Interview | ESGforInvestors lance un nouvel outil qui étudie les coûts de la pollution pour un investisseur

Entretien avec Michel STOFER, partner chez Arvella Investments.


Arvella Investments a lancé en fin d’année dernière une plateforme collaborative, destinées aux investisseurs professionnels, afin de faciliter l’intégration des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les portefeuilles. Un nouvel outil liant pollution et valorisations vient d’être mis à disposition sur la plateforme durant le mois d’avril 2022.

Avant de nous présenter cette plateforme et ce nouvel outil, pouvez-vous nous dire quelques mots sur Arvella ?

Arvella Investments est un multi Family Office, spécialisé dans la gestion de mandats discrétionnaires. L’entreprise a été cofondée par Bruno de Kegel et Benoît Mercereau, deux anciens Managing Directors de Goldman Sachs. L’ambition d’Arvella est de proposer un service d’excellence dans la gestion patrimoniale tout en ayant une contribution positive sur la société. Notre clientèle se compose de familles fortunées et de petits institutionnels ou de fondations. Nous leur offrons l’accès à des gérants niches pour lesquels l’accès est généralement compliqué voire quasi-impossible. C’est grâce à notre réseau mais surtout à la qualité de nos travaux ESG que nous pouvons ouvrir certaines de ces portes habituellement peu accessibles. Nous avons commencé à implémenter notre stratégie d’allocation avec l’arrivée de nos premiers clients courant 2019. Deux ans plus tard, et à la suite de nombreux travaux de recherche conduits en interne, nous avons décidé de lancer une plateforme collaborative « ESGforInvestors » destinée à l’investissement durable.

Pourquoi avoir lancé cette plateforme ESGforInvestors ?

Nous avons lancé la plateforme ESGforInvestors dans le but de mettre à disposition de tous les investisseurs professionnels, des outils relatifs à l’impact et à l’engagement responsable.
En effet, nous nous sommes rendu compte que les outils utilisés aujourd’hui pour intégrer les critères ESG dans les portefeuilles d’investissement, n’étaient pas suffisamment liés aux rendements ajustés au risque alors que c’est d’après nous, ce qui compte le plus pour les investisseurs traditionnels.
Ce constat nous a conduits à développer notre propre plateforme. Notre souhait est de partager le fruit de nos recherches avec le plus grand nombre afin d’éduquer et surtout de convaincre qu’il est possible d’allier engagement responsable et création de valeur actionnariale. Pour ce faire, nous travaillons en collaboration avec d'autres investisseurs et des universitaires issus de grandes institutions (par ex. Yale, HEC).

En novembre dernier, nous avions déjà partagé deux optimiseurs 3D (Climate Optimiser et Impact Funds Optimiser) ainsi qu’un outil promouvant l’engagement responsable (ESG Engagement Maximiser)

Nos optimiseurs 3D permettent d’implémenter une allocation de portefeuilles efficace en tenant compte à la fois du risque, du rendement et de l’impact ESG. Pour ce faire, nous avons notamment repris le modèle de Markowitz, éprouvé dans le milieu financier, en y ajoutant l’impact comme troisième dimension. Aujourd’hui, il est courant de constater que la construction de portefeuilles ESG s’appuie sur l’emploi de règles simples, résultant de l’exclusion des pires pratiques ou de la surpondération des meilleures. Ces règles, si elles semblent intuitives, peuvent se révéler simplistes et conduire à une allocation inefficace du capital. Nous sommes convaincus que les optimiseurs 3D permettront d’éviter cet écueil grâce à la construction de portefeuilles mathématiquement optimisée.

En outre, nos travaux sont une opportunité pour faire de l’activisme responsable, générateur de valeur. Ainsi, notre outil ESG Engagement Maximiser aide les investisseurs à identifier, parmi les centaines de variables ESG, les huit clefs dont l’amélioration pourrait créer la plus forte valeur actionnariale pour un univers d'environ 2 200 entreprises. Pour ce faire, nous avons comparé la valorisation de chaque entreprise avec la valorisation du meilleur décile sur ces critères ESG. Nous avons constaté que le meilleur décile possède de meilleurs niveaux de valorisations. Nos études (1) suggèrent en particulier qu’en améliorant les deux pratiques ESG les plus pertinentes pour une entreprise, il serait possible de générer en moyenne 21.5% de valeur actionnariale. Nous pensons que ces résultats pourraient motiver les gérants de fonds et les dirigeants d’entreprises à agir de manière plus responsable.

