Compétitivité : la Suisse tutoye les hautes cimes

Après une décennie de «marasme et de doute», la Suisse remonte de deux places au classement annuel de l’Institut international de management et développement (IMD) sur la compétitivité mondiale.


Elle atteint le 6e rang d'un hit-parade mené tambour battant par les Etats-Unis. Singapour prend la place de Hong Kong, maintenant ainsi un trio de tête identique à l'an dernier. L'institut lausannois a évalué la compétitivité de 55 pays sur la base de la performance économique, de l'efficacité du gouvernement, de l'efficacité des marchés et de la qualité des infrastructures. Deux nouveaux pays apparaissent pour la première fois dans le classement: l'Ukraine (46e) et la Lituanie (31e). Parmi les plus mauvais élèves se trouvent le Venezuela, l'Indonésie, la Croatie et la Pologne. En revanche, les pays nordiques continuent à monopoliser les hautes marches: Luxembourg (4e), Danemark (5e), Pays-Bas (8e) et Suède (9e).

La Suisse est première dans la recherche de base La recherche de base, l'infrastructure, l'expérience de ses dirigeants d'entreprise et l'ouverture internationale sont les points forts de la Suisse. Et «la bonne tenue des marchés internationaux a eu un impact favorable tant sur les banques que sur les grandes entreprises et PME tournées vers l'exportation et le marché du luxe», explique Stéphane Garelli, directeur du Centre sur la compétitivité mondiale de l'IMD. Autre facteur de cette remontée de la compétitivité: la performance de l'économie helvétique. La Suisse termine au 2e rang pour la balance des paiements et 4e pour le taux d'emploi, le chômage, l'inflation et les flux d'investissements directs à l'étranger.

A titre comparatif, elle était arrivée première du classement 2006 sur la compétitivité établi par le World Economic Forum. Mais l'estimation de l'IMD se veut plus «réaliste», précise le professeur. Les deux tiers de la note finale proviennent de statistiques pures et le tiers restant correspond aux résultats de sondage. En revanche, le WEF «se base à 80% sur des enquêtes d'opinion», ajoute encore Stéphane Garelli. Classée 14e en 2004, la Suisse a profité de la récente embellie économique internationale pour assurer son futur. Elle obtient donc de bons résultats en matière d'attractivité des talents venus de l'étranger (2e), de santé (2e), de qualité de vie (3e) et d'éducation (7e). Les procédures de décision restent un handicap

C'est justement sur son système éducatif que la Suisse doit miser, assure Stéphane Garelli. Auréolé d'un prestige international, celui-ci attire en effet des élèves de tous pays, qui sont toutefois «un peu déçus une fois sur place». Un autre bémol pour le futur s'illustre par les effets pervers de l'administration. «Très compétente et professionnelle», elle pèche encore par «son manque de procédures simplifiées», regrette le directeur.
Un réel handicap à l'heure d'attirer les entreprises étrangères. Pour maintenir sa position exceptionnelle en matière de compétitivité, la Suisse devra en plus «approfondir son engagement dans les secteurs spécifiques de la finance, des sciences de la vie et du tourisme». De véritables atouts face aux pays émergents, permettant aussi d'éviter de retomber dans «l'arrogance et l'immobilisme»

Le moteur huilé de l'économie allemande surclasse les deux vitesses britanniques
Les Allemands ont échangé leurs birkenstocks contre des bottes de sept lieues. La plus grande économie d'Europe est passée, en l'espace d'une année, de la 25e à la 16e place dans le rapport sur la compétitivité mondiale de l'IMD. «Une performance remarquable», selon Stéphane Garelli, qui souligne que «l'Allemagne a enfin fini de digérer l'intégration de l'Est». Le produit intérieur brut affiche une croissance de 2,7% pour 2006, loin devant les maigres gains des années précédentes. La première nation exportatrice de biens non-manufacturiers continue de se positionner sur l'échiquier mondial, malgré la montée discontinue de l'euro.
Les pays du nord de l'Europe ont tous amélioré leur position dans le classement, à l'exception de la Finlande qui chute de sept rangs. Les Pays-Bas sont passés de la 15e à la 8e place et la Suède de la 14e à la 9e place. Plus au sud, la France (28e) et l'Italie (42e) ont monté quelques échelons, mais restent toujours dans la deuxième moitié de classement. Sur une période de dix ans, elles sont les seules nations du G7 à avoir accusé un recul marqué par rapport aux Etats-Unis. Des pays tels qu'Israël et le Chili devancent encore la France, et la compétitivité de la Jordanie et de la Colombie surpasse celle de l'Italie.

