Mardi 26 Mai 2009

Agences de notation : dans tous leurs états

Les états durcissent leurs exigences vis-à-vis des agences de notation à l’heure où l’ampleur de leurs plans de relance respectifs affecte durablement leur propre qualité de crédit. Mais comment noter des états qui, contrairement aux entreprises, n’ont pas de bilan ?


Avec les hedge funds et les paradis fiscaux, les agences de notation figurent en bonne place sur le podium des acteurs réputés responsables de la crise actuelle. Juges et parties, puisque rémunérés par ceux-là mêmes qu’ils sont censés noter, ces institutions auraient minimisé à leur corps défendant le risque de crédit de leurs clients dans un contexte oligopolistique par ailleurs peu propice au discernement. Voilà pourquoi la bulle des subprimes aurait éclaté sans que personne ou presque ne l’ait prévu. Voilà aussi pourquoi les états ont fait de la réorganisation de la notation financière un des piliers de la réforme du système financier mondial. Du côté de Bruxelles, le commissaire au marché intérieur, Charlie Mc Creevy, n’a pas eu de mots assez durs pour fustiger la responsabilité des ces acteurs et pour justifier la création récemment votée à Strasbourg d’un organe public chargé d’enregistrer les agences, de vérifier la précision de leurs prévisions respectives et de les comparer entre elles. Surtout, les agences sont désormais responsables de leurs avis et courent le risque de se voir retirer leur licence leur permettant d'exercer au sein de l’Union européenne. Et l’humeur n’est guère plus clémente à l’extérieur des frontières européennes.

Le message est clair : dans le collimateur des états, les agences de notation sont sommées de mieux circonscrire la qualité de crédit des entités qu’elles notent, que celles-ci soient privées ou… publiques. Et c’est là que la situation risque de se compliquer pour les états. La gravité de la crise a en effet amené les gouvernements à annoncer des plans de relance souvent très ambitieux, aggravant avec une intensité inédite les déficits publics. Si la croissance repart, pas de souci. Sous réserve de mettre en place ultérieurement des plans ambitieux de réduction des déficits, le rebond prévisible des recettes fiscales finira par assainir de lui-même les comptes publics. Dans le cas contraire, en revanche, les états et les collectivités se retrouveront dans une situation inextricable.

Car une entité publique n’est pas une entreprise. Un groupe privé aculé par une lourde dette a toujours la possibilité de se restructurer en vendant des actifs, en réduisant ses coûts ou en procédant à des augmentations de capital. Seulement voilà. Hormis un patrimoine immobilier bien modeste en comparaison des montants en présence ou quelques entreprises publiques encore privatisables, les états sont dans l’impossibilité de céder des actifs. Une réduction des dépenses n’a aucun sens puisque ce sont justement ces dernières qui sont censées participer à la relance de l’économie. Enfin, ils n’ont aucun fonds propre à renforcer sur le marché.

Finalement, leur seul avantage réside dans leur capacité à exiger des augmentations d’impôts. Mais voilà. En augmentant les prélèvements, ce type de mesure peut par ricochet dissuader l’initiative privée et donc, obérer tout rebond des recettes futures. Une perspective particulièrement problématique, à l’heure où le durcissement des exigences imposées aux agences de notation risque d’amener ces dernières à auditer de façon encore plus sévère les perspectives fiscales de ces mêmes états, de réviser en baisse leur notation respective et donc, de limiter leur capacité à lever une dette par ailleurs de plus en plus onéreuse. Un risque que des pays aussi proches que l’Espagne, la Grèce, voire l’Italie pourraient payer cher dans un avenir proche. Pompiers pyromanes d’un incendie planétaire, les états jouent donc gros à imposer des règles pourtant unanimement considérées comme indispensables… au moment où ces mêmes états doivent émettre le plus de dettes.

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