Nicolas Bauch-Labesse
Citons lapidairement les principes généraux de la "cession Dailly" et l'application qu'en a récemment fait la Jurisprudence, souvent inédite :
- Les créances peuvent être actuelles ou futures, mais elles ne sont transmissibles que si le créancier est une personne morale de droit privé ou public ou, s'agissant d'une personne physique, si les créances ont un caractère professionnel.
Le Tribunal administratif de Rouen a fait une application originale de la cession Dailly en admettant la possibilité, pour la première fois en France, pour une collectivité locale, de céder en Dailly sa créance sur le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) qu'elle détient sur l'Etat. (TA Rouen 1re ch, 5/07/2007, Préfet de l'Eure / Commune d'Evreux)
- La cession doit nécessairement être formalisée par un bordereau avec les mentions obligatoires dont le défaut est sanctionné par l'absence de reconnaissance de la cession Dailly : l'article L.313-23 du Code monétaire et financier précise que dans ce cas, "le titre … ne vaut pas comme acte de cession ou de nantissement de créances professionnelles".
La Cour de cassation a toujours appliqué avec rigueur ce principe, en l'étendant même, de façon inédite, à la validité de l'acceptation de la cession par un débiteur cédé (sur l'acceptation, voir infra) : la Haute Cour précise en effet que lorsque le bordereau de cession Dailly est irrégulier, l'engagement de payer du débiteur cédé ne vaut pas acceptation de la cession de la créance. (Cass. Com. 16/10/2007, n°06-14.675)
- La cession Dailly à titre d'escompte comme à titre de garantie emporte transfert au cessionnaire de la propriété de la créance avec toutes ses caractéristiques et ses accessoires ; propriété qui est ensuite retransférée au cédant dans le seul cadre d'une cession à titre de nantissement, après extinction de la dette garantie.
La première chambre civile de la Cour de cassation précise utilement que ce n'est que dans le cas d'une cession à titre de garantie que "le cédant d'origine peut retrouver la propriété de la créance cédée, sans formalité particulière dans la mesure où la garantie prend fin lorsque son bénéficiaire n'a plus de créance à faire valoir ou lorsqu'il y renonce". (Cass. Civ. 1, 19/09/2007, n°04-18.372)
- Alors qu'une cession de créance de l'article 1689 et suivants du Code Civil ne prévoit que la garantie du cédant sur l'existence de la créance au moment de la cession (article 1693 du Code Civil) ; la cession Dailly prévoit que sauf convention contraire, le cédant est garant solidaire du paiement des créances cédées ou données en nantissement.
La Chambre Commerciale de la Cour de cassation a innové dernièrement dans le cadre d'une cession notifiée, en indiquant que si le cessionnaire bénéficie d'un recours en garantie contre le cédant, garant solidaire, sans avoir à justifier préalablement d'une poursuite judiciaire contre le débiteur cédé ou même de sa mise en demeure, il est cependant tenu de justifier d'une demande amiable adressée à ce débiteur ou de la survenance d'un événement rendant impossible le paiement (Cass. Com. 18/09/2007, n°06-13.736)
- Sauf s'il a donné son acceptation dans les formes prévues par la loi de 1981, le débiteur cédé peut opposer à l'établissement de crédit toutes les exceptions qu'il aurait pu faire valoir à l'encontre du cédant.
- Le débiteur cédé paie valablement les créances cédées entre les mains du cédant, à moins que la cession Dailly lui ait été notifiée dans les formes prévues par la loi de 1981.
- La cession Dailly est opposable aux tiers à la date portée sur le bordereau par l'établissement de crédit ; cette date est importante en ce qu'elle permet de résoudre le plus souvent les conflits entre le bénéficiaire du bordereau et un éventuel autre cessionnaire de la même créance, un affactureur ou un porteur d'une lettre de change.
Ainsi, dans la mesure où un cédant ne peut transférer plus de droit qu'il n'en possède (nemo plus juris …), il ne peut céder deux fois la même créance, et la cession la plus antérieure primera.
En dernière minute, signalons un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 4 mars 2008 (n° 06-19.725). La clarté de l'attendu nous permet de le livrer sans commentaire :
"... la notification prévue à l'article L. 313-28 du code monétaire et financier n'entraîne pas, à la charge du débiteur cédé, une obligation d'information, au profit du cessionnaire, sur l'existence et la valeur des créances cédées ..."
Le débiteur cédé, sauf cas de comportement frauduleux, ne pourra donc pas se voir imputer la responsabilité de l'inexistence de la créance (ici, cas d'une créance déjà cédée à un tiers lors de la notification).
Cette actualité jurisprudentielle confirme bien les propos de Monsieur le Professeur Cabrillac (D.1990, p.127 n°1, cité par Guillaume Huchet au JCP E n°9, 28/02/2008 1267) qui rend délicieusement attirante cette matière souvent aride : "Telle une femme fatale, la cession par bordereau Dailly peut être à la fois merveilleuse et diabolique ; merveilleuse, elle l'est pour les gens de doctrine qu'elle invite à jongler avec la théorie générale des obligations ; diabolique, elle l'est pour les magistrats qu'elle contraint à trancher parfois des problèmes fort épineux".
