Un nouveau « Yalta » semble en effet prendre forme autour des Etats-Unis : l'allié russe d'un côté et le compétiteur chinois de l'autre. Face à cette nouvelle donne, et en l'absence d'union politique et de solidarité aguerrie, l'Europe ne pourra que jouer les seconds rôles. Dès lors, bien que potentiellement capable de casser l'hégémonie du dollar, l'euro restera une monnaie de troisième plan. D'ailleurs, en dépit des craintes suscitées par l'élection de Trump, cette dernière a considérablement affaibli la monnaie européenne.
Ah qu'elle paraît loin la période heureuse de la création de l'euro en 1999. A l'époque, certains, y compris votre serviteur, se mettaient à rêver : et si la monnaie unique européenne était enfin la devise capable de concurrencer le dollar ? Avec le taux de change initial (1,18 dollar pour 1 euro), tous les espoirs étaient permis. Les Américains en étaient également conscients (peut-être encore plus que les Européens, d'ailleurs) et se lançaient dans un mouvement massif d'appréciation du billet vert : environ 0,83 dollar pour 1 euro et 135 yens pour 1 dollar, de fin 2000 à début 2003. La place du dollar dans les transactions mondiales et dans les réserves de changes internationales s'en est trouvée confortée, permettant aux États-Unis de reprendre leur « benign neglect » (négligence douce) en matière de taux de change dès 2003-2004. Laissant de nouveau filer le dollar, ils pouvaient alors consolider leur croissance.
Parallèlement, en dépit des rumeurs régulières d'une montée en puissance de l'euro dans les réserves de change et les transactions internationales, le dollar représente encore aujourd'hui 50 % de ces dernières, tandis que le commerce américain ne pèse que 17 % du total mondial. Autrement dit, les deux tiers du commerce en dollars ne sont pas américains. Par ailleurs, 65 % des réserves de change dans le monde sont constituées en dollars.
La force du dollar est donc bien d'être demandé pour lui-même, c'est-à-dire d'être le benchmark, la référence, notamment sur le marché des changes, du pétrole et de l'or. Pour cette raison les États-Unis attirent chaque année entre 1 000 et 1 500 milliards de dollars d'investissements étrangers. Certains pays, tels l'Iran ou la Russie, ont pu annoncer qu'ils factureraient leurs barils de pétrole en euros. Ils ne l'ont jamais fait. De même, la Chine n'a pas converti ses réserves de changes du dollar vers l'euro. Loin s'en faut. Voilà pourquoi le dollar n'est toujours pas tombé de son piédestal…
Dès lors, même avec Trump à leur tête, les Etats-Unis ne laisseront jamais le dollar baisser trop bas, ni trop longtemps. Ils savent effectivement que le jour où leur monnaie connaîtra un concurrent sérieux et perdra son hégémonie, les États-Unis et l'ensemble de la planète tomberont dans une crise bien plus grave que celle que nous vivons depuis 2007.
Mais qui pourra un jour détrôner le billet vert ? Ne nous faisons pas d'illusion, comme nous venons de l'évoquer, ce ne sera pas l'euro. Car pour devenir l'étalon international, il faut une monnaie forte et crédible, qui puisse s'appuyer sur une économie durablement dynamique. Or, nous ne cessons de le déplorer depuis des années, lorsque l'euro est trop cher, la croissance de l'UEM s'effondre. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs : ce n'est pas une monnaie forte qui fait une croissance forte, mais c'est une croissance structurellement vigoureuse qui permet de supporter une monnaie chère.
En fait, le seul concurrent potentiel du billet vert est le yuan, la devise chinoise appelée aussi renminbi. Je défends cette théorie depuis déjà quelques années. Certes, la suprématie chinoise reste impossible tant que l'espace financier de la Chine est fermé et que le yuan n'est pas une devise internationale. En d'autres termes, les Chinois ne sont pas encore prêts, tant économiquement que financièrement. Ils n'y ont d'ailleurs pour le moment aucun intérêt, car un yuan trop cher pourrait casser leur croissance (comme le yen surévalué a fracassé le Japon il y a vingt ans). En outre, n'oublions pas qu'avec 3 300 milliards de dollars de réserves de changes et des bons du Trésor américain en quantité pléthorique, une trop forte baisse du dollar serait une catastrophe pour la valorisation des actifs chinois libellés dans cette monnaie.
En dépit d'une opposition de façade, les Américains et les Chinois feront tout pour que rien ne change. Du moins à court terme. Car, ne nous leurrons pas, la Chine entend devenir la première puissance économique mondiale et elle est consciente que, pour y parvenir, elle devra aussi disposer de la devise internationale de référence. Mais seulement à partir du moment où son économie sera suffisamment puissante pour supporter une devise durablement forte. Elle ouvrira alors ses marchés financiers, laissera le yuan s'apprécier massivement et pourra imposer aux pays de l'Opep et à ses partenaires commerciaux de libeller leurs transactions commerciales en yuan. Cette perspective n'aura certainement pas lieu avant une bonne quinzaine d'années. Néanmoins, si elle se réalise, les États-Unis deviendront un « pays émergent », criblé de dettes, ne pouvant plus actionner la « planche à billets » à l'envi, ni financer ses déficits grâce au rôle hégémonique de sa devise. La récession s'installera alors durablement outre-Atlantique, mais aussi sur le vieux continent qui, comme d'habitude, souffrira encore plus que les États-Unis.
