Pouvez-vous présenter LexisNexis® Risk Solutions et expliquer votre rôle au sein de l'entreprise ?
LexisNexis® Risk Solutions permet aux entreprises d'améliorer les processus de prise de décision en matière de risques en leur donnant accès à des données et à des outils analytiques avancés. Nos solutions sont utilisées par des entreprises dans de multiples secteurs. Pour les entreprises du secteur financier en particulier, nous proposons des outils de lutte contre la fraude et la criminalité financière.
Je travaille en tant qu'expert sur les questions de conformité en matière de criminalité financière, essentiellement les sanctions économiques, les obligations en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (LCB/FT). Mon rôle est de suivre l'évolution des exigences réglementaires et des typologies de risques afin de fournir les meilleures solutions possibles à nos clients.
Vous avez analysé l'activité récente en matière de sanctions. Quels sont les enseignements que vous avez tirés ? Avez-vous identifié des tendances spécifiques ?
Les entreprises en France et ailleurs ont connu un semestre historiquement chargé en matière de sanctions internationales. Le conflit Russie/Ukraine a entraîné une augmentation sans précédent des sanctions de la part d'organismes supranationaux tels que l'UE et des gouvernements nationaux, en particulier en Amérique du Nord et en Europe. Des mesures ont également été prises par des pays n'appartenant pas au bloc occidental traditionnel, notamment Singapour, le Japon et la Corée du Sud, ainsi que par des pays des Balkans et d'Europe orientale. Il y a de nombreux enseignements à tirer de cette situation :
• Nous avons vu toute la gamme des mesures restrictives mises en œuvre contre la Russie, ses entreprises stratégiques et ses individus clés. Il s'agit notamment de sanctions financières ciblées, dont des gels d'avoirs, des exclusions du système SWIFT, des restrictions sur les marchés de capitaux ou les services de correspondance bancaires, etc. Divers contrôles supplémentaires des exportations et des sanctions commerciales ont également été imposés, restreignant les importations et les exportations de nombreux articles, marchandises et services à destination ou en provenance de la Russie. Les autres interdictions comprenaient, entre autres, des interdictions de survol et d'accès aux ports de l'UE et des interdictions de diffusion sur les organes d'information financés par le gouvernement russe.
• L'absence de sanctions adoptées par l'ONU en relation avec le conflit révèle une nette polarisation de la communauté internationale. Il y a deux conséquences directes : a.) Un certain recul des sanctions multilatérales : Les sanctions de l'ONU sont parmi les plus efficaces car elles sont contraignantes pour tous les États membres de l'ONU et sont donc plus difficiles à contourner pour les cibles. b.) Des situations de divergence, voire de conflit de lois, par exemple lorsque certaines banques font l'objet d'un gel total de leurs avoirs par un régulateur mais ne sont soumises qu'à des restrictions financières plus étroites et plus spécifiques par d'autres.
• Les sanctions apparues au cours du premier semestre 2022 ont amplifié les tendances que nous observions à plus long terme : Une augmentation des entités listées, des mises à jour fréquentes des listes et une sophistication accrue des mesures imposées. Chacun de ces éléments représente un défi opérationnel pour les entreprises.
Le conflit entre l'Ukraine et la Russie a eu une influence majeure sur les décisions des principaux régulateurs. Quels organismes internationaux émettent le plus de sanctions ?
Le conflit a occupé l'attention des principales agences ou organismes imposant des sanctions économiques tout au long du premier semestre 2022. Les sanctions ont principalement été imposées par des pays individuels, à l'exception notable de l'Union européenne qui met en œuvre une politique étrangère et de sécurité commune et a pour mandat de proposer des mesures restrictives aux États membres de l'UE.
À ce jour, la plus grande liste de personnes soumises à des sanctions financières est celle administrée par l'Office of Foreign Assets Control (OFAC) du département du Trésor américain. Cette liste de ressortissants spécialement désignés et de personnes bloquées (Specially Designated Nationals and Blocked Persons List) a dépassé les 10 000 entrées au premier trimestre de cette année. En 20 ans, la taille de la liste de l'OFAC a été multipliée par plus de dix, avec une croissance quasi linéaire quel que soit le parti politique de l'administration. À titre de comparaison, la liste européenne comptait environ 2 400 entrées à la fin de 2021, tous programmes de sanctions confondus. Les désignations liées au conflit ont dépassé les 1 200 personnes et entités, ce qui représente une augmentation de 50 % de la taille de la liste européenne au premier semestre 2022. La liste du Trésor britannique (HMT - OFSI), désormais indépendante de la liste de l'UE, a suivi une trajectoire similaire.
