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LA finance de Madoff à Yunus

Peut-on parler de LA finance ? Je ne crois pas. Je suis surtout persuadé que c'est au mieux inexact ou imprécis, au pire délibérément trompeur. Comme si la finance était une, monolithique et homogène. Non, la finance est multimorphe et en parler comme d'un tout, que ce soit pour l'encenser ou la vilipender, revient à commettre une injustice.


Rémy Mahoudeaux
Rémy Mahoudeaux
Aucune personne un tantinet au fait des choses ne peut nier la disparité des métiers financiers. L'art de la finance désigne l'ensemble des techniques que partagent chacun de ces métiers, à des degrés divers. Et malheureusement, de trop nombreux Fouquier-Tinville s'auto-proclament procureurs au procès de la société vs. LA finance. Ne nous leurrons pas : ils sont plus intéressés par la taille d'un tableau de chasse où les trophées seraient indifféremment des boucs émissaires (innocents) qui jouxteraient de vrais coupables. Peu leur chaut que des nuances existent !

C'est ainsi qu'un candidat se déclarait l'adversaire de LA finance il y a un an. Il a été élu. Il est aux commandes. Pour quoi faire ? Pour empêcher les banquiers cupides de détourner l'argent des déposants vers des spéculations hasardeuses et le rendre à l'économie vraie : les entreprises, les collectivités locales, les particuliers etc... En Théorie, oui, c'est ce qu'il fait et ça fonctionnera. Quel beau pays que la Théorie : tout s'y passe toujours bien ! Les impôts y sont sans doute moins fiscalamiteux qu'ici, et même si je doute que les côtes y soient aussi belles qu'en Bretagne, je lui demanderais bien un passeport, moi, à la Théorie.

Parce qu'en Pratique, chez nous, je ne sais pas si vous avez suivi la loi de scission des banques, mais le compte n'y est pas. Filialiser = Séparer, ce n'est vrai qu'en Théorie. En Pratique, il y a toujours un compte courant qui enfle, une garantie qui traîne, une économie d'échelle qui justifie l'injustifiable, des débouchés naturels évidents, des administrateurs communs, un conflit d'intérêt qu'il serait malséant d'évoquer. Bref, des porosités de toute nature tant au sein des cloisons étanches qui isolent des sociétés juridiquement distinctes que dans les règlements stricts qui seront sensés maintenir cette étanchéité coûte que coûte. Et il nous est demandé de faire confiance à ceux qui n'auraient pas vu un Jérôme Kerviel engager sa banque à hauteur de 50 Mia. d'euros et qui vont nous affirmer la main sur le cœur qu'ils ne franchiront pas la ligne jaune ! (Je sais, je commets ici une généralisation abusive).

Cette réformette dont se gargarisent certains ministres et députés, c'est de l'esbroufe, un effet d'annonce, une retraite avant même d'avoir vu les troupes d'en face, une Bérézina, une pseudo avancée qui masque si peu un vrai abandon de poste, une haute trahison vis à vis des engagements de campagne du désormais Soi-Président. Encore une fois, l'important est qu'au 20 heures, la population puisse communier à la forme sans se rendre compte de l'inconsistance absolue du fonds, de son insondable vacuité. Form over Substance est le nouveau Panem & Circenses, monnaie (de singe?) pour acheter une pseudo-paix sociale et sacrifier au seul dieu du pouvoir : l'inertie.

J'ai déjà commis jadis un billet (1) qui présente les raisons que j'ai de souhaiter une scission des banques. Il est encore d'actualité, mais dépassé par la compilation de propos de personnalités plus talentueuses, mieux qualifiées et informées que moi. Vous trouverez ce verbatim au bout du lien en (2). Par ailleurs, si comme moi vous pensez que la séparation des banques de détails et des banques de marchés est une œuvre de salut public, je vous invite à signer la pétition en ligne au bout du lien en (3). Il serait possible d'objecter que le titre de cette pétition est intrinsèquement malheureux, maladroit, presque insupportable : j'ai moi-même été déçu de cette formulation. De même, je n'ai ni de grandes affinités, ni beaucoup d'idées communes avec bon nombre de ses promoteurs : ils ne sont que des alliés de circonstance. Mais je vous laisse juges de son contenu, et vous invite à dépasser ces objections légitimes. Enfin et surtout, si un zèle militant vous étreint et vous pousse à promouvoir auprès de votre réseau cette pétition, les ressources du marketing viral sont là et peu coûteuses : réseaux sociaux, mails, blogs, etc… Les Geonpis ont montré qu'exister sur le web n'est pas que virtuellement exister.

Plus généralement, je pense que nous, Financiers, devons au quotidien être capables d'accepter que l'opprobre frappe une partie de la finance, et défendre becs et ongles la finance qui ne vole pas aux altitudes stratosphériques des produits dérivés aux formules mathématiques compréhensibles des seuls Bac+12, qui ne confie pas à des algorithmes une décision d'investissement, qui n'est pas déraisonnablement cupide, la finance qui n'a pas à rougir de ce qu'elle fait, qui continue cahin-caha à servir les entreprises pour qu'elle puissent perdurer. Parce que les amalgames et les simplifications abusives mettent dans le même sac Bernard Madoff et Muhammad Yunus, et que c'est moralement intolérable.

Je profite de ce premier billet pour vous souhaiter une très heureuse année 2013.

(1) mon vieux billet : www.finyear.com/Scinder-les-banques_a19822.html
(2) le verbatim : www.les-crises.fr/130-personnalites-scission/
(3) la pétition : www.monadversairecestlafinance.fr/


Vendredi 11 Janvier 2013




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