une vision très similaires que ce soit sur l’approche métier ou notre vision humaine. En effet, comme dit précédemment, TRIMANE souhaite démocratiser l’accès à l’information. The Blockchain Group a pour ambition de démocratiser l’accès aux projets blockchain en mettant en place des solutions de blockchain qui soient un atout pour nos clients. Par ailleurs un projet blockchain implique un part non négligeable de traitement et de valorisation de la donnée : c’est dans ce cadre que ce rapprochement prend toute sa valeur. La complémentarité en termes d’approche client est un autre des points primordiaux qui a fait de ce rapprochement une évidence.

Souhaitez-vous aller plus loin dans l’analyse de la blockchain ?

L’objectif est effectivement d’utiliser les capacités offertes par la Data Science pour analyser les différents items issus de la blockchain. En effet, nous envisageons d’utiliser le savoir-faire de TRIMANE pour mettre en place des solutions de dataviz sur les projets blockchain. Nos équipes de recherche travaillent déjà conjointement sur plusieurs projets impliquant du machine learning et de la blockchain. Ce travail sera amplifié dans les prochains mois avec la création d’un laboratoire dédié à la recherche autour des interfaces entre la data Intelligence (et en particulier le machine learning) et la blockchain.

Combien de collaborateurs comptez-vous ? Avez-vous une volonté d’agrandir vos équipes ?

Le groupe TRIMANE compte un peu moins d’une centaine de collaborateurs. Nous envisageons de doubler de taille dans les trois ans à venir, tout en gardant intact les valeurs qui ont animées TRIMANE. Cette croissance sera effectuée de la manière suivante :
⮚ 2/3 de croissance interne en France : cette croissance sera rendue possible par l’apport du groupe sur les aspects recrutements et communication,
⮚ 1/3 de croissance effectué via nos entités à l’étranger que ce soit en Amérique du Nord ou nos spin-off à venir en Afrique de l’Ouest.

Aujourd’hui, on parle beaucoup d’interprétation data pendant la pandémie et surtout comment prédire des nouveaux cas ; qu’en pensez-vous ?

La plus grande valeur ajoutée de la data Intelligence est de permettre de « faire parler » les données pour en tirer des enseignements et pouvoir prendre des décisions éclairées. Toutefois il est important de garder à l’esprit que les indicateurs ainsi définis doivent être pertinents, non isolés et doivent s’analyser avec une vision globale et non de manière unitaire. Par exemple l’analyse unique des nouveaux cas ne permet pas d’analyser l’évolution de l’épidémie ; cet indicateur augmentera mécaniquement dans le cas de campagne de tests massives et baissera les jours fériés. Toutefois le fait de le corréler à l’évolution du taux de positivité permet d’avoir une idée beaucoup plus fiable de la situation. Finalement étant donné le temps d’incubation nous savons que toute action va avoir une période de latence de quelques jours avant de produire des résultats sur cet indicateur. L’intérêt majeur de ces indicateurs est de fournir une vision avancée de la tension en réanimation (car il y a un délai moyen de quelques jours entre une contamination et un entré en réanimation) et de permettre de prendre les décisions adéquates à ce sujet.
Ensuite l’utilisation de techniques de data Science permet de mettre en place des modèles mathématiques basés sur les données existantes. Ces modèles permettent de prédire de nouveaux cas et l’évolution de la pandémie en fonction de différentes hypothèses.

Mis à part le secteur de la santé, dans quel domaine la data intelligence doit-elle être utilisée ?

La Data Intelligence peut être utilisée dans tous les secteurs d’activités utilisant de la data. Nous travaillons par exemple dans le secteur bancaire, industrie, secteur public, énergie, collectivités locales, ministères,…

L’essentiel n’est pas tant le secteur d’activité ou la taille de la société que la quantité de données manipulées. Ce sont ces données que nous allons faire parler de manière à permettre à un décideur d’avoir toutes les clefs pour piloter son activité.

De manière globale il faut penser qu’aujourd’hui toutes les entités manipulent un volume de données très important. Ces données sont souvent disséminées dans différents endroits avec des niveaux de pertinence très variables. Il est donc quasiment impossible à un décideur d’avoir une vision d’ensemble s’il n’a pas des tableaux de bords synthétiques lui fournissant les indicateurs qu’il souhaite utiliser pour le pilotage de son activité.

En ce qui concerne les prochaines innovations dans la data intelligence, quels sont les freins ?

En fait je vais distinguer deux types d’innovation : les innovations technologiques et les innovations industrialisables.

Il y a aujourd’hui peu de freins aux nouvelles innovations technologiques. En effet les freins étaient les problématiques de stockage, de rapidité de calcul, de connexion et de puissance de calcul. Ces freins ont été progressivement levés ces dernières années, ce qui a permis la création d’outil de type big data ou la mise en place de démarche de type Data Science. Si on veut vraiment pousser certains algorithmes d’optimisation il peut subsister un frein sur la puissance de calcul, frein qui pourrait être levé dans le futur avec l’augmentation naturelle des puissances de calculs voire les ordinateurs quantiques.

Par contre, il est beaucoup plus compliqué d’industrialiser les dernières innovations technologiques. Ces innovations nécessitent souvent d’avoir une vision très précise des données dans l’entreprise et une qualité de données parfaite. Il n’est pas rare qu’une même donnée soit référencée à plusieurs endroits dans une entreprise avec des noms et des valeurs différentes. De même certaines données stratégiques peuvent être modifiés par plusieurs personnes ou application : on peut ainsi perdre la traçabilité de l’information. Finalement les données peuvent comporter des erreurs (problématiques de saisies, de changements de cadre).
Utiliser ces données peut donc amener à avoir des indicateurs erronés ou remettre totalement en cause une démarche d’optimisation.

La problématique principale aujourd’hui n’est donc pas l’innovation technologique mais la mise en place, au sein des entreprises, d’une démarche de Data Governance permettant de recenser, identifier, qualifier, valider et gérer la donnée. Cette démarche peut impliquer des changements d’organisation ou structurels importants et nécessite une forte disponibilité des acteurs. Elle est donc malheureusement souvent le parent pauvre des projets de Data Intelligence.

Pensez-vous que l’utilisation de la donnée doit être protégée et qu’il faille créer une souveraineté numérique ?

La donnée constitue aujourd’hui un gisement de valeur et de productivité phénoménal. Puisqu’elle est créée par toutes les forces vives d’une nation on pourrait même la comparer à une ressource naturelle. A ce titre, il est évident qu’elle doit être gérée, valorisée et protégée.

Étant donné que l’aspect numérique traverse facilement les frontières, je préfère parler de pilotage numérique que de souveraineté numérique. Ce pilotage doit permettre d’allier protection de la vie privée, développement des entreprises numériques, productivité des entreprises et optimisation de l’utilisation de la donnée.

Mercredi 8 Septembre 2021


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