Les civic techs réussissent-elles à accroître réellement la participation des citoyens à la vie publique et démocratique ? Certaines y parviennent indéniablement. Les plateformes de pétitions ont des millions d’utilisateurs à travers le monde. Le comparateur de programmes Voxe.org compte quant à lui plus de 3,7 millions d’utilisateurs dans plus d’une quinzaine de pays. Mais pour beaucoup de technologies civiques, le bilan est plus mitigé. Quelque 130 000 citoyens ont ainsi participé à la primaire citoyenne en France, LaPrimaire.org : ce n’est pas rien mais c’est beaucoup moins que le nombre de votants aux primaires organisées par les partis politiques en vue des élections présidentielles de 2017. A Paris, si le nombre de votants au budget participatif a progressé de façon encourageante au fil des ans (45 000 en 2014, 77 000 en 2015 et plus de 150 000 en 2016), il reste largement inférieur à la population parisienne (2,2 millions), et dès lors la question de la légitimité des décisions, ou de leur capture par des intérêts organisés, est posée. Tout aussi cruciale est celle de ceux qui, en dépit de la multiplication des outils, ne participent pas.
Une question de légitimité
Qui sont les exclus de la civic tech ? En premier lieu, ce sont les citoyens qui n’ont pas accès à Internet. C’est la fameuse fracture numérique, qui affecte non seulement ceux qui se sont pas connectés à Internet (50% de la population mondiale, et quelque 15% de la population des pays développés) mais aussi ceux qui ne sont pas équipés, ceux qui ne sont pas férus de technologie ou encore ceux qui ne manipulent pas avec aisance ces technologies. « Le fait de posséder un smartphone ou un ordinateur ne dit rien d’une capacité réelle à se servir de ces applications, souligne ainsi Loïc Blondiaux, professeur de Sciences Politiques à Paris I Panthéon Sorbonne. La plupart de ces applications font des efforts pour simplifier leur interface, mais on ne mesure pas la distance qui sépare une partie de la population de cet univers. »
Sont exclus en deuxième lieu tous ceux qui ne correspondent pas à la vision idéalisée du citoyen que véhiculent les civic techs. « C’est le modèle du citoyen éclairé, qui vient à la fois des Lumières et de l’agora athénienne », remarque Thierry Vedel, chercheur au Cevipof. Un citoyen qui aurait l’envie et prendrait le temps de bien s’informer, de se forger son opinion sur les débats en cours, de donner son avis aussi bien au niveau local qu’au niveau national et d’être consulté bien plus souvent qu’une fois tous les cinq ans. « Mais est-ce vraiment ce à quoi aspirent les gens ? Est-ce vraiment comme cela qu’ils veulent vivre leur citoyenneté ? Certaines personnes se contentent de voter et ne souhaitent pas s’impliquer davantage. En quoi peut-on dire que cela signifie être un mauvais citoyen ? », interpelle le chercheur.
Cette vision idéalisée du citoyen détermine le public naturel des civic techs, ce qui explique qu’elles aient du mal à l’élargir. « Cette citoyenneté idéale correspond à une frange de la population qui est très éduquée, qui a le plus de temps libre, qui est la plus politisée, poursuit Thierry Vedel. Tous ceux qui s’intéressent à l’innovation démocratique, même indépendamment d’Internet, constatent que les gens qui s’impliquent dans ce genre de processus ont toujours un peu le même profil : des professions intellectuelles type enseignants, des seniors et des représentants d’associations ». La civic tech doit donc faire attention à ne pas rester confinée à son premier public. Il lui faut grandir hors de son milieu naturel et atteindre ceux qui ne seraient pas spontanément intéressés. Étant donné ses objectifs, il en va de sa légitimité.
Il y a diversité et diversité
Confrontés à cette critique, certains entrepreneurs de la civic tech invitent à regarder le chemin déjà parcouru plutôt que celui qui reste à parcourir. « Est-ce satisfaisant d’avoir 21 000 citoyens qui participent à l’élaboration d’une loi dans un pays qui compte 45 millions d’électeurs ? interroge Cyril Lage, co-fondateur de Cap Collectif, à propos de la loi pour une République numérique.Peut-être pas, mais pour la première fois, 21 000 citoyens ont donné leur avis sur un texte avant son adoption en conseil des ministres et l’ensemble des lobbies, qui participent habituellement à huis clos, ont été contraints de participer eux aussi sur la plateforme ». Selon lui, « le plus important est de repenser la fabrication de la décision à travers deux leviers : l’inclusion et la transparence », c’est-à-dire permettre à tous ceux qui veulent s’exprimer de le faire et que leurs positions soient consultables par tous.
