Marc Touati
Cette année, cette circonspection sera encore plus forte, dans la mesure où les facteurs d'incertitudes se multiplient. Tout d'abord, après la remontée technique du premier trimestre, notamment liée aux efforts pour apaiser la crise de la zone euro, les marchés sont à la recherche d'un nouveau souffle. Conscients que les solutions proposées relèvent avant tout du maquillage et sont loin de pouvoir mettre un terme à la crise de la dette publique dans l'UEM, les investisseurs ont logiquement pris leurs bénéfices.
Et ce, en dépit des bons chiffres de conjoncture publiés aux Etats-Unis ou encore en Chine. Les dernières enquêtes des directeurs d'achat tant dans l'industrie que dans les services ont confirmé que la croissance allait rester soutenue dans ces deux locomotives structurelles de la croissance mondiale. Du côté chinois, il faut noter qu'après le ralentissement piloté par le gouvernement, l'activité devrait de nouveau accélérer dans les prochains mois, de manière à consolider la croissance du PIB autour des 9 % pour cette année.
Quant à l'Oncle Sam, l'augmentation récente des ventes au détail, de la production industrielle ou encore des carnets de commande valide notre scénario d'une croissance d'au moins 2,5 % au premier trimestre (en rythme annualisé) ainsi que sur l'ensemble de l'année 2012. Enfin, l'amélioration, certes progressive, du marché du travail des Etats-Unis montre que ces derniers sont bien sortis de la crise. Au total, ces évolutions devraient aller de pair avec une croissance mondiale de 3,5 % cette année, ce qui préservera mécaniquement les marchés boursiers d'une forte baisse.
En revanche, ces derniers vont rester fragilisés par la situation européenne. Certes, le refus de Mario Draghi de céder aux exigences allemandes pour arrêter la politique accommodante de la BCE met du baume au cœur. Il nous rappelle également cruellement combien la politique de Jean-Claude Trichet a été catastrophique.
Pour autant, la BCE tarde à abaisser de nouveau son taux refi, maintenant l'euro/dollar à un niveau trop élevé et freinant par là même le redémarrage de l'économie. Autrement dit, la crise est loin d'être terminée. D'ailleurs, bien loin des performances américaines et en dépit d'une légère amélioration dans les services, les enquêtes des directeurs d'achat montrent que la récession est toujours présente dans « de trop » nombreux pays de la zone euro.
Conséquence logique de cette faiblesse désormais chronique, le chômage eurolandais continue de croître et a même atteint 10,8 % en février, un plus haut depuis avril 1997. Que dire alors du chômage des jeunes qui flambe un peu partout et indique par là même que les risques de dérapages sociaux demeurent très élevés… Et ce, d'autant que les politiques de rigueur ne vont pas arranger les choses. L'échec de l'adjudication du Trésor espagnol mercredi dernier montre d'ailleurs que la rigueur n'est pas un gage de réussite.
Dans ce cadre, il est fort probable que les marchés boursiers vont rester très nerveux en avril et au-delà, alternant les phases de forte hausse et de forte baisse. Pour couronner le tout, les élections françaises vont également apporter leur lot d'incertitudes et de volatilité.
D'ores et déjà, la médiocrité du débat présidentiel et le manque de considération pour les enjeux économiques qui attendent la France dès le mois de mai prochain commencent à faire craindre le pire. A tel point que The Economist y a consacré sa une il y a une semaine. Le peu de réactions suscitées dans l'Hexagone à ce sujet confirme d'ailleurs que les politiques, les médias et de nombreux Français préfèrent ne s'attarder que sur la « couleur de la cravate » des candidats et sur leurs efforts marketing. Quelle tristesse !
Le réveil risque donc d'être très douloureux. Voilà pourquoi, quelle que soit l'issue des élections présidentielles, les investisseurs devraient faire payer très cher à la France son manque de sérieux économique. Bien sûr, les politiciens bien-pensants pourront toujours souligner que ce dictat des marchés financiers est insupportable et qu'il doit être cassé.
Le seul problème est qu'avec près de 70 % de sa dette publique détenue par des investisseurs non-résidents, la France ne peut plus se permettre de négliger ces derniers. Dans les quelques jours qui suivront le 6 mai, la note de notre dette publique sera donc certainement dégradée de plusieurs crans, ce qui entraînera une nette augmentation des taux d'intérêt à dix ans, qui atteindront au moins 4,5 % (contre environ 3 % aujourd'hui). Le peu de croissance qui nous reste finira alors en peau de chagrin et il sera trop tard pour se souvenir que le laxisme budgétaire français est dévastateur.
Dans la perspective de cette échéance, les marchés boursiers mondiaux, en particulier dans la zone euro et en France, vont donc rester très fragiles et très volatils. Pour ceux qui ont su investir sur ces derniers fin 2011 ou début 2012, il est donc temps de prendre ses bénéfices, en attendant de voir plus clair sur les intentions françaises et sur la réaction des Allemands et des investisseurs internationaux. Pour les autres, ce n'est donc certainement pas le moment de revenir en bourse, ni d'ailleurs d'acheter des obligations d'Etat. Tout au plus, il est possible de diversifier son portefeuille, en se réfugiant sur des obligations d'entreprises solides et sur des maturités courtes (de deux à cinq ans grand maximum).
