Lundi 20 Avril 2009

Comment acheter en plein crash ?

Le commentaire mensuel de Delubac Asset Management. Mieux vaut parfois moyenner son prix d’achat afin de lisser les à coups dans les périodes de stress de marché plutôt que de se couvrir tous azimuts, au risque de passer à côté des rebonds de marché· Tentons de dessiner quelques règles pour accumuler des titres dans des environnements de marché agités.


Le climat reste résolument tendu sur les marchés actions. Et ce ne sont pas les motifs d’inquiétude qui manquent aux investisseurs pour justifier leur défiance. Mais est-ce une raison pour rester à l’écart de cette classe d’actifs ?

Assurément non. Le risque systémique qu’a fait craindre pendant un moment la faillite de Lehman Brothers cachait déjà les germes d’une stabilisation du système. Dès l’été dernier, en effet, quelques éléments positifs émergeaient déjà : passés de 4,5% en début d’année à 2% au mois de septembre, avant de plonger à 0%, les taux directeurs de la Fed commençaient à contrebalancer les tensions sur le marché du crédit, dans un contexte de profusion de liquidités.

Même facteur de soutien du côté du pétrole, dont le reflux des prix a redonné de l’oxygène aux acteurs économiques, tandis que le lancement des premiers plans de relance concertés à travers la planète en automne invalidait peu à peu le scénario redouté d’un effondrement du système financier. En clair, la disparition de Lehman Brothers, qui a durablement tétanisé nombre de nos confrères dans une ambiance de fin du monde et de forte chute des anticipations de croissance mondiale, semble avoir été le point d’orgue d’un long newsflows négatif, au-delà duquel une réexposition graduelle devenait à
nouveau envisageable, à condition d’être sélective et surtout, graduelle.

Mais comment se réexposer dans un environnement de marché très volatil et un contexte d’aversion au risque historiquement élevée ? Une première méthode est de constituer son portefeuille, puis de couvrir ce dernier en attendant un hypothétique point bas sur les marchés. Mais cette pratique, si
elle est efficace lors des phases de baisse, risque en retour d’empêcher le gérant de profiter des phases de rebonds ultérieures. Un risque d’autant plus élevé que l’ampleur des couvertures amassées depuis plusieurs mois risque de démultiplier la vigueur des rebonds en cas de débouclements massifs et concomitants. Pour cette raison, les fonds actions les plus performants en
début d’année (phase baissière), généralement les plus couverts, ont souvent été en retrait au mois de mars (phase haussière).

Une autre méthode, plus pertinente, consiste à accumuler les titres dans les périodes agitées, afin de ne parvenir que progressivement à son allocation cible en lissant son prix d’achat.

Tentons d’en affiner les règles. Une première étape pourrait consister à accumuler chaque mois pendant un semestre les titres préalablement identifiés pour parvenir au final à à 70% de l’allocation souhaitée. De quoi lisser les aléas techniques de marché. C’est d’ailleurs ce que le plus prestigieux de nos confrères Warren Buffet a réalisé, en achevant sa période d’accumulation à la fin de l’année 2008. Reste à identifier le début de cette période.

Plusieurs indicateurs permettent d’estimer le moment idéal :
1- Le ratio bull/bear oscille autour de ses plus bas niveaux historiques
2- Les allocations en actions sont au plus bas
3- La rumeur populaire est défaitiste et prône un désengagement massif des marchés d’actions
4- La prime de risque des actions est au plus haut vis-à-vis des obligations
5- La moitié au moins des grandes valeurs de la cote sont valorisées en-dessous de leurs fonds propres

Au fond, ces critères reviennent à un même constat : ils reflètent une désertion des investisseurs, qui semblent intégrer dans leurs anticipations un scénario catastrophe. Mais puisqu’il est trop tôt pour juger de la pertinence de ce timing, l’investisseur ne se réexposera sur les 30% non encore alloués que lors de l’annonce des comptes des sociétés recherchées, à condition que ces publications confirment la bonne santé relative des valeurs concernées. Cette deuxième étape est une bonne façon de profiter de la hausse ultérieure de la valeur, qui ne manquera pas d’advenir sitôt les couvertures débouclées.

Un exemple. Nous sommes début octobre. Les réactions politiques à la débâcle de Lehman Brothers semblent présager qu’aucune autre faillite de grande ampleur ne sera acceptée. Pour Mr A., c’est le moment de se repositionner sur des valeurs qu’il sait résistantes dans des contextes économiques tendus, voire récessionistes. Ce sera, mettons, Orpéa. Spécialisé dans l’exploitation d'établissements pour personnes dépendantes, cette valeur profite en effet d’une tendance structurellement porteuse et a priori acyclique. Mr A. s’expose pour 70% de son exposition finale souhaitée en achetant des titres au début de chaque mois entre octobre et mars. Un moyen de lisser les effets des vastes opérations de deleveraging responsables de la chute des marchés en fin d’année, sur fond de baisse indiscriminée de toutes les valeurs de la cote. Le 8 avril, le groupe annonce un résultat net en hausse de 17,5% en 2008, confirmant l’intuition initiale de M. A, qui décide alors d’investir les 30% résiduels au moindre risque. Au final, le coût moyen global est de 27,48 euros, permettant une plus-value de presque 15% par rapport au cours de clôture du 15 avril !

Voilà pourquoi une période de grand stress, en suscitant une désertion des marchés, recèle de nombreuses opportunités pour se réexposer. Il est loin d’être trop tard.

Pour une vision structurelle de la cote
« Delubac Exceptions et Delubac Exceptions Europe sont deux FCP actions gérés activement selon une conviction forte :
seules les sociétés en mesure d’imposer leurs prix parviendront à maintenir durablement leurs marges dans l’environnement économique actuel (baisse des barrières douanières, montée en puissance des places de marchés électroniques, infidélité croissante des consommateurs, émergence des pays producteurs à faible coût de main d’oeuvre…).

Notre attention exclusivement portée aux entreprises capables d’affirmer leur « pricing power » nous
donne une vision structurelle, à long terme de la cote et affranchit notre gestion des aléas purement conjoncturels des marchés. L’objectif de cette chronique, qui vous sera adressée tous les mois, est d’examiner les grandes mutations en cours au sein de l’économie mondiale sous cet angle novateur, et d’en retenir des enseignements en matière d’investissement.

Nous espérons vous faire partager notre conviction. » Gérard Moulin, gérant actions à la Banque Delubac & Cie

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