« Le numérique encourage plutôt l’inclusion d’arguments que de personnes », abonde Clément Mabi, chercheur à l’UTC de Compiègne. La participation de tous étant un objectif difficile à atteindre, il lui semble important « que ce soit d’abord la diversité des arguments qui soit représentée dans les débats ».
L’essentiel serait donc moins d’obtenir la participation de millions de personnes que d’avoir suffisamment de participants représentants toute la diversité de la société. Pour y parvenir, la meilleure solution consiste à avoir recours à des relais physiques.
C’est ainsi qu’à Paris, 30 millions d’euros des 100 millions d’euros de la troisième année du budget participatif ont pu être fléchés vers les quartiers populaires, sous-représentés jusque-là. « Nous avons beaucoup misé sur le physique en lançant des dispositifs de porte-à-porte, qui sont des technologies de ciblage plutôt utilisées dans les campagnes électorales mais que nous avons mis au service de la participation pour susciter des projets proposés par les résidents des quartiers populaires », détaille Clémence Pène, responsable de l’innovation interne à la mairie de Paris. De même, 10 millions d’euros ont été orientés vers les écoles. « En parvenant à une assiette de participation très large dans tous les quartiers, nous estimons avoir réussi à transformer l’essai », indique-t-elle.
À Nanterre aussi, l’accompagnement physique a joué un rôle très important. « Il y a eu beaucoup de réunions dans les quartiers, une communication très proche des habitants pour leur permettre ensuite d’accéder aux outils en ligne et de donner leur avis plus régulièrement, rapporte Caroline Corbal, présidente de DemocracyOS France. Si l’on se contente de faire en ligne, cela ne marche pas. Il faut hybrider le physique et le numérique. »
Comme le soulignait déjà l’OCDE en 2003 dans son rapport Promesses et limites de la démocratie électronique, « les obstacles à une plus large participation citoyenne au processus décisionnel sont d’ordre culturel, organisationnel et constitutionnel, et pas technologique.” Il est donc important de se garder de ce que le chercheur Evgeny Morozov a appelé le « solutionnisme technologique », l’illusion que la technologie peut tout résoudre à elle seule.
Autre exemple chez Fluicity, où il a été fait appel à des « ambassadeurs » pour parler de l’application dans leurs communautés. « Nous avons trouvé des sortes de héros locaux, qui nous ont permis d’aller toucher un échantillon plus représentatif, explique Julie de Pimodan, fondatrice et directrice de Fluicity. Il est vrai que nous restons quand même sur une population entre 18 et 45 ans, plutôt active, mais nous l’assumons totalement parce que pour le moment, les plus représentés dans les collectivités locales sont les plus de 55 ans, qui ont le temps d’aller aux réunions publiques et aux conseils de quartier et de répondre aux questionnaires papiers ».
Fluicity estime ainsi corriger certains biais de la démocratie participative locale préexistante. En effet, « le public de la civic tech n’est pas le même que celui des dispositifs traditionnels de participation, résume Clément Mabi. On élargit donc l’assiette, certes avec des angles morts terribles, mais la démocratie ne fonctionne pas avec des outils qui prennent le dessus sur d’autres : le seul moyen de combattre les problèmes d’inclusion, c’est de diversifier la boîte à outils car chaque public a ses outils de prédilections. »
Une démocratie malade
Il est toutefois important de ne pas réduire la démocratie participative à une question d’outils, car à trop se concentrer sur la forme, on prend le risque d’oublier le fond du problème. « Une procédure démocratique ne peut être uniquement incarnée par des outils. Par essence, elle repose sur la discussion entre des citoyens mobilisés pour répondre à une situation problématique, sur la richesse d’interactions qu’on ne peut pas sérieusement envisager réduire à des flux d’informations contenus par une application mobile », estime ainsi Clément Mabi, qui ne pense pas qu’il faille pour autant renoncer à utiliser des outils numériques en politique.