Les listes de l'ONU, de l'OFAC, de l'UE et du Royaume-Uni constituent le "Big 4" des processus de conformité aux sanctions pour les entreprises internationales. La liste de l'ONU représente la norme minimale, théoriquement applicable dans les 193 États membres de l'ONU. La liste de l'OFAC constitue une catégorie à part en raison des critères de compétence étendus invoqués par les États-Unis et des mesures de grande envergure prises par l'OFAC pour faire respecter ses sanctions et punir les contrevenants.
Selon vous, ces sanctions internationales sont-elles suffisantes pour protéger les entreprises contre la criminalité financière ? Ces sanctions sont-elles faciles à contourner ?
Les sanctions internationales sont des instruments de politique étrangère utilisés pour éviter ou limiter l'ampleur des conflits armés ou des crises de sécurité, ainsi que pour promouvoir certaines valeurs comme les droits de l'homme. Les régulateurs exigent de leurs ressortissants qu'ils agissent conformément à ces objectifs de politique étrangère. Les sanctions ne sont pas conçues comme des "protections" pour les entreprises.
Les professionnels de l'écosystème international des sanctions s'efforcent de mettre en œuvre efficacement ces mesures restrictives et de les rendre plus difficiles à contourner, même s'il serait naïf de croire que les sanctions peuvent, d'un trait de plume, paralyser complètement ou forcer un groupe terroriste ou des acteurs malhonnêtes à cesser toute activité. Cela ne signifie pas que les sanctions sont faciles à contourner, mais l'efficacité des sanctions reste sujette à débat.
Néanmoins, en matière de sanctions, il existe une obligation de résultat qui correspond à la responsabilité stricte dans les systèmes juridiques américain et britannique. Le secteur privé doit se conformer aux sanctions, ce qui inclut la mise en place d'un programme de conformité aux sanctions. Un aspect crucial des programmes de conformité est que les entreprises tiennent compte immédiatement des nouvelles versions des listes de sanctions afin d'éviter la fuite des avoirs et des ressources économiques au moment de la publication des sanctions.
Pour prévenir les tentatives de contournement des sanctions, il est également important que les équipes de conformité recueillent des informations détaillées sur les structures de détention et de contrôle des clients personnes morales, de développer une visibilité claire sur les chaînes d'approvisionnement et de comprendre leur exposition aux territoires sanctionnés ou à risque. Pour les activités liées au commerce international (exportation, logistique, financement ou assurance), les équipes de conformité doivent prendre en compte des facteurs de risque supplémentaires liés à la nature des biens physiques qui peuvent être soumis à des contrôles spécifiques et aux nombreux intervenants impliqués (navires, intermédiaires, etc.).
Quels types de sanctions posent le plus de problèmes aux professionnels de la conformité ?
Les défis sont multiples dans un contexte où l'on assiste non seulement à une expansion du nombre de programmes de sanctions et de cibles de sanctions, mais aussi à une complexité accrue du contenu des mesures restrictives elles-mêmes.
La définition des cibles implicites - une subtilité réglementaire qui peut sembler très triviale à première vue - a des conséquences massives et est connue sous le nom de règle des 50 % : si une entité est détenue à 50 % ou plus par une personne sanctionnée, cette entité est elle-même concernée par les mesures appliquées à sa société mère. Ce principe existe avec quelques nuances dans les réglementations américaines, européennes et britanniques. Pour les sanctions européennes par exemple, cela inclut également les entités "contrôlées" par les personnes sanctionnées.
Les sociétés détenues ou contrôlées par des entités sanctionnées ne figurent pas toujours sur les listes officielles. Par conséquent, pour une seule entité ajoutée à la liste officielle, comme un conglomérat international ou un riche oligarque, ce sont potentiellement des centaines d'autres entités qui sont également sanctionnées, mais de manière implicite. Pour les professionnels de la conformité, il est donc à la fois extrêmement important et difficile de connaître les structures de détention de leurs contreparties personnes morales et d'enrichir les listes de sanctions officielles avec ces cibles implicites.
