Marc Touati
Quelques mois plus tard, le retour à la réalité est à la fois triste et violent. Ainsi, dans le sillage d'une forte détérioration du compte d'exploitation de la compagnie qui lui impose de réduire ses coûts, tous les efforts marketing développés depuis le printemps dernier ont été balayés en quelques minutes par une autre vidéo. Mais, cette fois-ci, pas de cabinet d'étude, de conseillers en communication, pas non plus de « french kiss » et encore moins de « love is in the air ». Et pour cause, le nouveau « clip » d'Air France dévoile la violente agression par des militants syndicaux de deux dirigeants de la compagnie, qui se retrouvent pour l'un sans chemise et face contre terre, pour l'autre avec une chemise déchirée et un visage ébouriffé.
A l'évidence, le télescopage de ces deux séquences est affligeant et cruel. Non seulement parce qu'il sape des mois de travail et d'études marketing, sans oublier des millions d'euros de dépenses de communication, mais surtout parce qu'il ternit profondément l'image de la compagnie aérienne et plus globalement de la France. En effet, bien loin de l'objectif initial visant à mettre en avant le patrimoine hexagonal et la « french touch » à l'échelle internationale, cet épisode déplorable souligne qu'Air France mais aussi la France dans son ensemble sont au bord de la crise de nerfs, pour ne pas dire de la faillite sociétale.
Evidemment, décider et annoncer un plan de 2 900 suppressions de postes n'est pas chose facile. Mais de là à agresser les responsables des ressources humaines de l'entreprise, il y a un pas qu'il ne fallait pas franchir. La violence ne résout rien. Et ce d'autant qu'Air France est la compagnie aérienne européenne qui emploie le plus de salariés : 63 955 personnes fin 2014 pour un chiffre d'affaires de 15 milliards d'euros et une perte d'exploitation de 376 millions d'euros (pour l'année 2014 et certainement beaucoup plus cette année). A titre de comparaison, Lufthansa emploie 56 960 salariés, pour un chiffre d'affaires supérieur à 23 milliards d'euros et un excédent d'exploitation de 600 millions d'euros. Que dire alors de British Airways qui compte 39 868 salariés, un chiffre d'affaires de 16 milliards d'euros et un bénéfice de 1,3 milliard d'euros !
En d'autres termes, il ne s'agit plus d'économie et encore moins de finance, mais simplement de mathématique : est-il normal que, dans le même domaine d'activité, une compagnie emploie 7 000 personnes de plus, tout en réalisant 8 milliards de chiffre d'affaires en moins ? Mieux, ou plutôt pire, comment une compagnie peut-elle embaucher 24 000 salariés de plus, pour un chiffre d'affaires identique ? Il ne s'agit donc pas d'un simple problème de rentabilité et de profit mal placé, mais simplement de bon sens.
Le plus grave est que, malheureusement, certains Français n'arrivent toujours pas à le comprendre et préfèrent plutôt s'inscrire dans la problématique destructrice de la lutte des classes.
Dans ce cadre, le dérapage incontrôlé de certains syndicalistes d'Air France apparaît symptomatique de l'état catastrophique des relations sociales dans un pays comme la France, qui a pourtant fait de la paix sociale son objectif premier. A quoi bon consacrer chaque année 57,2 % du PIB à la dépense publique pour en arriver là !
Cela montre tout simplement l'échec du modèle français. Nous touchons d'ailleurs ici au même problème mathématique présenté plus haut avec le comparatif des « fondamentaux » d'Air France et de ses concurrents européens. En effet, malgré ou peut-être à cause de ce poids exorbitant de sa puissance publique, la France ne cesse d'accumuler les contre-performances, notamment une croissance structurelle d'au mieux 0,7 % (la progression annuelle moyenne du PIB français n'a d'ailleurs été que de 0,4 % depuis 2008) et un taux de chômage dramatiquement élevé (10,8 % en août selon Eurostat, environ 22 % si l'on intègre tous les chômeurs, des catégories A à E, sans oublier les 25 % de taux de chômage des moins de 25 ans).
A l'inverse, avec un poids des dépenses publiques de seulement 43,9 % de son PIB, l'Allemagne affiche une croissance structurelle de 1,4 % et un taux de chômage de 4,5 % (toujours selon Eurostat). Et nous ne parlerons pas du Royaume-Uni, avec un poids des dépenses publiques de 40 % du PIB, une croissance structurelle de 2,2 % et un taux de chômage de 5,5 %
Bien sûr, la France est un pays à part, qui n'est pas comparable aux autres. C'est d'ailleurs ce que le spot de pub initial d'Air France appelait la « french touch ». Faut-il pour autant que cette spécificité se résume à une carence de bon sens et à un excès de violence ? Certainement pas.
Espérons donc que les dirigeants politiques, mais aussi les syndicalistes et plus globalement l'ensemble des Français sauront enfin faire le bon choix. Non plus celui de la lutte des classes, de la dépense publique pléthorique sans souci d'efficacité économico-sociale, du chômage de masse et des inégalités, mais celui de la rationalité, de la cohésion, de la croissance et de l'emploi.
Sinon, à défaut d'être « in the air », la France finira vraiment par sombrer dans un trou d'air (« air pocket » en anglais)…
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
A l'évidence, le télescopage de ces deux séquences est affligeant et cruel. Non seulement parce qu'il sape des mois de travail et d'études marketing, sans oublier des millions d'euros de dépenses de communication, mais surtout parce qu'il ternit profondément l'image de la compagnie aérienne et plus globalement de la France. En effet, bien loin de l'objectif initial visant à mettre en avant le patrimoine hexagonal et la « french touch » à l'échelle internationale, cet épisode déplorable souligne qu'Air France mais aussi la France dans son ensemble sont au bord de la crise de nerfs, pour ne pas dire de la faillite sociétale.
