Samedi 18 Mars 2006
Adeline Crépin

EUROPE - La Directive relative aux services par Christian Cottenceau


Libre circulation de services : un grand pas en avant est fait.

Une étape décisive pour la libre prestation de services.
Après deux ans de travaux, ce jeudi, le Parlement européen a adopté en première lecture, à une large majorité, son rapport sur la directive relative aux services dans le marché intérieur. C'est l'un des textes majeurs pour l'Union européenne. Le projet initial a été revu de fond en comble. Mais son objectif n'a pas changé: éliminer les entraves à la libre circulation des services tout en assurant le respect des droits sociaux de travailleurs qui sont régis par les dispositions nationales.

Le projet de directive sur les services dans le marché intérieur déposé en janvier 2004 par la Commission Prodi, a été complètement réécrit par les députés. Notamment, son principe moteur, celui du "pays d'origine", a été éliminé. A sa place, une clause de libre circulation des services a été établie. Les députés ont aussi restreint le champ d'application de la directive: elle concerne moins de services que dans la version initiale. Notamment les services sociaux sont exclus [Am. 252, Am. 313]. La liste des raisons qui justifient une limitation par les Etats membres de la libre prestation des services fournis par un prestataire venant d'un autre Etat membre a été élargie. Il est maintenant clairement précisé dans le texte, que la directive n'affecte en rien le droit du travail dans les Etats membres [Am. 297]. Le nouveau texte du projet a été adopté par 394 voix pour, 215. voix contre et 33 abstentions. Ce résultat solide renforce la position du Parlement face à deux autres institutions. José Manuel Barroso a déjà annoncé que la Commission européenne révisera au plus vite sa proposition initiale sur la base du texte adopté par les députés. Le projet sera ensuite examiné par le Conseil.

La proposition initiale
Pour assurer la libre circulation des services sur le marché européen, il faut éliminer les barrières qui empêchent cette disposition du traité d'être pleinement réalisée. Il s'agit des entraves qui restreignent aussi bien le droit d'un prestataire de services de s'établir dans un autre Etat membre que son droit d'exercer librement son activité de manière transfrontalière et temporaire. D'abord, la Commission Prodi en a dressé une longue liste fondée sur la jurisprudence très fournie de la Cour de Justice européenne. Ensuite, elle semblait avoir trouvé la solution à la fois, la plus simple et la plus radicale pour éradiquer le problème concernant la prestation transfrontalière de services : puisque ces barrières ont, pour la plupart, un caractère bureaucratique et font partie des réglementations nationales des pays de destination, il faut que le prestataire qui fournit le service de manière temporaire dans un autre Etat que le sien soit soumis à la réglementation de son pays d'origine. Seules les règles relatives au droit du travail et de l'emploi du pays de destination seraient applicables à son activité. Cette proposition de la Commission a été applaudie par certains, notamment à droite de la scène politique, pour sa clarté et son efficacité escomptée. D'autres, particulièrement la gauche européenne, l'ont jugée inacceptable parce que contraire, à leurs yeux, au principe de subsidiarité et propice à la mise en concurrence mutuelle déloyale des législations nationales, particulièrement dans le domaine social.