En outre, nous observions une augmentation significative de la complexité des sanctions elles-mêmes. Depuis 2014-2015 et l'annexion illégale de la Crimée, nous assistons à des "sanctions sectorielles" qui introduisent des restrictions spécifiques liées à des catégories d'activité telles que les services financiers ou le secteur de l'énergie.
Le défi de la conformité consiste non seulement à identifier les entités répertoriées dans le cadre de ces mesures, mais aussi à analyser si la transaction ou la relation d'affaires sous-jacente entre ou non dans le cadre de ces restrictions sectorielles.
Selon vous, comment les professionnels de la conformité peuvent-ils faire face efficacement aux nouveaux défis posés par ces sanctions ?
La conformité aux sanctions nécessite une approche programmatique car l'exposition au risque varie d'une entreprise à l'autre. Il n'existe pas de formule magique pour se prémunir contre le risque de violation des sanctions, mais il s'agit plutôt d'une combinaison de ressources et de processus. Le fondement d'un système de conformité aux sanctions est l'expertise humaine. Les équipes chargées de la conformité doivent être formées à ces questions afin de définir des processus opérationnels pour :
• Évaluer l'exposition au risque de l'entreprise.
• Mettre en place des contrôles de conformité qui permettront de détecter les transactions impliquant des entités, des activités ou des juridictions soumises à des sanctions.
• Gérer les situations complexes et/ou mettre en œuvre les mesures restrictives, conformément à la réglementation applicable.
• Maintenir l’évaluation des risques et les contrôles à jour.
• Diffuser une culture de la conformité dans toute l'organisation, en formant le personnel pour qu'il comprenne les enjeux, les meilleures pratiques de conformité et les sanctions en cas de non-conformité.
Pour alimenter ce dispositif de conformité, des technologies de filtrage et des données spécialisées aident à détecter les risques potentiels. Bien que les régulateurs n'aient pas d'exigences spécifiques dans ce domaine, les contrôles de conformité doivent être proportionnés et adaptés à la taille et à la complexité des activités d'une entreprise. Par exemple, les outils de filtrage doivent détecter les correspondances partielles entre des chaînes de textes comme les noms et, le cas échéant, être capables de translittérer ou de romaniser les caractères non latins. Des fonctionnalités plus avancées permettent de détecter les transactions liées ou falsifiées.
On ne saurait trop insister sur l'importance de la qualité des données pour les contrôles de conformité aux sanctions. Les équipes chargées de la conformité doivent avoir accès à des ensembles de données précis et complets sans délai. Dans le domaine des sanctions internationales, la rapidité de mise en œuvre est essentielle, car les cibles des sanctions cherchent souvent à délocaliser leurs actifs hors de la juridiction des pays émetteurs. Les données des listes de sanctions et les données internes sur les tiers et les transactions doivent donc faire partie d'un programme cohérent, à jour et bien structuré. En ce qui concerne les listes de sanctions, de nombreuses entreprises font appel à des fournisseurs externes pour obtenir des données de qualité sur les sanctions. Les fournisseurs sont souvent en mesure d'améliorer les publications officielles en optimisant la structure et le format de la liste tout en fournissant des points de données supplémentaires tels que des codes ou des identifiants et des entrées additionnelles telles que les entités possédées ou contrôlées par les cibles des sanctions. Il est essentiel de se concentrer sur la qualité des données pour maximiser la qualité de la détection des risques de sanctions.
La plupart des entreprises ayant un niveau significatif d'exposition à l’internationale sont désormais conscientes des risques de violation des règlementations sanctions et utilisent des technologies et des données spécialisées dans le cadre de leurs programmes de conformité. Leurs processus et outils leur permettent de prendre compte les risques de sanctions très rapidement après leur publication. Les équipes conformité compétentes restent essentielles pour analyser les alertes et les risques potentiels et pour prendre des décisions adaptées.
Pour conclure, il est important de maintenir les programmes de conformité aux sanctions à jour : testez et surveillez en permanence les contrôles et leurs résultats ; tenez compte de l'évolution de l'exposition de votre entreprise aux risques de sanctions, non seulement lorsque les listes sont mises à jour, mais aussi lorsque votre programme d'activités change, notamment en cas de nouvelles implantations de bureaux, de fusions et d'acquisitions et de nouveaux types de clients ou d'activités.
