Accélération de la baisse

Lettre du vendredi 17 juin 2022 rédigée par Eric Galiègue - VALQUANT.


Eric Galiègue
La période de déni semble enfin s’achever. Des deux côtés de l’Atlantique et surtout à Wall Street, la pression vendeuse est devenue très importante, et les tenants du métavers financier et autres porteurs de cryptomonnaies ont compris que le marché n’a pas un seul sens. Les cours des actions baissent d’autant plus rapidement que le potentiel de dégonflement des marchés est important. Nous nous en étonnons toujours, mais c’est bien la réalité : les cours évoluent « au fil de l’eau », en réaction à la réalisation d’un événement, et non à leur anticipation. Ainsi, la hausse des taux de la Fed, qui était parfaitement anticipée, explique l’accélération baissière des derniers jours. On savait depuis des mois que le Quantitative Easing de la banque centrale des USA devait cesser le premier juin, et que 2022 est l’année de la normalisation des taux. Les cours auraient dû baisser avant. Et non, ils baissent maintenant…

Rappelons à nouveau les deux motifs de ce marché baissier.

Au sein de la sphère financière, un phénomène redoutable est en œuvre. Il est connu depuis toujours et annoncé depuis des mois : l’assèchement de la liquidité. Il résulte d’une part de la demande de liquidité toujours importante, notamment en raison de l’inflation, et d’autre part de l’offre, qui est profondément modifiée avec la fin des Quantitative Easings américains et européens, et la hausse des taux administrés par les banques centrales. La hausse des rendements exigés par les investisseurs est considérable, par son intensité et sa vitesse. Il faut remonter à 1994, lorsque les taux étaient passés de 6 à 8%, pour observer une hausse de 200 bp du taux des obligations d’Etat. La vitesse d’ajustement est aujourd’hui bien plus rapide, et l’économie est bien plus endettée et financiarisée qu’en 1994 : tout porte à croire que l’effet sur la sphère financière sera plus important.

Les investisseurs commencent à s’inquiéter de la virulence des réactions des banques centrales. La Fed ne commet elle pas une erreur en remontant de 75 pb ses taux ? Ne va-t-elle pas précipiter l’économie américaine dans la récession ? Evidemment, ils ne s’inquiétaient pas de l’effet inverse, à savoir du gonflement devenu stupide de la bulle obligataire : on gère mieux l’abondance que la rareté… Et aucun investisseur n’est venu questionner les banques centrales en 2021, et surtout au second semestre, sur l’effet des Quantative Easings sur les cours des actifs financiers. C’est maintenant qu’ils vont comprendre qu’une médaille a toujours son revers.

Au sein de la sphère réelle, le fait générateur du marché baissier qui semble surprendre de nombreux investisseurs, c’est la montée en puissance des dysfonctionnements de l’économie, qui se traduit par l’inflation. Ils sont révélés par les deux crises de la sphère réelle : la crise sanitaire et la crise géopolitique. Il s’agit des problèmes de logistique, de difficulté de transport des marchandises, des goulets d’étranglement. Il s’agit aussi de la plus grande difficulté à mener des activités jugées polluantes. Il s’agit aussi des pénuries dues à des manques d’investissement, notamment dans le secteur des semi-conducteurs. Il s’agit aussi de l’inadaptation de l’offre de travail à la demande, ou l’inverse.

La combinaison de ces deux phénomènes crée la tendance baissière. Elle commence, comme en 2000-2002 et comme en 2007-2009, par la hausse des taux, qui finit par casser la tendance haussière des actions. C’est ce qui s’est passé au premier semestre 2022. La tendance baissière se nourrit ensuite de la baisse des bénéfices, causé par la récession. Hier, plusieurs indicateurs ont pointé du doigt ce risque : la baisse de l’indice de la Fed de Philadelphie, ou encore la baisse des mises en chantier de maisons. Autant dire que nous n’en avons pas encore fini avec la baisse des actions.

En revanche, il nous semble que le marché obligataire a déjà été loin dans la baisse (dans la hausse des taux). Les niveaux actuels des taux sont probablement sur des plus hauts locaux, et il est probable que la situation se stabilise sur les marchés de taux. La récession génère de la liquidité, par baisse des besoins de financement de l’exploitation et baisse des investissements, et par la baisse de l’inflation. En attendant, la purge des actions doit continuer. De la virulence de la baisse actuelle, nait le potentiel d’un rebond technique en juillet aout.

Recommandation investisseurs : nous sommes toujours en forte sous-pondération des actions pour un CAC 40 supérieur à 5 541 points.

Tendance sur les marchés de taux et de devises : Les taux des obligations d’Etat ont très fortement progressé cette semaine : au-delà de 2,2% pour le 10 ans français et au-delà de 3,3% aux USA. L’€ a chuté de 2%

Tendances récentes sur les matières premières : Le cours du pétrole est toujours autour de 120$. Les cours des matières premières industrielles se détendent.


Eric GALIEGUE
Analyste financier indépendant,

Président de VALQUANT EXPERTYSE SAS
Membre de l'AFITE
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Lundi 20 Juin 2022


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