Du principe du pays d'origine à la règle de la libre prestation de services
Pendant un an et demi, plusieurs solutions ont été étudiées au Parlement européen: remplacement du principe du pays d'origine par la règle de la reconnaissance mutuelle, par la clause du marché intérieur, par le principe du pays de destination ou même faire précéder sa mise en vigueur par une harmonisation préalable des dispositions nationales. Cette bataille terminologique, juridique et politique à la fois, a abouti, à quelques jours avant le vote en séance plénière (le 16 février 2006), à un compromis renversant complètement l'approche proposée par la Commission européenne. Il démontre qu'il est possible d'atteindre le même objectif par plusieurs voies. Tout d'abord, l'article clé du projet initial partait du principe que, dans le cas de la circulation des services, les dispositions légales du pays d'origine devaient s'appliquer. Il revenait également au pays d'origine de contrôler leur respect. Dans le texte de l'article adopté par le Parlement [Am. 293 rev4], ni le pays d'origine ni celui de destination ne sont plus mentionnés. La règle de la libre circulation des services remplace le principe du pays d'origine. Elle met les Etats membres dans l'obligation de respecter le droit du prestataire de fournir les services et de lui garantir le "libre accès à l'activité de services ainsi que son libre exercice sur son territoire". Cette garantie est renforcée par l'interdiction d'une série d'obstacles à la libre circulation des services. Par exemple, en règle générale, il ne sera plus possible d'obliger un prestataire [Am. 293 rev3/a] à ouvrir un bureau dans le pays où il fournit temporairement un service ni de lui interdire de se doter d'une "certaine infrastructure" [Am. 293 rev4/c]. Il est interdit de lui imposer de s'inscrire dans un registre professionnel [Am. 293 rev4/b] ou de lui interdire d'utiliser sur place son matériel habituel de travail [Am. 293 rev4/h]. Les Etats membres n'ont pas non plus le droit d'appliquer "un régime contractuel particulier entre le prestataire et le destinataire qui limite la prestation de services à titre indépendant" [Am. 293 rev3/d].

Le texte, d'une part, interdit donc aux Etats membres de poser des entraves à la libre circulation des services [Am. 293 rev4/ point 2]. Mais d'autre part, il définit les raisons qui permettent aux Etats membres de limiter cette liberté par le biais de leurs dispositions nationales [Am. 293 rev4/point 3]. Ce sont "des raisons d'ordre public, de sécurité publique, de protection de l'environnement et de santé publique". Les Etats membres continueront aussi à appliquer leur réglementation concernant les conditions d'emploi, notamment celles qui sont établies dans les conventions collectives. Les exigences imposées aux prestataires transfrontaliers par les Etats membres sur la base de ces justifications devraient, néanmoins, respecter les principes du Traité: la non discrimination (par exemple au titre de la nationalité), la nécessité (les raisons la politique de la sécurité publique, ou la protection de l'environnement et de la santé doivent les justifier), la proportionnalité (la mesure prise doit être adéquate à l'objectif d'intérêt public à atteindre) [Am. 293 rev4/ point 1 §3 a,b,c]. Le texte ouvre aussi la perspective d'une harmonisation des législations nationales relatives à la prestation de services cinq ans après l'entrée en vigueur de la directive services [Am. 293 rev4/ point 4].

La prestation de services facilitée, le cadre juridique clarifié
Pour ce qui est de l'établissement dans un autre pays membre, la législation qui s'applique au prestataire de services est bien celle du pays d'accueil. Que ce soit dans le cas de la prestation transfrontalière ou de l'établissement, le texte adopté préconise une meilleure coopération entre les administrations nationales (Art. 34-38). Parmi les mesures clé devant faciliter les relations entre les prestataires et les autorités compétentes, le "guichet unique" (Chapitre II, Art. 6) reste dans le texte, ses compétences ont été élargies. Les dispositions relatives à la simplification administrative ne concernaient initialement que l'établissement des prestataires, désormais la circulation des services est également concernée. Ceci parce que le Parlement a décidé d'accepter des exigences (absentes du projet initial) que l'Etat de destination peut imposer à une entreprise venant d'un autre Etat membre pour fournir temporairement un service sur son territoire. Ces nouvelles procédures auxquelles le prestataire devrait faire face devraient être simplifiées autant que possible.