Le renouveau du Japon ne convainc pas les analystes
A la différence d'une Europe continentale en progression, le Royaume-Uni stagne à nouveau à la 20e place. «Il ne faut pas se laisser abuser par les bons chiffres de Londres», s'exclame le professeur de l'IMD. Le dynamisme de la capitale britannique cache une inégalité criante avec les villes excentrées, ce qui pèse lourd sur l'indice général.
Deuxième économie du monde, le Japon fait pâle figure. Classé au 24e rang, le Pays du Soleil levant a chuté de 8 places en une année, alors que le gouvernement nippon a fixé comme objectif de doubler la part des investissements directs dans le PIB d'ici 2010. D'après Stéphane Garelli, «l'euphorie de l'an dernier s'est estompée et le désintérêt se ressent dans les enquêtes d'opinion que nous avons menées». A préciser que ces derniers comptent pour un tiers de l'indice.
L'institut a émis, pour la première fois, des projections allant jusqu'en 2050. La baisse de la démographie et les effets négatifs d'un réchauffement planétaire sont perçus comme les principaux risques pour les pays industrialisés sur le long terme. La science du management des Américains restera l'un de leurs atouts majeurs, alors que l'Europe pourra se réjouir du vieillissement de la population, avec une bonne position dans la pharma et les services financiers. – (SF)

L'Empire du Milieu fait de l'ombre aux émergents
Les Etats-Unis tremblent. Non pas qu'ils manquent d'arguments compétitifs, mais ils se trouvent menacés dans leur suprématie. Du moins, telles sont les conclusions de l'IMD. Le petit dragon asiatique de Singapour se rapproche à grands pas du géant américain. Le roi de la compétitivité mondiale pourrait donc remettre sa couronne l'an prochain, ce d'autant que Hong Kong n'est pas loin.
Au-delà de ces Etats villes, les pays émergents peinent toutefois à offrir une copie uniforme. D'un côté, le mastodonte chinois fait figure d'épouvantail, digérant à nouveau quelques rangs pour se placer à la 15e position. De l'autre, l'Inde stagne au 27e rang, le Brésil – 49e sur 55 pays étudiés – perd cinq places et l'Afrique du Sud chute de douze échelons pour terminer au 50e rang. Pourquoi un tel retranchement? D'après le rapport de l'institut lausannois, l'Inde souffre trop de ses infrastructures et l'Afrique du Sud peine à résoudre ses problèmes sociaux et politiques, alors que le taux de chômage s'élève.

Le Brésil est à la traîne
Stéphane Garelli explique que l'économie brésilienne n'a pas su créer suffisamment de synergies pour augmenter sa croissance. «Les réformes tant attendues du président Lula ne sont pas encore venues», précise le professeur, qui juge critique le déséquilibre entre les mégalopoles et les autres villes. «São Paulo compte à elle seule pour un tiers du PIB brésilien, et si l'on rajoute Rio de Janeiro, la part de la valeur ajoutée monte à près de la moitié.» L'étude prédit toutefois que le coût du travail entre les nations industrialisées et les pays émergents passera d'un ratio d'un vingtième à celui d'un cinquième à l'horizon 2050. – (SF)

Source : www.agefi.ch
Etude : http://www.imd.ch

Lundi 7 Mai 2007


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