Le match a déjà commencé. Il prendra toute son ampleur dans les dix prochaines années. Il n'opposera pas les États-Unis à l'Euroland, ni le dollar à l'euro, mais les États-Unis à la Chine et le dollar au renminbi. Et si Trump ne réussit pas à restaurer la croissance et la crédibilité de l'Oncle Sam, c'est l'Empire du milieu qui l'emportera. Or, si le dollar tombe définitivement de son piédestal, la planète connaîtra une crise bien plus grave et durable que celle des années 2008-2009. Alors, de grâce, chaque crise en son temps, si possible avec un répit d'au moins vingt ans, histoire de souffler un peu…
Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).
www.acdefi.com
Ah qu'elle paraît loin la période heureuse de la création de l'euro en 1999. A l'époque, certains, y compris votre serviteur, se mettaient à rêver : et si la monnaie unique européenne était enfin la devise capable de concurrencer le dollar ? Avec le taux de change initial (1,18 dollar pour 1 euro), tous les espoirs étaient permis. Les Américains en étaient également conscients (peut-être encore plus que les Européens, d'ailleurs) et se lançaient dans un mouvement massif d'appréciation du billet vert : environ 0,83 dollar pour 1 euro et 135 yens pour 1 dollar, de fin 2000 à début 2003. La place du dollar dans les transactions mondiales et dans les réserves de changes internationales s'en est trouvée confortée, permettant aux États-Unis de reprendre leur « benign neglect » (négligence douce) en matière de taux de change dès 2003-2004. Laissant de nouveau filer le dollar, ils pouvaient alors consolider leur croissance.
Parallèlement, en dépit des rumeurs régulières d'une montée en puissance de l'euro dans les réserves de change et les transactions internationales, le dollar représente encore aujourd'hui 50 % de ces dernières, tandis que le commerce américain ne pèse que 17 % du total mondial. Autrement dit, les deux tiers du commerce en dollars ne sont pas américains. Par ailleurs, 65 % des réserves de change dans le monde sont constituées en dollars.
La force du dollar est donc bien d'être demandé pour lui-même, c'est-à-dire d'être le benchmark, la référence, notamment sur le marché des changes, du pétrole et de l'or. Pour cette raison les États-Unis attirent chaque année entre 1 000 et 1 500 milliards de dollars d'investissements étrangers. Certains pays, tels l'Iran ou la Russie, ont pu annoncer qu'ils factureraient leurs barils de pétrole en euros. Ils ne l'ont jamais fait. De même, la Chine n'a pas converti ses réserves de changes du dollar vers l'euro. Loin s'en faut. Voilà pourquoi le dollar n'est toujours pas tombé de son piédestal…
Dès lors, même avec Trump à leur tête, les Etats-Unis ne laisseront jamais le dollar baisser trop bas, ni trop longtemps. Ils savent effectivement que le jour où leur monnaie connaîtra un concurrent sérieux et perdra son hégémonie, les États-Unis et l'ensemble de la planète tomberont dans une crise bien plus grave que celle que nous vivons depuis 2007.
Mais qui pourra un jour détrôner le billet vert ? Ne nous faisons pas d'illusion, comme nous venons de l'évoquer, ce ne sera pas l'euro. Car pour devenir l'étalon international, il faut une monnaie forte et crédible, qui puisse s'appuyer sur une économie durablement dynamique. Or, nous ne cessons de le déplorer depuis des années, lorsque l'euro est trop cher, la croissance de l'UEM s'effondre. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs : ce n'est pas une monnaie forte qui fait une croissance forte, mais c'est une croissance structurellement vigoureuse qui permet de supporter une monnaie chère.
En fait, le seul concurrent potentiel du billet vert est le yuan, la devise chinoise appelée aussi renminbi. Je défends cette théorie depuis déjà quelques années. Certes, la suprématie chinoise reste impossible tant que l'espace financier de la Chine est fermé et que le yuan n'est pas une devise internationale. En d'autres termes, les Chinois ne sont pas encore prêts, tant économiquement que financièrement. Ils n'y ont d'ailleurs pour le moment aucun intérêt, car un yuan trop cher pourrait casser leur croissance (comme le yen surévalué a fracassé le Japon il y a vingt ans). En outre, n'oublions pas qu'avec 3 300 milliards de dollars de réserves de changes et des bons du Trésor américain en quantité pléthorique, une trop forte baisse du dollar serait une catastrophe pour la valorisation des actifs chinois libellés dans cette monnaie.
En dépit d'une opposition de façade, les Américains et les Chinois feront tout pour que rien ne change. Du moins à court terme. Car, ne nous leurrons pas, la Chine entend devenir la première puissance économique mondiale et elle est consciente que, pour y parvenir, elle devra aussi disposer de la devise internationale de référence. Mais seulement à partir du moment où son économie sera suffisamment puissante pour supporter une devise durablement forte. Elle ouvrira alors ses marchés financiers, laissera le yuan s'apprécier massivement et pourra imposer aux pays de l'Opep et à ses partenaires commerciaux de libeller leurs transactions commerciales en yuan. Cette perspective n'aura certainement pas lieu avant une bonne quinzaine d'années. Néanmoins, si elle se réalise, les États-Unis deviendront un « pays émergent », criblé de dettes, ne pouvant plus actionner la « planche à billets » à l'envi, ni financer ses déficits grâce au rôle hégémonique de sa devise. La récession s'installera alors durablement outre-Atlantique, mais aussi sur le vieux continent qui, comme d'habitude, souffrira encore plus que les États-Unis.
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