Dans le même esprit, l’un des adjoints à la maire de Paris, Emmanuel Grégoire, invite dans une tribune au Huffington Post à ne pas « penser la transformation numérique des politiques publiques comme un substitut suffisant à la crise du politique : la meilleure technologie, le meilleur design de l’outil ne peuvent durablement masquer la vacuité du discours politique, ou autrement dit, la forme ne remplacera jamais le fond ».
D’autres sont encore plus méfiants à l’encontre des technologies, dont ils dénoncent l’impact sur nos sociétés. « De façon générale, depuis le 18e siècle, l’affermissement des techniques débouche systématiquement à l’échelle globale sur un accroissement des inégalités », avance ainsi Dominique Bourg, philosophe et professeur à l’Université de Lausanne. « Il existe des exceptions, dans les cas où les techniques sont encadrées », admet le chercheur, qui appelle à « réaffirmer les valeurs de la société contre une technicisation accrue ». Selon lui, l’état « catastrophique » de nos démocraties est en partie lié à la disparition de tout référentiel commun, causée par la fragmentation du paysage de l’information sur Internet. En permettant une très large diffusion des « fake news » ou fausses nouvelles et en enfermant les utilisateurs dans des bulles d’information qui renforcent leurs opinions, les réseaux sociaux sont tout particulièrement pointés du doigt.
C’est ce dont s’inquiète le célèbre juriste de Harvard Lawrence Lessig. « Nous sommes passés de plateformes communes à des plateformes de plus en plus fragmentées, qui produisent un monde dans lequel chacun vit dans sa propre bulle d’information. Or dans ce monde-là, l’idée même d’une action politique orientée vers l’intérêt général est presque impossible », prévient-il dans une interview à Libération. « Dans le cyberespace, il est de plus en plus facile de segmenter efficacement les gens, de les cantonner à leur propre univers. Cette efficacité même est un problème pour la liberté. C’est une évolution dévastatrice, qui détruit la base de l’engagement démocratique », poursuit-il.
Il s’agit peut-être là du plus grand défi pour la civic tech, qui joue sur le même terrain en utilisant les mêmes outils mais avec des objectifs radicalement opposés, dont justement celui de renforcer l’engagement démocratique. « Pour l’instant, il est vrai que la civic tech n’est pas du tout armée pour lutter contre une désinformation massive », admet Valentin Chaput, co-fondateur d’Open Source Politics. « Mais cela ne veut pas dire qu’on n’y arrivera pas un jour », veut-il croire avec optimisme. Lawrence Lessig est quant à lui bien plus pessimiste. « Les démocraties choisissent de se détruire elles-mêmes… C’est comme une maladie auto-immune. La seule manière de combattre l’autoritarisme, c’est de construire et de pratiquer une démocratie véritablement représentative. C’est tout l’enjeu aujourd’hui, mais je ne suis pas certain que nous y parviendrons. »
Une question de légitimité
Qui sont les exclus de la civic tech ? En premier lieu, ce sont les citoyens qui n’ont pas accès à Internet. C’est la fameuse fracture numérique, qui affecte non seulement ceux qui se sont pas connectés à Internet (50% de la population mondiale, et quelque 15% de la population des pays développés) mais aussi ceux qui ne sont pas équipés, ceux qui ne sont pas férus de technologie ou encore ceux qui ne manipulent pas avec aisance ces technologies. « Le fait de posséder un smartphone ou un ordinateur ne dit rien d’une capacité réelle à se servir de ces applications, souligne ainsi Loïc Blondiaux, professeur de Sciences Politiques à Paris I Panthéon Sorbonne. La plupart de ces applications font des efforts pour simplifier leur interface, mais on ne mesure pas la distance qui sépare une partie de la population de cet univers. »
Sont exclus en deuxième lieu tous ceux qui ne correspondent pas à la vision idéalisée du citoyen que véhiculent les civic techs. « C’est le modèle du citoyen éclairé, qui vient à la fois des Lumières et de l’agora athénienne », remarque Thierry Vedel, chercheur au Cevipof. Un citoyen qui aurait l’envie et prendrait le temps de bien s’informer, de se forger son opinion sur les débats en cours, de donner son avis aussi bien au niveau local qu’au niveau national et d’être consulté bien plus souvent qu’une fois tous les cinq ans. « Mais est-ce vraiment ce à quoi aspirent les gens ? Est-ce vraiment comme cela qu’ils veulent vivre leur citoyenneté ? Certaines personnes se contentent de voter et ne souhaitent pas s’impliquer davantage. En quoi peut-on dire que cela signifie être un mauvais citoyen ? », interpelle le chercheur.