Selon certains, la clarification juridique du texte n'est pas allée aussi loin qu'il fallait pour éviter les incertitudes que seule la Cour de Justice européenne pourrait trancher cas par cas. Néanmoins, sur la base de la jurisprudence existante, le projet établit des règles générales qui garantissent aux consommateurs, aux fournisseurs de services et aux administrations nationales davantage de certitude juridique. Tel est l'objectif des listes de restrictions à la prestation de services par voie d'établissement [Art. 14] et par le biais de prestation transfrontalière [art. 17]. Les Etats membre sont autorisés à limiter le droit de prester un service sur leur territoire mais en respectant les conditions mieux définies que dans le texte initial. Il est vrai, en même temps, que ces définitions plus précises vont aussi bien plus loin que la Commission européenne ne l'aurait souhaité en laissant de fait une marge de manœuvre plus large aux administrations nationales. C'est notamment le cas de la "raison impérieuse d'intérêt général" qui est désormais explicitée dans le texte de manière à couvrir la protection de l'ordre public, la sécurité publique, la sûreté et la santé publiques en préservant l'équilibre financier du système de sécurité sociale, notamment en maintenant des soins médicaux équilibrés pour tous, la protection des consommateurs, des destinataires de services, des travailleurs, l'équité des transactions commerciales, la lutte contre la fraude, la protection de l'environnement, notamment l'environnement urbain, la santé des animaux, la propriété intellectuelle, la conservation du patrimoine national historique et artistique ou les objectifs sociaux et culturels [Am. 308]. Les relations de la future directive avec d'autres dispositions légales existantes ont été aussi clarifiées. Ainsi, la directive ne portera atteinte ni au droit du travail en général ni, par exemple, aux conditions du travail ou d'emploi. Les relations contractuelles entre l'employeur et l'employé, qu'elles soient fondées sur la législation ou sur les conventions collectives, la directive sur le détachement des travailleurs ou celle sur la reconnaissance des qualifications professionnelles [Am. 83] ne sont pas couvertes par la directive services.

Des services exclus
Les services d'intérêt général (SIG) ont été exclus du champ d'application déjà dans la proposition de la Commission. Suite aux vote en plénière, les services sociaux a été ajoutés à la liste des exclusions [Am. 252, Am. 318]. Un autre amendement [Am. 300] exclut les agences de travail intérimaire et les agences de sécurité [Am 302, 332].

Sont également exclus les domaines déjà couverts par des législations spécifiques [Amendements. à l'article 2.2]: services financiers, services et réseaux de communications électroniques, services de transports. Ne sont pas non plus couverts par la directive les services juridiques [Am.77], les soins de santé [Am. 78], les services audiovisuels, les jeux d'argent et les loteries, les professions et les activités qui participent à l’exercice de l’autorité publique (par exemple les notaires), la fiscalité.

Les services couverts par la directive
Les services d'intérêt économique général tels que les services postaux, la distribution d’électricité, de gaz, d’eau, le traitement des déchets (il s'agit de services marchands d'intérêt public mais c'est aux Etats membres de les définir). Ces services sont couverts par la directive mais la règle de la libre prestation de services [art. 16, Am. 293/rev4] ne s'y applique pas. Quels sont les autres services concernés par la directive? Aucune liste n'est annexée au texte. Mais certains services sont mentionnés. Il s'agit des services aux entreprises tels que le conseil en management et en gestion, les services de certification et d'essai, de maintenance, d'entretien des bureaux, les services de publicité et des agents commerciaux par exemple. Les services fournis à la fois aux entreprises et aux consommateurs sont également couverts : ceux qui sont liés à l'immobilier (dont les agences immobilières), à la construction (par exemple les architectes), à la distribution, à l'organisation des foires, la location des voitures (cette disposition ne concerne pas l'immatriculation des voitures), au tourisme (dont les agences de voyage et les guides touristiques), ou encore les services de loisirs, centres sportifs et parcs d'attraction.

Ce texte va être examiné par le Conseil. La Commission européenne s'est d'ores et déjà engagée à présenter un nouveau texte fondé sur le rapport.

Christian COTTENCEAU
Maître en Droit de l’entreprise
Administrateur A.N.C.R
Vice Président A.N.C.R
Président de la Commission Internationale A.N.C.R
Responsable de la Commission Formation A.N.C.R
A.N.C.R : Syndicat National des Cabinets de Recouvrement de Créances et Renseignements Commerciaux

Administrateur de la F.E.N.C.A
FENCA : Fédération Européenne des Associations Nationales de Cabinets de Recouvrement de Créances et Renseignements Commerciaux

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