Source :
Rédigé par Nicolas Bauch-Labesse le 23 avril 2008
AVOCAT Département Contentieux, Médiation et Arbitrage
www.hammonds.fr
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- Les créances peuvent être actuelles ou futures, mais elles ne sont transmissibles que si le créancier est une personne morale de droit privé ou public ou, s'agissant d'une personne physique, si les créances ont un caractère professionnel.
Le Tribunal administratif de Rouen a fait une application originale de la cession Dailly en admettant la possibilité, pour la première fois en France, pour une collectivité locale, de céder en Dailly sa créance sur le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) qu'elle détient sur l'Etat. (TA Rouen 1re ch, 5/07/2007, Préfet de l'Eure / Commune d'Evreux)
- La cession doit nécessairement être formalisée par un bordereau avec les mentions obligatoires dont le défaut est sanctionné par l'absence de reconnaissance de la cession Dailly : l'article L.313-23 du Code monétaire et financier précise que dans ce cas, "le titre … ne vaut pas comme acte de cession ou de nantissement de créances professionnelles".
La Cour de cassation a toujours appliqué avec rigueur ce principe, en l'étendant même, de façon inédite, à la validité de l'acceptation de la cession par un débiteur cédé (sur l'acceptation, voir infra) : la Haute Cour précise en effet que lorsque le bordereau de cession Dailly est irrégulier, l'engagement de payer du débiteur cédé ne vaut pas acceptation de la cession de la créance. (Cass. Com. 16/10/2007, n°06-14.675)
- La cession Dailly à titre d'escompte comme à titre de garantie emporte transfert au cessionnaire de la propriété de la créance avec toutes ses caractéristiques et ses accessoires ; propriété qui est ensuite retransférée au cédant dans le seul cadre d'une cession à titre de nantissement, après extinction de la dette garantie.
La première chambre civile de la Cour de cassation précise utilement que ce n'est que dans le cas d'une cession à titre de garantie que "le cédant d'origine peut retrouver la propriété de la créance cédée, sans formalité particulière dans la mesure où la garantie prend fin lorsque son bénéficiaire n'a plus de créance à faire valoir ou lorsqu'il y renonce". (Cass. Civ. 1, 19/09/2007, n°04-18.372)
- Alors qu'une cession de créance de l'article 1689 et suivants du Code Civil ne prévoit que la garantie du cédant sur l'existence de la créance au moment de la cession (article 1693 du Code Civil) ; la cession Dailly prévoit que sauf convention contraire, le cédant est garant solidaire du paiement des créances cédées ou données en nantissement.
La Chambre Commerciale de la Cour de cassation a innové dernièrement dans le cadre d'une cession notifiée, en indiquant que si le cessionnaire bénéficie d'un recours en garantie contre le cédant, garant solidaire, sans avoir à justifier préalablement d'une poursuite judiciaire contre le débiteur cédé ou même de sa mise en demeure, il est cependant tenu de justifier d'une demande amiable adressée à ce débiteur ou de la survenance d'un événement rendant impossible le paiement (Cass. Com. 18/09/2007, n°06-13.736)
- Sauf s'il a donné son acceptation dans les formes prévues par la loi de 1981, le débiteur cédé peut opposer à l'établissement de crédit toutes les exceptions qu'il aurait pu faire valoir à l'encontre du cédant.
- Le débiteur cédé paie valablement les créances cédées entre les mains du cédant, à moins que la cession Dailly lui ait été notifiée dans les formes prévues par la loi de 1981.
- La cession Dailly est opposable aux tiers à la date portée sur le bordereau par l'établissement de crédit ; cette date est importante en ce qu'elle permet de résoudre le plus souvent les conflits entre le bénéficiaire du bordereau et un éventuel autre cessionnaire de la même créance, un affactureur ou un porteur d'une lettre de change.
Ainsi, dans la mesure où un cédant ne peut transférer plus de droit qu'il n'en possède (nemo plus juris …), il ne peut céder deux fois la même créance, et la cession la plus antérieure primera.
En dernière minute, signalons un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 4 mars 2008 (n° 06-19.725). La clarté de l'attendu nous permet de le livrer sans commentaire :
"... la notification prévue à l'article L. 313-28 du code monétaire et financier n'entraîne pas, à la charge du débiteur cédé, une obligation d'information, au profit du cessionnaire, sur l'existence et la valeur des créances cédées ..."
Le débiteur cédé, sauf cas de comportement frauduleux, ne pourra donc pas se voir imputer la responsabilité de l'inexistence de la créance (ici, cas d'une créance déjà cédée à un tiers lors de la notification).
Cette actualité jurisprudentielle confirme bien les propos de Monsieur le Professeur Cabrillac (D.1990, p.127 n°1, cité par Guillaume Huchet au JCP E n°9, 28/02/2008 1267) qui rend délicieusement attirante cette matière souvent aride : "Telle une femme fatale, la cession par bordereau Dailly peut être à la fois merveilleuse et diabolique ; merveilleuse, elle l'est pour les gens de doctrine qu'elle invite à jongler avec la théorie générale des obligations ; diabolique, elle l'est pour les magistrats qu'elle contraint à trancher parfois des problèmes fort épineux".
Source :
Rédigé par Nicolas Bauch-Labesse le 23 avril 2008
AVOCAT Département Contentieux, Médiation et Arbitrage
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