Cette vision idéalisée du citoyen détermine le public naturel des civic techs, ce qui explique qu’elles aient du mal à l’élargir. « Cette citoyenneté idéale correspond à une frange de la population qui est très éduquée, qui a le plus de temps libre, qui est la plus politisée, poursuit Thierry Vedel. Tous ceux qui s’intéressent à l’innovation démocratique, même indépendamment d’Internet, constatent que les gens qui s’impliquent dans ce genre de processus ont toujours un peu le même profil : des professions intellectuelles type enseignants, des seniors et des représentants d’associations ». La civic tech doit donc faire attention à ne pas rester confinée à son premier public. Il lui faut grandir hors de son milieu naturel et atteindre ceux qui ne seraient pas spontanément intéressés. Étant donné ses objectifs, il en va de sa légitimité.
Il y a diversité et diversité
Confrontés à cette critique, certains entrepreneurs de la civic tech invitent à regarder le chemin déjà parcouru plutôt que celui qui reste à parcourir. « Est-ce satisfaisant d’avoir 21 000 citoyens qui participent à l’élaboration d’une loi dans un pays qui compte 45 millions d’électeurs ? interroge Cyril Lage, co-fondateur de Cap Collectif, à propos de la loi pour une République numérique.Peut-être pas, mais pour la première fois, 21 000 citoyens ont donné leur avis sur un texte avant son adoption en conseil des ministres et l’ensemble des lobbies, qui participent habituellement à huis clos, ont été contraints de participer eux aussi sur la plateforme ». Selon lui, « le plus important est de repenser la fabrication de la décision à travers deux leviers : l’inclusion et la transparence », c’est-à-dire permettre à tous ceux qui veulent s’exprimer de le faire et que leurs positions soient consultables par tous.
« Le numérique encourage plutôt l’inclusion d’arguments que de personnes », abonde Clément Mabi, chercheur à l’UTC de Compiègne. La participation de tous étant un objectif difficile à atteindre, il lui semble important « que ce soit d’abord la diversité des arguments qui soit représentée dans les débats ».
L’essentiel serait donc moins d’obtenir la participation de millions de personnes que d’avoir suffisamment de participants représentants toute la diversité de la société. Pour y parvenir, la meilleure solution consiste à avoir recours à des relais physiques.
C’est ainsi qu’à Paris, 30 millions d’euros des 100 millions d’euros de la troisième année du budget participatif ont pu être fléchés vers les quartiers populaires, sous-représentés jusque-là. « Nous avons beaucoup misé sur le physique en lançant des dispositifs de porte-à-porte, qui sont des technologies de ciblage plutôt utilisées dans les campagnes électorales mais que nous avons mis au service de la participation pour susciter des projets proposés par les résidents des quartiers populaires », détaille Clémence Pène, responsable de l’innovation interne à la mairie de Paris. De même, 10 millions d’euros ont été orientés vers les écoles. « En parvenant à une assiette de participation très large dans tous les quartiers, nous estimons avoir réussi à transformer l’essai », indique-t-elle.
À Nanterre aussi, l’accompagnement physique a joué un rôle très important. « Il y a eu beaucoup de réunions dans les quartiers, une communication très proche des habitants pour leur permettre ensuite d’accéder aux outils en ligne et de donner leur avis plus régulièrement, rapporte Caroline Corbal, présidente de DemocracyOS France. Si l’on se contente de faire en ligne, cela ne marche pas. Il faut hybrider le physique et le numérique. »
Comme le soulignait déjà l’OCDE en 2003 dans son rapport Promesses et limites de la démocratie électronique, « les obstacles à une plus large participation citoyenne au processus décisionnel sont d’ordre culturel, organisationnel et constitutionnel, et pas technologique.” Il est donc important de se garder de ce que le chercheur Evgeny Morozov a appelé le « solutionnisme technologique », l’illusion que la technologie peut tout résoudre à elle seule.
Autre exemple chez Fluicity, où il a été fait appel à des « ambassadeurs » pour parler de l’application dans leurs communautés. « Nous avons trouvé des sortes de héros locaux, qui nous ont permis d’aller toucher un échantillon plus représentatif, explique Julie de Pimodan, fondatrice et directrice de Fluicity. Il est vrai que nous restons quand même sur une population entre 18 et 45 ans, plutôt active, mais nous l’assumons totalement parce que pour le moment, les plus représentés dans les collectivités locales sont les plus de 55 ans, qui ont le temps d’aller aux réunions publiques et aux conseils de quartier et de répondre aux questionnaires papiers ».