C’est avec cette même volonté de susciter l’engagement des gérants et dirigeants que nous avons mis à disposition début avril, un nouvel outil : le Pollution-Focused Engagement Maximiser. Cet outil évalue dans quelle mesure la réduction de la pollution augmenterait la valorisation d'une entreprise et réduirait son coût de la dette. A notre connaissance, il s'agit du premier outil conçu pour les investisseurs et qui se focalise sur les coûts liés à la pollution dans le monde. Nous savons déjà que la pollution peut nuire aux résultats des entreprises : les entreprises très polluantes peuvent notamment être confrontées à des risques réglementaires plus élevés, perdre des clients et rencontrer des difficultés pour recruter ou motiver leurs salariés. Par ailleurs, l'augmentation de la demande d'investissements ESG peut réduire le coût de la dette et le coût du capital des entreprises « plus vertes ». Grâce à cet outil, il est désormais possible d’estimer de combien une entreprise pourrait améliorer sa valorisation et réduire son coût de la dette en polluant moins. A l’heure pressante du réchauffement climatique, tenir un discours concret et quantifiable sur les bénéfices financiers d’une entreprise du fait d’une diminution du niveau de pollution au regard de ses activités, ne pourra que convaincre, nous l’espérons, les dirigeants et actionnaires d’entreprises à agir.

Pourquoi avoir choisi le modèle collaboratif et gratuit ?

Nous avons choisi ce modèle car nous pensons que pour avancer sur ce sujet, il est nécessaire de travailler avec le plus grand nombre. Il y a des talents dans de nombreuses institutions privées ou publiques ; s’en priver serait une erreur. Par ailleurs, nous savons que la recherche sur les sujets ESG est en pleine ébullition : les études et recherches en la matière peuvent rapidement s’avérer dépassées. En outre, en partageant nos outils (2), nous souhaitons inciter d’autres acteurs à participer à notre effort. Nous sommes convaincus que nous avons fait le bon choix ; quatre organisations partenaires ont d’ailleurs rejoint notre projet. De plus, certains de nos outils favorisent l’engagement responsable, i.e. la possibilité de faire de l’activisme auprès de sociétés pour créer de la valeur actionnariale. Si nous voulons être entendus et soutenus dans notre démarche, il nous semble essentiel qu’elle soit comprise par le plus grand nombre. Enfin et en dernier lieu, si nous voulons faire bouger les lignes, si nous voulons véritablement rendre notre monde meilleur, nous ne pouvons pas nous permettre de garder les résultats de nos recherches confidentiels. Le partage est nécessaire pour concrétiser notre vision : mieux intégrer l’impact ESG dans la construction de portefeuilles et promouvoir l’engagement responsable.

Pourquoi les investisseurs utiliseraient-ils votre site ?

Notre site a été pensé par et pour des investisseurs professionnels souhaitant intégrer l’impact d’une manière rigoureuse et robuste dans leur processus d’allocation.
Il est simple d’accès, gratuit et tous nos outils y sont librement disposés. La qualité de nos recherches est éprouvée, notamment par notre volonté de publier nos résultats dans des revues scientifiques exigeantes (3). L’aval de la communauté scientifique démontre notre crédibilité et la rigueur que nous employons à la conception de nos outils.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Nous souhaitons continuer sur notre lancée en poursuivant nos efforts de recherches. Nous avons pour ambition de mettre à disposition un nouvel outil par trimestre. Cela demande un travail considérable et des ressources importantes, en temps et personnes. Néanmoins, nous sommes convaincus que c’est la bonne voie à suivre, surtout quand nos recherches portent sur la pollution et d’autres métriques liées à la question climatique. En effet, le dernier rapport du GIEC (4), publié le lundi 04 avril 2022, indique qu’il faut agir au plus vite si nous voulons limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Nous espérons que nos travaux permettront aux divers investisseurs de prendre ce sujet à bras le corps afin de pousser les entreprises à agir de manière plus responsable.

(1) https://www.esgforinvestors.com/articles/detail/12/
(2) Nos optimiseurs 3D et maximisateurs d’engagement sont disponibles sur https://www.esgforinvestors.com/
(3) Mercereau and Melin, “Optimising portfolios across risk, return and climate impact”, The Journal of Impact and ESG Investing, Fall 2020. Kilmurray, Melin and Mercereau “Integrating Impact Funds into Mainstream Portfolios”, The Journal of Impact and ESG Investing, Summer 2021.
(4) https://www.ipcc.ch/assessment-report/ar6/#:~:text=The%20Working%20Group%20III%20contribution,Assessment%20Report%20is%20available%20here

Vendredi 6 Mai 2022


Articles similaires