La conformité est une trajectoire. Il est dangereux de penser que vous êtes arrivé à destination.
LexisNexis® Risk Solutions permet aux entreprises d'améliorer les processus de prise de décision en matière de risques en leur donnant accès à des données et à des outils analytiques avancés. Nos solutions sont utilisées par des entreprises dans de multiples secteurs. Pour les entreprises du secteur financier en particulier, nous proposons des outils de lutte contre la fraude et la criminalité financière.
Je travaille en tant qu'expert sur les questions de conformité en matière de criminalité financière, essentiellement les sanctions économiques, les obligations en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (LCB/FT). Mon rôle est de suivre l'évolution des exigences réglementaires et des typologies de risques afin de fournir les meilleures solutions possibles à nos clients.
Vous avez analysé l'activité récente en matière de sanctions. Quels sont les enseignements que vous avez tirés ? Avez-vous identifié des tendances spécifiques ?
Les entreprises en France et ailleurs ont connu un semestre historiquement chargé en matière de sanctions internationales. Le conflit Russie/Ukraine a entraîné une augmentation sans précédent des sanctions de la part d'organismes supranationaux tels que l'UE et des gouvernements nationaux, en particulier en Amérique du Nord et en Europe. Des mesures ont également été prises par des pays n'appartenant pas au bloc occidental traditionnel, notamment Singapour, le Japon et la Corée du Sud, ainsi que par des pays des Balkans et d'Europe orientale. Il y a de nombreux enseignements à tirer de cette situation :
• Nous avons vu toute la gamme des mesures restrictives mises en œuvre contre la Russie, ses entreprises stratégiques et ses individus clés. Il s'agit notamment de sanctions financières ciblées, dont des gels d'avoirs, des exclusions du système SWIFT, des restrictions sur les marchés de capitaux ou les services de correspondance bancaires, etc. Divers contrôles supplémentaires des exportations et des sanctions commerciales ont également été imposés, restreignant les importations et les exportations de nombreux articles, marchandises et services à destination ou en provenance de la Russie. Les autres interdictions comprenaient, entre autres, des interdictions de survol et d'accès aux ports de l'UE et des interdictions de diffusion sur les organes d'information financés par le gouvernement russe.
• L'absence de sanctions adoptées par l'ONU en relation avec le conflit révèle une nette polarisation de la communauté internationale. Il y a deux conséquences directes : a.) Un certain recul des sanctions multilatérales : Les sanctions de l'ONU sont parmi les plus efficaces car elles sont contraignantes pour tous les États membres de l'ONU et sont donc plus difficiles à contourner pour les cibles. b.) Des situations de divergence, voire de conflit de lois, par exemple lorsque certaines banques font l'objet d'un gel total de leurs avoirs par un régulateur mais ne sont soumises qu'à des restrictions financières plus étroites et plus spécifiques par d'autres.
• Les sanctions apparues au cours du premier semestre 2022 ont amplifié les tendances que nous observions à plus long terme : Une augmentation des entités listées, des mises à jour fréquentes des listes et une sophistication accrue des mesures imposées. Chacun de ces éléments représente un défi opérationnel pour les entreprises.
Le conflit entre l'Ukraine et la Russie a eu une influence majeure sur les décisions des principaux régulateurs. Quels organismes internationaux émettent le plus de sanctions ?
Le conflit a occupé l'attention des principales agences ou organismes imposant des sanctions économiques tout au long du premier semestre 2022. Les sanctions ont principalement été imposées par des pays individuels, à l'exception notable de l'Union européenne qui met en œuvre une politique étrangère et de sécurité commune et a pour mandat de proposer des mesures restrictives aux États membres de l'UE.
À ce jour, la plus grande liste de personnes soumises à des sanctions financières est celle administrée par l'Office of Foreign Assets Control (OFAC) du département du Trésor américain. Cette liste de ressortissants spécialement désignés et de personnes bloquées (Specially Designated Nationals and Blocked Persons List) a dépassé les 10 000 entrées au premier trimestre de cette année. En 20 ans, la taille de la liste de l'OFAC a été multipliée par plus de dix, avec une croissance quasi linéaire quel que soit le parti politique de l'administration. À titre de comparaison, la liste européenne comptait environ 2 400 entrées à la fin de 2021, tous programmes de sanctions confondus. Les désignations liées au conflit ont dépassé les 1 200 personnes et entités, ce qui représente une augmentation de 50 % de la taille de la liste européenne au premier semestre 2022. La liste du Trésor britannique (HMT - OFSI), désormais indépendante de la liste de l'UE, a suivi une trajectoire similaire.