Fluicity estime ainsi corriger certains biais de la démocratie participative locale préexistante. En effet, « le public de la civic tech n’est pas le même que celui des dispositifs traditionnels de participation, résume Clément Mabi. On élargit donc l’assiette, certes avec des angles morts terribles, mais la démocratie ne fonctionne pas avec des outils qui prennent le dessus sur d’autres : le seul moyen de combattre les problèmes d’inclusion, c’est de diversifier la boîte à outils car chaque public a ses outils de prédilections. »
Une démocratie malade
Il est toutefois important de ne pas réduire la démocratie participative à une question d’outils, car à trop se concentrer sur la forme, on prend le risque d’oublier le fond du problème. « Une procédure démocratique ne peut être uniquement incarnée par des outils. Par essence, elle repose sur la discussion entre des citoyens mobilisés pour répondre à une situation problématique, sur la richesse d’interactions qu’on ne peut pas sérieusement envisager réduire à des flux d’informations contenus par une application mobile », estime ainsi Clément Mabi, qui ne pense pas qu’il faille pour autant renoncer à utiliser des outils numériques en politique.
Dans le même esprit, l’un des adjoints à la maire de Paris, Emmanuel Grégoire, invite dans une tribune au Huffington Post à ne pas « penser la transformation numérique des politiques publiques comme un substitut suffisant à la crise du politique : la meilleure technologie, le meilleur design de l’outil ne peuvent durablement masquer la vacuité du discours politique, ou autrement dit, la forme ne remplacera jamais le fond ».
D’autres sont encore plus méfiants à l’encontre des technologies, dont ils dénoncent l’impact sur nos sociétés. « De façon générale, depuis le 18e siècle, l’affermissement des techniques débouche systématiquement à l’échelle globale sur un accroissement des inégalités », avance ainsi Dominique Bourg, philosophe et professeur à l’Université de Lausanne. « Il existe des exceptions, dans les cas où les techniques sont encadrées », admet le chercheur, qui appelle à « réaffirmer les valeurs de la société contre une technicisation accrue ». Selon lui, l’état « catastrophique » de nos démocraties est en partie lié à la disparition de tout référentiel commun, causée par la fragmentation du paysage de l’information sur Internet. En permettant une très large diffusion des « fake news » ou fausses nouvelles et en enfermant les utilisateurs dans des bulles d’information qui renforcent leurs opinions, les réseaux sociaux sont tout particulièrement pointés du doigt.
C’est ce dont s’inquiète le célèbre juriste de Harvard Lawrence Lessig. « Nous sommes passés de plateformes communes à des plateformes de plus en plus fragmentées, qui produisent un monde dans lequel chacun vit dans sa propre bulle d’information. Or dans ce monde-là, l’idée même d’une action politique orientée vers l’intérêt général est presque impossible », prévient-il dans une interview à Libération. « Dans le cyberespace, il est de plus en plus facile de segmenter efficacement les gens, de les cantonner à leur propre univers. Cette efficacité même est un problème pour la liberté. C’est une évolution dévastatrice, qui détruit la base de l’engagement démocratique », poursuit-il.
Il s’agit peut-être là du plus grand défi pour la civic tech, qui joue sur le même terrain en utilisant les mêmes outils mais avec des objectifs radicalement opposés, dont justement celui de renforcer l’engagement démocratique. « Pour l’instant, il est vrai que la civic tech n’est pas du tout armée pour lutter contre une désinformation massive », admet Valentin Chaput, co-fondateur d’Open Source Politics. « Mais cela ne veut pas dire qu’on n’y arrivera pas un jour », veut-il croire avec optimisme. Lawrence Lessig est quant à lui bien plus pessimiste. « Les démocraties choisissent de se détruire elles-mêmes… C’est comme une maladie auto-immune. La seule manière de combattre l’autoritarisme, c’est de construire et de pratiquer une démocratie véritablement représentative. C’est tout l’enjeu aujourd’hui, mais je ne suis pas certain que nous y parviendrons. »
Ce contenu est issu de ParisTech Review où il a été publié à l’origine sous le titre " Internet physique:Civic Techs – 3 – Une promesse intenable ? ".
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