Evidemment, décider et annoncer un plan de 2 900 suppressions de postes n'est pas chose facile. Mais de là à agresser les responsables des ressources humaines de l'entreprise, il y a un pas qu'il ne fallait pas franchir. La violence ne résout rien. Et ce d'autant qu'Air France est la compagnie aérienne européenne qui emploie le plus de salariés : 63 955 personnes fin 2014 pour un chiffre d'affaires de 15 milliards d'euros et une perte d'exploitation de 376 millions d'euros (pour l'année 2014 et certainement beaucoup plus cette année). A titre de comparaison, Lufthansa emploie 56 960 salariés, pour un chiffre d'affaires supérieur à 23 milliards d'euros et un excédent d'exploitation de 600 millions d'euros. Que dire alors de British Airways qui compte 39 868 salariés, un chiffre d'affaires de 16 milliards d'euros et un bénéfice de 1,3 milliard d'euros !
En d'autres termes, il ne s'agit plus d'économie et encore moins de finance, mais simplement de mathématique : est-il normal que, dans le même domaine d'activité, une compagnie emploie 7 000 personnes de plus, tout en réalisant 8 milliards de chiffre d'affaires en moins ? Mieux, ou plutôt pire, comment une compagnie peut-elle embaucher 24 000 salariés de plus, pour un chiffre d'affaires identique ? Il ne s'agit donc pas d'un simple problème de rentabilité et de profit mal placé, mais simplement de bon sens.
Le plus grave est que, malheureusement, certains Français n'arrivent toujours pas à le comprendre et préfèrent plutôt s'inscrire dans la problématique destructrice de la lutte des classes.
Dans ce cadre, le dérapage incontrôlé de certains syndicalistes d'Air France apparaît symptomatique de l'état catastrophique des relations sociales dans un pays comme la France, qui a pourtant fait de la paix sociale son objectif premier. A quoi bon consacrer chaque année 57,2 % du PIB à la dépense publique pour en arriver là !
Cela montre tout simplement l'échec du modèle français. Nous touchons d'ailleurs ici au même problème mathématique présenté plus haut avec le comparatif des « fondamentaux » d'Air France et de ses concurrents européens. En effet, malgré ou peut-être à cause de ce poids exorbitant de sa puissance publique, la France ne cesse d'accumuler les contre-performances, notamment une croissance structurelle d'au mieux 0,7 % (la progression annuelle moyenne du PIB français n'a d'ailleurs été que de 0,4 % depuis 2008) et un taux de chômage dramatiquement élevé (10,8 % en août selon Eurostat, environ 22 % si l'on intègre tous les chômeurs, des catégories A à E, sans oublier les 25 % de taux de chômage des moins de 25 ans).
A l'inverse, avec un poids des dépenses publiques de seulement 43,9 % de son PIB, l'Allemagne affiche une croissance structurelle de 1,4 % et un taux de chômage de 4,5 % (toujours selon Eurostat). Et nous ne parlerons pas du Royaume-Uni, avec un poids des dépenses publiques de 40 % du PIB, une croissance structurelle de 2,2 % et un taux de chômage de 5,5 %
Bien sûr, la France est un pays à part, qui n'est pas comparable aux autres. C'est d'ailleurs ce que le spot de pub initial d'Air France appelait la « french touch ». Faut-il pour autant que cette spécificité se résume à une carence de bon sens et à un excès de violence ? Certainement pas.
Espérons donc que les dirigeants politiques, mais aussi les syndicalistes et plus globalement l'ensemble des Français sauront enfin faire le bon choix. Non plus celui de la lutte des classes, de la dépense publique pléthorique sans souci d'efficacité économico-sociale, du chômage de masse et des inégalités, mais celui de la rationalité, de la cohésion, de la croissance et de l'emploi.
Sinon, à défaut d'être « in the air », la France finira vraiment par sombrer dans un trou d'air (« air pocket » en anglais)…
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Les médias du groupe Finyear
Lisez gratuitement :
Le quotidien Finyear :
- Finyear Quotidien
La newsletter quotidienne :
- Finyear Newsletter
Recevez chaque matin par mail la newsletter Finyear, une sélection quotidienne des meilleures infos et expertises de la finance d’entreprise et de la finance d'affaires.
Les 5 lettres mensuelles digitales :
- Le Directeur Financier
- Le Trésorier
- Le Credit Manager
- The FinTecher
- Le Capital Investisseur
Le magazine trimestriel digital :
- Finyear Magazine
Un seul formulaire d'abonnement pour recevoir un avis de publication pour une ou plusieurs lettres
Le quotidien Finyear :
- Finyear Quotidien
La newsletter quotidienne :
- Finyear Newsletter
Recevez chaque matin par mail la newsletter Finyear, une sélection quotidienne des meilleures infos et expertises de la finance d’entreprise et de la finance d'affaires.
Les 5 lettres mensuelles digitales :
- Le Directeur Financier
- Le Trésorier
- Le Credit Manager
- The FinTecher
- Le Capital Investisseur
Le magazine trimestriel digital :
- Finyear Magazine
Un seul formulaire d'abonnement pour recevoir un avis de publication pour une ou plusieurs lettres