Lundi 15 Décembre 2014
Finyear, quotidien Finance d'entreprise

Chine, Macron : l'art du marketing.

Cette semaine a été marquée par deux évènements principaux. Primo, selon le FMI, la Chine serait dès la fin 2014 la première puissance mondiale, juste devant les Etats-Unis. Secundo, appuyé par Manuel Valls, le ministre de l'économie Emmanuel Macron a présenté une loi éponyme visant à dérèglementer une partie de l'économie française et à relancer la croissance et l'emploi dans l'Hexagone. A priori très différents, ces deux évènements ont cependant un point commun : ils relèvent tous d'un effet marketing et ne reflètent pas la réalité escomptée.


Marc Touati
Commençons par la Chine, qui serait donc à la tête de l'économie mondiale. Cela s'expliquerait par le fait que son PIB, mesuré en dollars PPA (c'est-à-dire en parités de pouvoir d'achat) atteindrait 17 632 milliards de dollars, contre 17 416 milliards pour son homologue américain, qui serait ainsi relégué à la seconde place, pour la première fois dans l'Histoire contemporaine.

Comme souvent, les statistiques doivent néanmoins être prises avec des pincettes. En effet, le PIB en PPA reste avant tout un calcul destiné à établir une unité de mesure commune hors inflation et hors variation de changes (en l'occurrence le dollar en PPA) afin de pouvoir comparer les différents PIB de la planète et de les additionner pour établir le PIB mondial. Autrement dit, le PIB chinois en dollar PPA équivaut à celui qui prévaudrait dans l'Empire du milieu si le taux de change du yuan/dollar était à son niveau d'équilibre et s'il n'y avait pas de différence de pouvoir d'achat entre les Etats-Unis et la Chine. Deux hypothèses hautement théoriques et surtout improbables pour le moment. Ainsi, alors que la devise chinoise fluctue actuellement autour de 6,3 yuans pour un dollar, son niveau de PPA est de 3,5 yuans pour un dollar, soit presque du simple au double.

Ainsi, mesuré en dollar courants, le PIB chinois est de « seulement » 10 355 milliards de dollars, ce qui le place certes loin devant son suivant, en l'occurrence le PIB japonais à 4 769 milliards de dollars, mais toujours loin derrière celui des Etats-Unis à 17 416 milliards.

Mais si, selon cette mesure, la Chine reste tout de même la deuxième puissance économique mondiale, le comparatif des PIB par habitant est beaucoup moins flatteur. Ainsi, avec un niveau de 7 572 dollars, la Chine se situe à la 80ème place mondiale, évidemment loin derrière les Etats-Unis, neuvième mondiaux avec 54 678 dollars, et a fortiori du numéro un, à savoir le Luxembourg avec 116 752 dollars par habitant.

Pour autant, il ne faudrait pas non plus minorer le succès chinois. En effet, la part de la Chine dans le PIB mondial (en PPA) n'était que de 2 % en 1980 et de 4 % en 1990. Elle est aujourd'hui de 16,5 %, contre 16,3 % pour les Etats-Unis. Parallèlement, en base 100 en 1990, le PIB chinois réel (c'est-à-dire hors inflation) atteint un niveau de 1 000 aujourd'hui, contre par exemple 440 pour l'Inde et 180 pour l'Oncle Sam. Les progrès exceptionnels de la Chine ne font donc pas de doute.

Mais il y a encore mieux. Car, si les pays occidentaux restent encore fragilisés par la dernière crise, en particulier en Europe, la Chine a su se doter d'un trésor de guerre qui l'immunise contre les prochaines tempêtes. En l'occurrence, des réserves de change de plus de 4 050 milliards de dollars, soit environ 500 milliards de plus que le PIB allemand. Autrement dit, si, pour le moment, la première place économique mondiale de la Chine relève principalement de la statistique, elle sera bientôt une réalité, quelle que soit les mesures utilisées.

Bien loin de cette force, la France et son gouvernement n'ont plus que le marketing pour essayer de faire illusion. Le projet de loi dit Macron en est l'exemple type. Cela en devient même grotesque. En effet, comment peut-on laisser croire que la croissance française va redémarrer parce que l'on va permettre à certains magasins d'ouvrir 7 dimanches par an ou aux compagnies d'autocar de se développer davantage ? Le pire est que ces réformettes mettent la classe politique en émoi, comme s'il s'agissait d'une thérapie de choc draconienne à même de changer la face de la France, qui passerait ainsi de l'immobilisme à la performance économique.

Arrêtons donc de nous voiler la face : si les mesures Macron (pour peu qu'elles soient votées et réellement appliquées un jour) vont dans le bon sens, elles demeurent hautement insuffisantes pour relancer la France sur le chemin de la croissance forte. Pour y parvenir, il faudra notamment baisser massivement les impôts et les dépenses publiques, tout en réduisant le coût du travail et en modernisant le marché de l'emploi. Nous en sommes malheureusement encore loin.

Et en attendant d'y parvenir, les résultats économiques de la France commencent vraiment à devenir inquiétants surtout si on les compare à ceux de la Chine et des Etats-Unis. Si la France est encore cinquième puissance mondiale, ex-aequo avec le Royaume-Uni en termes de PIB en dollars courants (2 900 milliards de dollars), elle n'est plus que huitième selon le PIB en PPA (derrière la Russie et le Brésil et juste devant l'Indonésie). En outre, avec un PIB par habitant de 45 380 dollars, elle se situe à la 18ème place mondiale, passant derrière la Belgique (à 47 160 dollars), qui a peut-être bénéficié de l'exil fiscal de certains Français.

De plus, à présent que l'euro repart à la baisse et surtout avec une croissance stabilisée autour de 0 % dans un monde qui croît à un rythme de 3,5 % à 4 % par an, la France va encore perdre quelques places au cours des prochaines années.

Et sans vouloir décevoir MM. Macron, Valls et Hollande, ce n'est pas quelques réformettes qui vont permettre d'inverser la tendance. Le marketing c'est bien, les réformes structurelles c'est mieux !

Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).

www.acdefi.com


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