Les listes de l'ONU, de l'OFAC, de l'UE et du Royaume-Uni constituent le "Big 4" des processus de conformité aux sanctions pour les entreprises internationales. La liste de l'ONU représente la norme minimale, théoriquement applicable dans les 193 États membres de l'ONU. La liste de l'OFAC constitue une catégorie à part en raison des critères de compétence étendus invoqués par les États-Unis et des mesures de grande envergure prises par l'OFAC pour faire respecter ses sanctions et punir les contrevenants.
Selon vous, ces sanctions internationales sont-elles suffisantes pour protéger les entreprises contre la criminalité financière ? Ces sanctions sont-elles faciles à contourner ?
Les sanctions internationales sont des instruments de politique étrangère utilisés pour éviter ou limiter l'ampleur des conflits armés ou des crises de sécurité, ainsi que pour promouvoir certaines valeurs comme les droits de l'homme. Les régulateurs exigent de leurs ressortissants qu'ils agissent conformément à ces objectifs de politique étrangère. Les sanctions ne sont pas conçues comme des "protections" pour les entreprises.
Les professionnels de l'écosystème international des sanctions s'efforcent de mettre en œuvre efficacement ces mesures restrictives et de les rendre plus difficiles à contourner, même s'il serait naïf de croire que les sanctions peuvent, d'un trait de plume, paralyser complètement ou forcer un groupe terroriste ou des acteurs malhonnêtes à cesser toute activité. Cela ne signifie pas que les sanctions sont faciles à contourner, mais l'efficacité des sanctions reste sujette à débat.
Néanmoins, en matière de sanctions, il existe une obligation de résultat qui correspond à la responsabilité stricte dans les systèmes juridiques américain et britannique. Le secteur privé doit se conformer aux sanctions, ce qui inclut la mise en place d'un programme de conformité aux sanctions. Un aspect crucial des programmes de conformité est que les entreprises tiennent compte immédiatement des nouvelles versions des listes de sanctions afin d'éviter la fuite des avoirs et des ressources économiques au moment de la publication des sanctions.
Pour prévenir les tentatives de contournement des sanctions, il est également important que les équipes de conformité recueillent des informations détaillées sur les structures de détention et de contrôle des clients personnes morales, de développer une visibilité claire sur les chaînes d'approvisionnement et de comprendre leur exposition aux territoires sanctionnés ou à risque. Pour les activités liées au commerce international (exportation, logistique, financement ou assurance), les équipes de conformité doivent prendre en compte des facteurs de risque supplémentaires liés à la nature des biens physiques qui peuvent être soumis à des contrôles spécifiques et aux nombreux intervenants impliqués (navires, intermédiaires, etc.).
Quels types de sanctions posent le plus de problèmes aux professionnels de la conformité ?
Les défis sont multiples dans un contexte où l'on assiste non seulement à une expansion du nombre de programmes de sanctions et de cibles de sanctions, mais aussi à une complexité accrue du contenu des mesures restrictives elles-mêmes.
La définition des cibles implicites - une subtilité réglementaire qui peut sembler très triviale à première vue - a des conséquences massives et est connue sous le nom de règle des 50 % : si une entité est détenue à 50 % ou plus par une personne sanctionnée, cette entité est elle-même concernée par les mesures appliquées à sa société mère. Ce principe existe avec quelques nuances dans les réglementations américaines, européennes et britanniques. Pour les sanctions européennes par exemple, cela inclut également les entités "contrôlées" par les personnes sanctionnées.
Les sociétés détenues ou contrôlées par des entités sanctionnées ne figurent pas toujours sur les listes officielles. Par conséquent, pour une seule entité ajoutée à la liste officielle, comme un conglomérat international ou un riche oligarque, ce sont potentiellement des centaines d'autres entités qui sont également sanctionnées, mais de manière implicite. Pour les professionnels de la conformité, il est donc à la fois extrêmement important et difficile de connaître les structures de détention de leurs contreparties personnes morales et d'enrichir les listes de sanctions officielles avec ces cibles implicites.