Vivement le 6 mai pour que l'on sorte enfin de la politique politicienne, du marketing et de la manipulation. Il sera alors grand temps d'affronter les difficiles réalités de notre douce France et de notre vieille Europe.
Marc Touati
Economiste.
Directeur Général de Global Equities.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Et ce, en dépit des bons chiffres de conjoncture publiés aux Etats-Unis ou encore en Chine. Les dernières enquêtes des directeurs d'achat tant dans l'industrie que dans les services ont confirmé que la croissance allait rester soutenue dans ces deux locomotives structurelles de la croissance mondiale. Du côté chinois, il faut noter qu'après le ralentissement piloté par le gouvernement, l'activité devrait de nouveau accélérer dans les prochains mois, de manière à consolider la croissance du PIB autour des 9 % pour cette année.
Quant à l'Oncle Sam, l'augmentation récente des ventes au détail, de la production industrielle ou encore des carnets de commande valide notre scénario d'une croissance d'au moins 2,5 % au premier trimestre (en rythme annualisé) ainsi que sur l'ensemble de l'année 2012. Enfin, l'amélioration, certes progressive, du marché du travail des Etats-Unis montre que ces derniers sont bien sortis de la crise. Au total, ces évolutions devraient aller de pair avec une croissance mondiale de 3,5 % cette année, ce qui préservera mécaniquement les marchés boursiers d'une forte baisse.
En revanche, ces derniers vont rester fragilisés par la situation européenne. Certes, le refus de Mario Draghi de céder aux exigences allemandes pour arrêter la politique accommodante de la BCE met du baume au cœur. Il nous rappelle également cruellement combien la politique de Jean-Claude Trichet a été catastrophique.
Pour autant, la BCE tarde à abaisser de nouveau son taux refi, maintenant l'euro/dollar à un niveau trop élevé et freinant par là même le redémarrage de l'économie. Autrement dit, la crise est loin d'être terminée. D'ailleurs, bien loin des performances américaines et en dépit d'une légère amélioration dans les services, les enquêtes des directeurs d'achat montrent que la récession est toujours présente dans « de trop » nombreux pays de la zone euro.
Conséquence logique de cette faiblesse désormais chronique, le chômage eurolandais continue de croître et a même atteint 10,8 % en février, un plus haut depuis avril 1997. Que dire alors du chômage des jeunes qui flambe un peu partout et indique par là même que les risques de dérapages sociaux demeurent très élevés… Et ce, d'autant que les politiques de rigueur ne vont pas arranger les choses. L'échec de l'adjudication du Trésor espagnol mercredi dernier montre d'ailleurs que la rigueur n'est pas un gage de réussite.
Dans ce cadre, il est fort probable que les marchés boursiers vont rester très nerveux en avril et au-delà, alternant les phases de forte hausse et de forte baisse. Pour couronner le tout, les élections françaises vont également apporter leur lot d'incertitudes et de volatilité.
D'ores et déjà, la médiocrité du débat présidentiel et le manque de considération pour les enjeux économiques qui attendent la France dès le mois de mai prochain commencent à faire craindre le pire. A tel point que The Economist y a consacré sa une il y a une semaine. Le peu de réactions suscitées dans l'Hexagone à ce sujet confirme d'ailleurs que les politiques, les médias et de nombreux Français préfèrent ne s'attarder que sur la « couleur de la cravate » des candidats et sur leurs efforts marketing. Quelle tristesse !
Le réveil risque donc d'être très douloureux. Voilà pourquoi, quelle que soit l'issue des élections présidentielles, les investisseurs devraient faire payer très cher à la France son manque de sérieux économique. Bien sûr, les politiciens bien-pensants pourront toujours souligner que ce dictat des marchés financiers est insupportable et qu'il doit être cassé.
Le seul problème est qu'avec près de 70 % de sa dette publique détenue par des investisseurs non-résidents, la France ne peut plus se permettre de négliger ces derniers. Dans les quelques jours qui suivront le 6 mai, la note de notre dette publique sera donc certainement dégradée de plusieurs crans, ce qui entraînera une nette augmentation des taux d'intérêt à dix ans, qui atteindront au moins 4,5 % (contre environ 3 % aujourd'hui). Le peu de croissance qui nous reste finira alors en peau de chagrin et il sera trop tard pour se souvenir que le laxisme budgétaire français est dévastateur.
Dans la perspective de cette échéance, les marchés boursiers mondiaux, en particulier dans la zone euro et en France, vont donc rester très fragiles et très volatils. Pour ceux qui ont su investir sur ces derniers fin 2011 ou début 2012, il est donc temps de prendre ses bénéfices, en attendant de voir plus clair sur les intentions françaises et sur la réaction des Allemands et des investisseurs internationaux. Pour les autres, ce n'est donc certainement pas le moment de revenir en bourse, ni d'ailleurs d'acheter des obligations d'Etat. Tout au plus, il est possible de diversifier son portefeuille, en se réfugiant sur des obligations d'entreprises solides et sur des maturités courtes (de deux à cinq ans grand maximum).
Vivement le 6 mai pour que l'on sorte enfin de la politique politicienne, du marketing et de la manipulation. Il sera alors grand temps d'affronter les difficiles réalités de notre douce France et de notre vieille Europe.
Marc Touati
Economiste.
Directeur Général de Global Equities.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com