En outre, nous observions une augmentation significative de la complexité des sanctions elles-mêmes. Depuis 2014-2015 et l'annexion illégale de la Crimée, nous assistons à des "sanctions sectorielles" qui introduisent des restrictions spécifiques liées à des catégories d'activité telles que les services financiers ou le secteur de l'énergie.
Le défi de la conformité consiste non seulement à identifier les entités répertoriées dans le cadre de ces mesures, mais aussi à analyser si la transaction ou la relation d'affaires sous-jacente entre ou non dans le cadre de ces restrictions sectorielles.
Selon vous, comment les professionnels de la conformité peuvent-ils faire face efficacement aux nouveaux défis posés par ces sanctions ?
La conformité aux sanctions nécessite une approche programmatique car l'exposition au risque varie d'une entreprise à l'autre. Il n'existe pas de formule magique pour se prémunir contre le risque de violation des sanctions, mais il s'agit plutôt d'une combinaison de ressources et de processus. Le fondement d'un système de conformité aux sanctions est l'expertise humaine. Les équipes chargées de la conformité doivent être formées à ces questions afin de définir des processus opérationnels pour :
• Évaluer l'exposition au risque de l'entreprise.
• Mettre en place des contrôles de conformité qui permettront de détecter les transactions impliquant des entités, des activités ou des juridictions soumises à des sanctions.
• Gérer les situations complexes et/ou mettre en œuvre les mesures restrictives, conformément à la réglementation applicable.
• Maintenir l’évaluation des risques et les contrôles à jour.
• Diffuser une culture de la conformité dans toute l'organisation, en formant le personnel pour qu'il comprenne les enjeux, les meilleures pratiques de conformité et les sanctions en cas de non-conformité.
Pour alimenter ce dispositif de conformité, des technologies de filtrage et des données spécialisées aident à détecter les risques potentiels. Bien que les régulateurs n'aient pas d'exigences spécifiques dans ce domaine, les contrôles de conformité doivent être proportionnés et adaptés à la taille et à la complexité des activités d'une entreprise. Par exemple, les outils de filtrage doivent détecter les correspondances partielles entre des chaînes de textes comme les noms et, le cas échéant, être capables de translittérer ou de romaniser les caractères non latins. Des fonctionnalités plus avancées permettent de détecter les transactions liées ou falsifiées.
On ne saurait trop insister sur l'importance de la qualité des données pour les contrôles de conformité aux sanctions. Les équipes chargées de la conformité doivent avoir accès à des ensembles de données précis et complets sans délai. Dans le domaine des sanctions internationales, la rapidité de mise en œuvre est essentielle, car les cibles des sanctions cherchent souvent à délocaliser leurs actifs hors de la juridiction des pays émetteurs. Les données des listes de sanctions et les données internes sur les tiers et les transactions doivent donc faire partie d'un programme cohérent, à jour et bien structuré. En ce qui concerne les listes de sanctions, de nombreuses entreprises font appel à des fournisseurs externes pour obtenir des données de qualité sur les sanctions. Les fournisseurs sont souvent en mesure d'améliorer les publications officielles en optimisant la structure et le format de la liste tout en fournissant des points de données supplémentaires tels que des codes ou des identifiants et des entrées additionnelles telles que les entités possédées ou contrôlées par les cibles des sanctions. Il est essentiel de se concentrer sur la qualité des données pour maximiser la qualité de la détection des risques de sanctions.
La plupart des entreprises ayant un niveau significatif d'exposition à l’internationale sont désormais conscientes des risques de violation des règlementations sanctions et utilisent des technologies et des données spécialisées dans le cadre de leurs programmes de conformité. Leurs processus et outils leur permettent de prendre compte les risques de sanctions très rapidement après leur publication. Les équipes conformité compétentes restent essentielles pour analyser les alertes et les risques potentiels et pour prendre des décisions adaptées.
Pour conclure, il est important de maintenir les programmes de conformité aux sanctions à jour : testez et surveillez en permanence les contrôles et leurs résultats ; tenez compte de l'évolution de l'exposition de votre entreprise aux risques de sanctions, non seulement lorsque les listes sont mises à jour, mais aussi lorsque votre programme d'activités change, notamment en cas de nouvelles implantations de bureaux, de fusions et d'acquisitions et de nouveaux types de clients ou d'activités.
La conformité est une trajectoire. Il est dangereux de penser que vous êtes arrivé à destination.